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Intégrer les démarches palliatives dans les soins de longue durée

  
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févr. 24, 2020, Par: Amy McLeod
nurse talking to a patient
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Messages à retenir

  • Plus le personnel infirmier abordera tôt la question des soins palliatifs, plus il pourra fournir des soins qui ont un sens, centrés sur la personne et en phase avec les valeurs personnelles des patients.
  • Le personnel de SLD est idéalement placé pour faciliter des échanges utiles et en temps opportun sur les directives médicales anticipées et les soins de fin de vie avec les résidents et leur famille, mais pour ce faire, il doit avoir les compétences, le soutien et les outils nécessaires.
  • Une transformation culturelle de la façon dont nous parlons de la mort et du mourant est nécessaire pour favoriser l’acceptation et la compréhension des soins palliatifs et des répercussions positives qu’ils peuvent entraîner sur la vie des gens.

Avec le vieillissement de la population du Canada, plus de personnes âgées vivent et meurent dans des centres de SLD. D’après le Recensement de 2016, 6,8 % des Canadiennes et Canadiens de 65 ans ou plus vivaient en centre de SLD; ce chiffre passe à 30,0 % pour les 85 ans ou plus, et plus de 90 % de ces personnes qui y entrent ont une maladie qui limite l’espérance de vie (Garner, Tanuseputro, Manuel et Sanmartin, 2018).

L’importance et les avantages d’une démarche palliative dans les soins pour les personnes atteintes d’une maladie qui limite l’espérance de vie sont amplement documentés. En 2018, le Gouvernement du Canada a publié le Cadre sur les soins palliatifs au Canada, le fruit d’une collaboration pancanadienne pour étudier l’état des soins palliatifs et de fin de vie. Dans ce rapport, la ministre de l’époque, Ginette Petitpas Taylor, déclare qu’« une transformation culturelle de la façon dont nous parlons de la mort et du mourant est nécessaire pour favoriser l’acceptation et la compréhension des soins palliatifs et des répercussions positives qu’ils peuvent entraîner sur la vie des gens » (Gouvernement du Canada, 2018).

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit les soins palliatifs comme une approche qui cherche à améliorer la qualité de vie des personnes et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie limitant la qualité de vie, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que par le traitement de la douleur et d’autres problèmes physiques, psychosociaux et spirituels qui lui sont liés (Gouvernement du Canada, 2018). Sur le nombre total de Canadiennes et Canadiens de plus de 18 ans qui meurent chaque année, 90 % meurent d’une maladie chronique comme le cancer, une maladie du cœur, la défaillance d’un organe, la démence, la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques (Gouvernement du Canada, 2018).

Il serait naturel de présumer que le personnel de SLD a l’habitude de parler de fin de vie avec les résidents et leur famille. Pourtant, selon Mme Durepos et ses collègues (2018), les communications sur la fin de vie dans les centres de SLD sont inadéquates et ont lieu trop tard, les résidents mourant sans que l’on connaisse leurs préférences en ce qui concerne leur mort et leurs objectifs de soins.

Le rapport de Mmes Kunte, Johansen et Isenberg-Cohen (2017) appuie cette conclusion et indique que le personnel de SLD est mal préparé pour amorcer une discussion sur les soins de fin de vie. D’après la littérature universitaire, les mauvaises communications avec le personnel contribuent au sentiment des familles qu’elles sont mal préparées, ainsi qu’à leur détresse et à leur mécontentement quant aux soins (Durepos et coll., 2018).

L’OMS a préconisé une démarche systémique dans les soins palliatifs pour les personnes âgées, afin de permettre aux fournisseurs de soins de partager cette expérience on ne peut plus humaine en témoignant d’un intérêt sincère et en offrant des soins palliatifs holistiques et en phase avec les valeurs des patients (Gilissen et coll., 2017). Pour y parvenir, nous devons combler le fossé entre les connaissances et la pratique.

Contexte

Cet article témoigne de mon expérience en tant que directrice des soins par intérim et chef de projet lorsque je travaillais au centre de SLD Central Carleton Nursing Home (CCNH), dans une région rurale du Nouveau-Brunswick, et que nous participions à un projet pilote national à l’initiative de la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé (FCASS, 2019). Le projet, Intégration d’une démarche palliative dans les soins (IDPS), a été conçu pour combler le fossé entre les connaissances et la pratique avec une démarche palliative dans les soins offerts en établissement de SLD.

L’OMS a préconisé une démarche systémique dans les soins palliatifs pour les personnes âgées, afin de permettre aux fournisseurs de soins de partager une expérience on ne peut plus humaine en témoignant d’un intérêt sincère et en offrant des soins palliatifs holistiques et en phase avec les valeurs des patients.

