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Cathy Harley a adopté une mentalité d’affaires pour faire progresser la pratique infirmière
Par Laura Eggertson
8 août 2023
Il y a près de 35 ans, Cathy Harley a vu à la télévision des collègues en soins infirmiers porter un cercueil jusqu’à l’Assemblée législative de l’Ontario lors d’une marche de protestation, aux côtés de banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « La profession infirmière est en voie de disparaître. »
Coordonnatrice des soins cliniques à l’unité des soins intensifs d’un grand hôpital de Mississauga, en Ontario, à l’époque, Cathy Harley se souvient s’être identifiée aux manifestants.
« Les membres du personnel infirmier étaient étouffés. Leur capacité n’était pas pleinement reconnue. L’investissement qu’ils avaient fait dans leur formation n’était pas reconnu. Certains diplômés en informatique étaient mieux rémunérés que les infirmières et infirmiers », explique-t-elle.
« J’observe la situation et je me dis qu’il faut changer les choses, mais le changement demande du temps, du plaidoyer, des données et un modèle de données. »
En tant qu’infirmière travaillant en soins intensifs en milieu hospitalier, Cathy Harley a estimé qu’il fallait prendre des mesures pour faire progresser la pratique infirmière. Elle était convaincue que pour changer le système de soins de santé, il valait mieux s’y prendre autrement, en adoptant une mentalité d’affaires.
Aujourd’hui, Cathy Harley est directrice générale de l’organisation Infirmières spécialisées en plaie, stomie et continence Canada (ISPSCC), un organisme de bienfaisance enregistré et situé à Ottawa qui compte plus de 850 membres représentant les infirmières et infimiers spécialisés et faisant la promotion de normes de pratique élevées. Elle supervise en plus l’International Skin Tear Advisory Panel, un groupe d’intérêt officiel d’ISPSCC qui compte plus de 4 000 membres dans le monde.
Elle est également consultante spécialisée dans la planification et la restructuration des organismes d’infirmières et d’infirmiers à but non lucratif, et a travaillé dans le secteur privé, au cours d’une carrière en marketing et en ventes au sein d’une entreprise mondiale de soins de santé.
Passer aux affaires
Pour en arriver à ce stade de sa carrière, Cathy Harley a dû passer à la vitesse supérieure. Elle a commencé par abandonner les soins directs aux patients dans son poste d’infirmière en soins intensifs pour travailler chez Convatec, une division de Bristol-Myers Squibb Canada Inc.
Après avoir rapidement évolué d’un poste de représentante régionale des ventes de fournitures pour les plaies, les stomies et l’incontinence à un poste national de gestionnaire de l’unité commerciale pour la peau et les plaies, Cathy Harley a déménagé aux États-Unis et est finalement devenue directrice du marketing stratégique mondial pour le noyau principal en matière de technologie lié au traitement des plaies de Convatec. Avec le soutien de son entreprise, elle a obtenu un diplôme de MBA pour cadres à la London Business School et dans le cadre du programme de perfectionnement du leadership de l’Université Princeton.
Cathy Harley a également acquis des qualifications spécialisées dans le traitement des plaies au sein du programme international interdisciplinaire de traitement des plaies de l’Université de Toronto. Elle a ensuite obtenu un certificat en administration des affaires pour des organismes à but non lucratif à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa et à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto.
À chaque étape de sa carrière, lorsqu’elle a senti qu’elle avait besoin d’une formation ou d’études plus spécialisées, elle a travaillé dur pour l’obtenir.
La combinaison de son expertise en matière de soins de la peau et des plaies et de sa formation et de ses diplômes en administration des affaires a été essentielle pour fournir à Cathy Harley les outils dont elle avait besoin pour laisser une empreinte dans le domaine des soins infirmiers spécialisés.
Aujourd’hui, elle utilise son statut pour participer à des tables rondes sur la politique de santé au Canada et dans le monde, où elle plaide pour que les spécialités et l’expérience des infirmières et infirmiers soient reconnus et récompensés.
« Dans de nombreuses provinces, les membres du personnel infirmier ne sont pas rémunérés pour leurs connaissances et compétences supplémentaires, explique Cathy Harley. Ils sont classés en catégorie et rémunérés en tant qu’infirmières et infirmiers autorisés, même en étant titulaires d’une spécialisation. »
Les infirmières et infirmiers spécialisés améliorent les soins
De nombreux syndicats d’infirmières et d’infirmiers n’ont pas de catégories ou de paliers de rémunération supplémentaires pour le personnel infirmier spécialisé, ajoute-t-elle.
Bien que la lutte pour que les membres du personnel infirmier soient mieux rémunérés en fonction de leur expérience et de leurs diplômes soit difficile, Cathy Harley et les dirigeants de la profession infirmière avec lesquels elle travaille à l’Association des infirmières et infirmiers du Canada font des progrès auprès des provinces, dit-elle. Il est essentiel de présenter la proposition de valeur du personnel infirmier spécialisé.
