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Une clinique éphémère couronne les efforts visant à rendre plus accessibles l’analyse et le dépistage des infections transmissibles sexuellement

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2023/06/26/yellowknife-pop-up-clinic

Un projet pilote dans les Territoires du Nord-Ouest identifie et permet de surmonter les principaux obstacles à la prestation de soins

Par Emily Durant
26 juin 2023
Santé et Services sociaux des Territoires du Nord-Ouest
Une clinique éphémère à Yellowknife a été lancée comme projet pilote l’an dernier en vue de réduire les taux d’infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS). Chaque personne qui s’est présentée à la clinique éphémère a suivi le même cheminement de soins en quatre étapes sans exception.

En 2021, les Territoires du Nord-Ouest affichaient un taux de syphilis sept fois plus élevé que la moyenne nationale. Cette situation a donné lieu à une évaluation des moyens d’améliorer l’intervention à la syphilis. L’Agence de la santé publique du Canada indique que les taux de syphilis infectieuse ont augmenté dans tout le pays au cours de la dernière décennie, le taux national passant de 5,1 pour 100 000 en 2011 à 24,7 pour 100 000 en 2020. Les taux d’infection demeurent plus élevés chez les hommes que chez les femmes, mais entre 2016 et 2020, les taux d’infection chez les femmes ont augmenté de 773 %, ce qui réduit l’écart entre les sexes et indique que les caractéristiques démographiques de la transmission sont en voie de changer.

Gracieuseté de Stephanie Gilbert
Stephanie Gilbert est une Inuite et une infirmière autorisée travaillant dans les Territoires du Nord-Ouest qui a participé au lancement de la clinique éphémère. Elle espère que des cliniques comme celle-ci « réduiront la stigmatisation et les obstacles à l’accès et augmenteront l’acceptation du dépistage par les personnes qui ne se sont jamais prêtées au dépistage auparavant ou qui ne le font pas aussi souvent qu’on le recommande ».

Stephanie Gilbert est une Inuite et une infirmière autorisée qui travaille dans les Territoires du Nord-Ouest et qui a passé une grande partie de sa carrière dans le domaine des soins infirmiers en santé communautaire. « Lorsque nous avons su que les taux de syphilis étaient sans précédent, nous avons dû examiner nos propres données épidémiologiques sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) pour avoir une idée de ce qui se passait, explique-t-elle. Les données nous indiquaient que les clients traditionnellement « fortement exposés » ne sont pas ceux qui se présentent à l’heure actuelle auprès du système de soins santé pour recevoir un diagnostic de syphilis. Notre système devait réagir et s’adapter. »

Il a donc fallu revoir la façon dont les services étaient fournis, notamment en apportant des changements dans les cliniques conventionnelles et en faisant l’essai d’une clinique éphémère. Ces deux initiatives visaient à garantir que les services répondent aux besoins de la population et à surmonter les obstacles à l’accès aux soins.

Identification des obstacles

Pour changer le mode de prestation des services relatifs aux ITSS, un changement de paradigme était nécessaire de la part du personnel infirmier dans le cadre du travail d’intervention quant à la façon d’envisager le risque d’infection, notamment les moyens d’identifier les personnes devant se soumettre à un dépistage de la syphilis. Le personnel infirmier, en collaboration avec une équipe de promotion de la santé, voulait soumettre le plus grand nombre de personnes à des tests de dépistage et les traiter, en plus d’allouer les ressources de la façon la plus efficace possible. Après que l’équipe de promotion de la santé a recueilli les commentaires des intervenants et du public sur les obstacles au dépistage des ITSS, le message était clair : réduire les temps d’attente, améliorer l’accès, fournir des soins en toute confidentialité, être accompagné par des personnes de confiance ou le ou la partenaire, et accroître le sentiment de sécurité.

Temps d’attente

Les gens devaient attendre des semaines pour obtenir un rendez-vous dans une clinique, mais cette attente ne convenait pas à leurs besoins. Les tests de dépistage des ITSS étaient souvent nécessaires sur-le-champ. Le fait d’avoir des rendez-vous facilement accessibles permettrait aux clients d’accéder rapidement aux évaluations, aux tests et aux traitements. Pour la clinique conventionnelle, la solution consistait à modifier les types de rendez-vous, en remplaçant les rendez-vous pris longtemps à l’avance par des rendez-vous pouvant être offerts le jour même ou le soir. L’essai d’une clinique éphémère (voir ci-dessous) a également permis de réduire les temps d’attente.