Les données anecdotiques collectées au fil des conversations avec le personnel et mes observations lorsque je suis entrée en fonction dans cet établissement comme directrice des soins par intérim reflétaient les conclusions des recherches que j’avais lues : beaucoup de membres du personnel de SLD se sentaient gênés et mal préparés pour entamer des discussions sur les questions relatives à la fin de vie (Durepos et coll., 2018; Gilissen et coll., 2017; Kunte, Johansen et Isenberg-Cohen, 2017).

La question des directives préalables en matière de soins de santé (DPSS) est abordée dès l’admission au centre au moyen d’un questionnaire à choix multiples signé par les résidents ou leur mandataire et co-signé par le médecin du centre. Les choix offerts incluent : réanimation (toutes les mesures) avec transfert dans un hôpital de soins actifs; pas de réanimation, mais transfert dans un hôpital de soins actifs si nécessaire; soins de confort seulement, sans transfert.

Les DPSS sont reconfirmées tous les ans pendant une réunion multidisciplinaire pour examiner le dossier des résidents ou lors d’un changement important dans son état. Si les directives sont un élément important du dossier médical des résidents, elles n’indiquent pas les mesures de soins palliatifs qu’ils souhaitent, et la démarche ne facilite pas une conversation sérieuse au sujet des valeurs, croyances et souhaits de fin de vie des résidents.

Reconnaissant les lacunes en matière de soins véritablement centrés sur la personne au CCNH, l’équipe administrative a demandé de compter parmi les cinq établissements de SLD constituant l’équipe provinciale sous l’égide de l’Association des foyers de soins du Nouveau-Brunswick et devant participer au projet pilote IDPS. Ce projet collaboratif reflète les croyances décrites par Gilissen et coll. (2017) : les discussions sur les DPSS devraient faire partie d’échanges continus qui tiennent aussi en compte des estimations réalistes du pronostic de la maladie, les objectifs de soins généraux et les avantages et conséquences réalistes des interventions ainsi que les valeurs culturelles, spirituelles et déontologiques qui sous-tendent la prise de décisions.

… beaucoup de membres du personnel en SLD se sentaient gênés et mal préparés pour entamer des discussions sur les questions relatives à la fin de vie…

Définitions importantes

Pendant nos travaux pour élaborer le projet IDPS, il est devenu crucial pour l’équipe de planification de créer quelques définitions générales et uniformes pour ce projet de changement culturel. Les définitions suivantes ont été mises de l’avant tout au long du processus :

  • Planification préalable des soins – Le processus de réflexion et de communication qu’utilise une personne pour laisser savoir aux autres leurs préférences en matière de soins de santé et de soins personnels futurs (Gouvernement du Canada, 2018)
  • Objectifs des soins – L’objectif général ou la centration des soins. Les objectifs cliniques et autres d’un épisode de soins d’une personne qui sont déterminés dans le contexte d’un processus de prise de décision partagée. Ils devraient comprendre le traitement de la maladie ou la prise en charge des symptômes. Dans certains cas, ils comprennent les limites des interventions souhaitées par les personnes, comme l’ordonnance de « ne pas réanimer » (Gouvernement du Canada, 2018).
  • Stratégie palliative intégrée en matière de soins  Stratégie qui vise à combler l’ensemble de l’éventail des besoins (p. ex. physiques, psychosociaux, spirituels et pratiques) d’une personne et de sa famille à tous les stades d’une maladie chronique évolutive. Elle renforce l’autonomie d’une personne et son droit de participer activement à ses propres soins et elle s’efforce d’offrir aux personnes et à leurs familles un plus grand sens de maîtrise. Elle est particulièrement axée sur une communication ouverte et sensible à propos du pronostic et de la maladie de la personne, de la planification préalable des soins ainsi que du soutien physique, psychosocial et spirituel (Gouvernement du Canada, 2018).

Points saillants du projet

La FCASS s’emploie à faire connaître des innovations qui ont fait leurs preuves pour offrir de meilleurs soins de proximité. La mise en œuvre initiale de l’IDPS dans 48 centres de SLD de Vancouver Coastal Health a permis d’offrir aux résidents de meilleurs soins de fin de vie à domicile, sans transferts non essentiels à l’hôpital, et d’accompagner l’ensemble des parties prenantes tout au long du processus (FCASS, 2019).