« Nous disposons d’études qui montrent que la présence d’une infirmière ou d’un infirmier spécialisé au sein de l’équipe de soins des plaies permet de réaliser d’importantes économies et d’améliorer les résultats cliniques, explique-t-elle. Il s’agit vraiment de faire passer le message que si l’on ajoute des infirmières ou des infirmiers spécialisés à l’équipe, les résultats cliniques et les coûts s’en trouveront améliorés. »
Tout au long de sa carrière, Cathy Harley a également eu l’occasion d’améliorer la pratique infirmière en enseignant les techniques de soin des plaies à des dirigeants d’hôpitaux et à des professionnels de la santé du monde entier. Dans le cadre d’une initiative visant à améliorer les soins podologiques des patients diabétiques, elle a effectué une tournée des hôpitaux du Moyen-Orient pour enseigner aux chirurgiens et aux autres professionnels de la santé de nouveaux types de pansements et de nouvelles techniques de soin des plaies afin de réduire les infections et d’éviter les amputations.
« Ce fut une expérience très positive », dit-elle.
En 2011, au Cambodge, Cathy Harley et une collègue ont travaillé pendant un mois dans des milieux hospitaliers et communautaires à Phnom Pen.
Une expérience d’apprentissage profond
En enseignant aux médecins et au personnel infirmier des techniques avancées de soin des plaies, elles ont appris à quel point ces professionnels de la santé étaient débrouillards et résilients, soignant des blessures dévastatrices avec peu ou pas de matériel.
Parmi leurs patients se trouvait une femme de 52 ans à qui on avait versé de l’acide de batterie sur la tête. On allait effectuer sur elle une greffe de la peau.
« Cette pauvre femme a été amenée dans la salle d’opération et nous n’avions pas grand-chose pour travailler, se souvient Cathy Harley. Nous avons dû enseigner ce que nous pouvions en matière de contrôle des infections et d’autres aspects du traitement des plaies. C’était une expérience inédite pour moi. »
Voir ce à quoi d’autres infirmières et infirmiers sont confrontés dans de telles situations « m’a beaucoup touchée », dit Cathy Harley. « Au Canada, même s’il y a des aspects à améliorer, dans l’ensemble, nous avons accès aux fournitures dont nous avons besoin quand nous en avons besoin. »
Bien qu’elle ait dû ralentir ses fonctions de soins directs aux patients, Cathy Harley est encouragée par le travail qu’elle accomplit pour mettre les connaissances en pratique, par exemple en aidant à lancer le premier colloque national sur le traitement des plaies. Ce colloque a donné naissance à l’Association canadienne du soin des plaies, aujourd’hui connue sous le nom de Plaies Canada, une organisation à but non lucratif qui se consacre à la formation, à la recherche et à la mise en pratique des progrès réalisés dans le domaine des soins des plaies.
Formation en ligne
Elle prend aussi grand plaisir à participer au Wound, Ostomy and Continence Institute, une initiative principalement en ligne que l’organisation ISPSCC a créée en tant que programme pédagogique pour former des infirmières et infirmiers spécialisés dans le traitement des plaies, des stomies et de l’incontinence, ainsi que pour offrir le Skin Wellness Associate Nurse Program pour les infirmières et infirmiers auxiliaires.
À tout moment, 150 infirmières et infirmiers auxiliaires et ambulanciers suivent les programmes et les cours, indique Cathy Harley.
Tout en jonglant avec son travail stratégique avec les organisations de soins de santé et ses efforts de formation et de mise en pratique des connaissances, Cathy Harley préserve aussi sa propre santé. Adepte du ski de fond et de sports de pagaie, elle aime passer du temps au chalet avec son mari Gordon Faulkner et voir ses trois enfants adultes chaque fois qu’elle le peut. Elle sourit lorsqu’elle dit que sa fille aînée est infirmière autorisée spécialisée en traitement des plaies, de stomies et de l’incontinence.
Elle est particulièrement fière des efforts qu’elle déploie pour aider les membres du personnel infirmier à acquérir la confiance en soi en approfondissant leurs connaissances en matière de soins des plaies, des stomies et de l’incontinence. Ces compétences élargissent leur horizon professionnel et améliorent les soins aux patients, dit-elle.
« Ce domaine spécialisé des soins infirmiers s’est incontestablement développé au fil du temps », ajoute-t-elle.
De nombreux membres du personnel infirmier choisissent aujourd’hui cette spécialité parce qu’en plus de leur travail clinique, ils peuvent participer à l’élaboration de recommandations et de directives cliniques sur les pratiques optimales, à l’élaboration de politiques et à la recherche, ajoute-t-elle.
« C’est ce qui les attire : passer d’un travail de généraliste à des soins spécialisés plus avancés. »
Et lorsqu’ils deviendront des spécialistes chevronnés, Cathy Harley sera à leurs côtés pour plaider en faveur d’augmentations salariales et de la reconnaissance qu’ils méritent.
Laura Eggertson est journaliste indépendante à Wolfville, en Nouvelle-Écosse.
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