Confidentialité et stigmatisation

Les clients ont exprimé leurs préoccupations concernant la confidentialité et la stigmatisation qui accompagnent le test de dépistage des ITSS. Ces préoccupations devaient être au premier plan du processus. Selon un rapport récent, 50 % des membres de la population canadienne ont indiqué qu’ils n’avaient jamais subi de test de dépistage des ITSS. Les raisons invoquées sont la difficulté à parler des ITSS, la crainte d’un résultat positif ou du jugment, la stigmatisation associée aux ITSS, les préoccupations relatives à la protection de la vie privée et l’absence de la relation établie avec le fournisseur de soins de santé. Cependant, il est bien connu que le fait d’être accompagné d’une personne de confiance augmente les chances des clients d’accéder aux soins liés aux ITSS.

« Lutter contre la stigmatisation et travailler dans le cadre des préjudices coloniaux que nous avons subis en tant qu’Autochtones, tout en préservant la confidentialité, est une priorité non seulement en matière d’ITSS, mais aussi pour la santé et le mieux-être. La modification de nos modèles de prestation de soins a nécessité beaucoup de réflexion, de discussion et de planification de la part de nos experts en ITSS, explique Stephanie Gilbert. D’abord et avant tout, les praticiens et praticiennes doivent être conscients de l’histoire coloniale et établir avec la clientèle une relation fondée sur le consentement éclairé. Ils doivent faire preuve de transparence avec la clientèle en ce qui concerne la sécurité et la confidentialité de toutes les interactions. »

Préoccupations liées aux Autochtones

Les temps d’attente et la confidentialité ne sont cependant pas les seuls obstacles au dépistage. Il est également essentiel de prendre en compte le racisme et la discrimination dont sont victimes les populations autochtones lorsqu’elles accèdent aux soins et aux services sociaux. Cette considération était particulièrement importante lorsqu’il s’agissait de repenser la façon d’offrir les soins en matière de santé sexuelle.

Stephanie Gilbert explique qu’il faut créer des espaces sûrs à cette fin en collaboration avec la clientèle autochtone afin d’aborder l’héritage colonial de la honte, des préjudices et même des sanctions subis parce que les opinions et les croyances des Autochtones en matière de sexualité diffèrent de celles de l’église et d’autres structures coloniales. Par ailleurs, dans les pensionnats, on peut retracer les antécédents d’agressions sexuelles et physiques sur les enfants autochtones, lesquelles ont eu des répercussions directes sur la sexualité, la santé sexuelle et le consentement.

Stephanie Gilbert explique que le personnel infirmier et les autres spécialistes de la santé doivent reconnaître ces antécédents et en tenir compte dans leur démarche de soins en matière de santé sexuelle et de traitement des ITSS.

« Dans le contexte des pensionnats, le sexe était un acte violent, explique Stephanie Gilbert. Il est difficile et compliqué d’en parler, mais en le sachant, nous devons consciemment créer des espaces sûrs en collaboration pour que les clients et clientes puissent discuter de leur santé sexuelle, de sorte que même s’ils ne sont pas prêts à discuter ouvertement de sexualité et de santé sexuelle, ils peuvent se sentir plus en confiance grâce à notre soutien constant. Nous ne pouvons pas non plus continuer à cautionner la honte liée à la sexualité, perpétuant ainsi ces préjudices coloniaux. Tout revient à équilibrer les éléments. »

On doit donc garder à l’esprit que chaque personne autochtone est potentiellement porteuse des points de vue coloniaux sur la sexualité et les soins de santé et qu’elle est encore en voie de guérison. Pour répondre à ces préoccupations légitimes, les principes clés de la Trousse de soins sensibles aux traumatismes et à la violence, élaborée par l’Association canadienne de la santé publique, ont été utilisés pour façonner les soins que l’équipe allait fournir.

Amélioration de l’accès et changement des attitudes

Clinique conventionnelle

En réaction directe aux commentaires et aux données épidémiologiques, la clinique conventionnelle a modifié le mode de prise de rendez-vous et la structure de l’emploi du temps. L’accès aux services, y compris les analyses liées aux ITSS et l’examen des symptômes, le prélèvement d’échantillons et la prestation de traitement, du counseling et des soins de suivi, a été grandement amélioré. Le fait de disposer d’un emploi du temps ouvert et d’heures prolongées a permis à la clientèle de se prévaloir d’options flexibles.

Clinique éphémère

Une clinique éphémère a été planifiée et proposée lors de la Journée mondiale du sida, le 1er décembre 2022. Elle est devenue le point culminant d’une démarche visant à améliorer l’accès aux soins de santé sexuelle.

La clinique éphémère a été précédée par des semaines de campagne de sensibilisation au moyen de messages créatifs qui ont permis non seulement d’entamer la conversation sur la sexualité, mais aussi de redéfinir la vision du dépistage des ITSS. Au lieu de projeter l’image que le dépistage ne vise que les personnes « à risque », cette intervention a été décrite comme un processus normal qui fait partie des soins personnels, tout comme pour une infection streptococcique. Cette approche en matière de communication est apparue sur les sites Web du gouvernement et sur des invitations imprimées, qui contenaient des messages tels que « nous sommes tous des êtres sexuels » et « nous méritons tous d’avoir accès au dépistage ». Les documents imprimés ont été distribués dans des trousses de soins aux membres de la communauté par l’entremise d’une intervention de sensibilisation.