Grâce à une démarche de formation de formateurs, sept équipes participantes ont diffusé le modèle de l’IDPS dans 22 centres de SLD. Cinq provinces et un territoire l’ont mis en œuvre de juin 2018 à novembre 2019 (FCASS, 2019).

Le CCNH étant l’un des centres participant à ce projet, le personnel avait accès à un processus de mise en œuvre qui incluait de la formation, des ressources, des outils, une aide technique et le soutien d’un formateur pour l’équipe et pour les individus. Notre établissement avait aussi accès aux ressources, coordonnées de personnes-ressources et résultats du projet à travers le site Web de la FCASS. Des indicateurs faisaient l’objet d’un suivi : nombre de décès, nombre de résidents ayant participé à une conversation documentée sur les objectifs de soins, endroit où ils préféraient mourir et nombre de transferts dans un établissement de soins aigus avec ou sans hospitalisation au cours des trois derniers mois de leur vie.

Mise en œuvre

Notre établissement étant petit (30 lits) et ayant des ressources financières et humaines limitées, c’est moi, comme directrice des soins par intérim, qui ai été choisie pour diriger le projet avec le soutien à temps plein de l’administratrice. Avoir accès aux ressources et au soutien de l’équipe de la FCASS était formidable, mais maintenant, ces connaissances doivent être transmises au personnel, aux résidents, aux familles et aux partenaires communautaires et de soins dans notre établissement.

En suivant la théorie de gestion du changement de Kurt Lewin, j’examinerai le processus de changement culturel en distinguant trois phases : la décristallisation (le moment où le changement est nécessaire), le déplacement (lorsque le changement débute) et la recristallisation (lorsqu’on établit un équilibre).

Décristallisation

Toutes les équipes qui participaient au projet pilote ont reçu un petit incitatif financier pour les aider à couvrir leurs frais. Nous avons utilisé cet argent pour aider à former 25 % du personnel de soins pour qu’il obtienne la certification LEAP-Soins de longue durée (Learning Essential Approaches to Palliation). Ce cours de deux jours, reconnu au niveau national et offert par Pallium Canada, est conçu pour renforcer la capacité palliative dans les établissements de SLD. Le cours a donné aux employés de meilleures connaissances pour appuyer la mise en œuvre de l’IDPS. L’équipe incluait aussi des représentants des résidents, des familles, des bénévoles et du personnel pastoral.

Pour changer réellement et durablement la culture, la démarche de soins doit s’appuyer sur la compréhension, la participation et les croyances de tous les secteurs. Des séances de formation et d’information ont été organisées pour le personnel, les résidents, les familles et l’équipe d’accompagnement pastoral. Ces séances étaient également ouvertes à la communauté locale.

Déplacement

Plutôt que d’essayer de tout changer d’un coup, nous avons décidé d’incorporer les changements peu à peu pour que la tâche soit moins intimidante. Voici quelques exemples des mesures que nous avons prises :

  • Pendant nos réunions hebdomadaires pour passer les plans de soins en revue, nous examinons les inquiétudes portant sur les symptômes des résidents en adoptant une perspective de soins palliatifs, une terminologie uniforme et des indicateurs de fragilité (par exemple : la nourriture ne semble plus l’intéresser, il ou elle perd du poids, c’est sa troisième infection cette année, il ou elle dort plus souvent).
  • Des séances éducatives en petits groupes utilisant les ressources fournies par la FCASS portent sur des techniques pour amorcer la communication sur la fin de vie.
  • Nous identifions les changements nécessaires dans les politiques et procédures pour appuyer le changement de culture (procédure d’admission, et de communication entre départements, par exemple).
  • Nous identifions les changements nécessaires dans les politiques et procédures pour appuyer le changement de culture (procédure d’admission, et de communication entre départements, par exemple).
  • Nous avons changé la formule des rencontres multidisciplinaires au sujet des résidents pour qu’elles prennent la forme d’échanges sur les objectifs des soins.

Pour le moment, c’est l’équipe administrative qui facilite les échanges sur les objectifs des soins. Le personnel a besoin de formations supplémentaires, avec des simulations d’échanges sur la fin de vie pour gagner en aisance au moment d’amorcer ces échanges et d’en communiquer les résultats.

Recristallisation

Nous ne sommes pas encore parvenus à ce stade du processus. Beaucoup de nos procédés doivent être adaptés pour en faire des démarches palliatives centrées sur la personne. Comme une seule personne est formée pour mettre en œuvre les mesures indispensables à une initiative de changement réussie et qu’elle a d’autres responsabilités à plein temps, nos progrès sont lents.