Des bénévoles d’organisations non gouvernementales ont parcouru les rues et ont mobilisé le public. Stephanie Gilbert a donné des entrevues à la radio et d’autres membres de l’équipe ont été interviewés par l’émission The National de CBC. Des influenceurs des médias sociaux ont été sollicités pour faire connaître la clinique et faire visiter les locaux la veille de l’ouverture, afin de montrer que la vie privée n’était pas sacrifiée et qu’il n’y avait pas de honte à se soumettre au dépistage.

La clinique éphémère était très accueillante, avec ses nombreux panneaux et affiches et des intervenants qui ont pris le temps de discuter avec les clients. Des amis ou des partenaires pouvaient visiter la clinique ensemble, de façon à mettre en place des systèmes de soutien et à les favoriser, et si on se présentait en solo, les membres du personnel s’efforçaient d’apporter tout le soutien nécessaire.

Chaque personne a suivi le même cheminement de soins en quatre étapes, sans exception :

  1. Inscription : Le personnel obtient les coordonnées des clients et leur consentement aux soins, et leur explique ce à quoi s’attendre tout au long de la consultation, y compris les éléments de base du processus de dépistage et de prélèvement des échantillons. Cette démarche a permis aux clients de décider en toute connaissance de cause s’ils souhaitaient ou non poursuivre le processus, lequel a été largement annoncé à l’avance. Ainsi, ils étaient plus susceptibles de se rendre à la clinique.
  2. Dépistage : La station de dépistage disposait d’un test de dépistage de la syphilis et du VIH au point d’intervention. Le personnel a aussi procédé à des tests sérologiques de confirmation, mais aucun résultat n’a été communiqué à ce moment-là afin de respecter la vie privée.
  3. Résultats : Il s’agissait d’une séance individuelle privée avec une infirmière ou un infirmier en santé sexuelle qui portait sur la réduction des méfaits, les pratiques sexuelles sûres et sur tout ce dont les clients avaient besoin. Pour garantir la confidentialité, rien de personnel ni de privé ne faisait l’objet de discussions jusqu’à ce que les clients atteignent cette étape de la clinique. En cas de besoin, un traitement pouvait être fourni immédiatement sur place.
  4. Prise de rendez-vous pour le suivi : Les clients pouvaient également être inscrits pour des rendez-vous de suivi afin d’éviter tout obstacle aux autres soins nécessaires. La capacité d’accélérer la prise de rendez-vous pour les clients en fonction de leurs besoins a été mentionnée comme une bonification dans les commentaires sur le projet.

L’un des avantages de cette clinique éphémère a été sa capacité à rationaliser le processus et les stations afin d’obtenir l’équivalent d’une semaine de rendez-vous en une journée, en faisant appel à environ le même nombre d’employés qu’une clinique conventionnelle. Bien que la clinique éphémère ait connu un franc succès, il sera toujours nécessaire de planifier les rendez-vous sur place et la journée même dans un cadre personnalisé avec un fournisseur de soins de santé.

La bonne clinique au bon moment et au bon endroit

Interrogée sur les résultats attendus, Stephanie Gilbert déclare : « Nous espérons que ces messages et ces styles de cliniques réduiront la stigmatisation et les obstacles à l’accès et renforceront l’acceptation du dépistage par les personnes qui ne se sont jamais prêtées à un test de dépistage auparavant ou qui ne le font pas aussi souvent qu’on le recommande, et surtout pour voir quels types de cliniques fonctionnent le mieux pour le dépistage des ITSS dans nos communautés. »

Compte tenu des taux nationaux de syphilis, les Territoires du Nord-Ouest continueront d’avoir périodiquement recours au modèle de clinique éphémère, ainsi qu’aux cliniques conventionnelles avec prise de rendez-vous sur place et le jour même. Ces deux démarches permettront aux clients de se prévaloir d’un meilleur accès pour répondre à leurs besoins en matière de soins. L’équipe espère que d’autres praticiens et praticiennes fourniront des soins en matière d’ITSS en utilisant une démarche tenant compte des traumatismes, en envisageant les différents styles de prise de rendez-vous et d’emploi du temps et en reformulant leur interprétation du risque.


Emily Durant, inf. aut., M. Nurs., est la coordonnatrice provinciale de la transfusion pour la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse. En plus d’élaborer des ressources pédagogiques pour les étudiants en sciences infirmières, elle rédige du contenu sur la santé pour son entreprise de pige (www.frontline2freelance.com), ou bien elle s’adonne à la randonnée dans la région d’Halifax.

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