Responsabilités

Les conversations sur la mort et la fin de vie n’ont pas seulement lieu à certains moments prédéterminés avec certains membres du personnel. Elles peuvent survenir au milieu de la nuit avec le personnel soignant, pendant la journée avec le personnel d’entretien, pendant un repas avec les diététistes, ou pendant des activités programmées. Par conséquent, tous les membres de l’équipe, et pas seulement le personnel infirmier, jouent un rôle important. Il est donc crucial de les former et de mettre en place des processus pour communiquer aux autres membres de l’équipe ces échanges avec les résidents.

Résultats

Depuis le début de notre participation à l’IDPS, nous avons eu des réussites et des revers. Tous les membres de notre équipe multidisciplinaire se sont montrés ouverts à la démarche.

Nous sommes parvenus à cerner et cibler des objectifs de soins avec tous les résidents et leur famille, à une exception près. L’état de cette personne a changé rapidement, et nous n’étions pas préparés, car notre processus en était encore à ses débuts. Du coup, la personne a été emmenée aux urgences sans que ce soit nécessaire 72 heures avant son décès.

Nous avons eu une garde d’honneur non officielle lors du décès d’un résident, ce que la famille du résident, notre personnel et de nombreux résidents ont trouvé très bien. Cela a cependant contrarié plusieurs autres résidents et familles qui n’ont pas compris qu’une garde d’honneur serait seulement organisée pour eux s’ils en faisaient la demande dans leurs objectifs de soins. Des discussions préalables auraient été utiles dans cette situation.

L’une des difficultés dans ce projet a été de trouver le temps nécessaire pour la formation du personnel et la révision des politiques et procédures. Je recommande donc d’avoir un leadership parallèle pour le projet de changement. On pourrait ainsi équilibrer la charge de travail et peut-être éviter que le projet ne stagne à cause des obligations conflictuelles du directeur de projet.

Depuis que nous avons incorporé l’IDPS, nous avons reçu des commentaires positifs des résidents et des familles. Ils sont entre autres profondément et sincèrement reconnaissants des soins que nous offrons aux personnes en fin de vie et des derniers moments que nous les aidons à vivre ensemble.

Conclusion

Nous sommes heureux d’avoir eu l’occasion de participer au projet IDPS par l’entremise de la FCASS. Nous savions qu’il y avait un écart entre la qualité de soins que nous souhaitions offrir et la façon dont nous pratiquions. Incorporer une démarche palliative à notre culture de soins nous a permis d’offrir à nos résidents des soins qui ont un sens, plus individualisés et respectueux.

Le personnel est de plus en plus à l’aise et compétent pour tenir ces échanges difficiles qui sont partie intégrante de notre travail, et nous offrons à nos résidents un environnement où ils peuvent mener la vie la plus riche possible et mourir en sachant que leurs souhaits seront respectés.

Références

Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé. Projet collaboratif de diffusion de l’intégration d’une démarche palliative dans les soins, 2019.

Durepos, P., Kaasalainen, S., Sussman, T., Parker, D., Brazil, K., Mintzberg, S. et A. Te. « Family care conferences in long-term care: Exploring content and processes in end-of-life communication », Palliative and Supportive Care16(5), 2018, p. 590-601. doi:10.1017/s1478951517000773

Garner, R., Tanuseputro, P., Manuel, D. G. et C. Sanmartin. « Transitions to long-term and residential care among older Canadians », Health Reports, 29(5), 2018, p. 13-23.

Gilissen, J., Pivodic, L., Smets, T., Gastmans, C., Vander Stichele, R., Deliens, L. et L. Van den Block. « Preconditions for successful advance care planning in nursing homes: A systematic review », International Journal of Nursing Studies66, 2017, p. 47-59. doi:10.1016/j.ijnurstu.2016.12.003

Gouvernement du Canada. Cadre sur les soins palliatifs au Canada, Santé Canada, 2018.

Kunte, V., Johansen, M. L. et S. Isenberg-Cohen. « Improving long-term care residents’ outcomes by educating nursing staff on end-of-life communication », Journal of Hospice & Palliative Nursing, 19(6), 2017, p. 550-555. doi:10.1097/NJH.0000000000000386


Amy McLeod, inf. aut., B.Sc.inf., MHS, CSU©, CSIG©, a 34 années d’expérience en soins directs, dont 18 en soins infirmiers d’urgence. Depuis trois ans, elle travaille en soins de longue durée. Elle se passionne pour les soins infirmiers gériatriques et pour le rôle du personnel infirmier dans l’intégration d’une démarche palliative dans les soins aux personnes ayant un diagnostic de maladie qui limite leur expérience de vie.

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