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Examen de la qualité des interactions entre le personnel infirmier et les résidents souffrant de troubles cognitifs dans les établissements de soins de longue durée

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2024/01/08/quality-of-interactions-long-term-care

La dynamique du pouvoir entre le personnel et la clientèle peut jouer un rôle crucial

Par Christine Meng
8 janvier 2024
istockphoto.com/Evrymmnt
L’interaction et la mobilisation sociales sont essentielles au bien-être général de la clientèle atteinte de démence. Les professionnels de la santé devraient donner la priorité aux possibilités de mobilisation afin d’atténuer les effets négatifs des mesures qui limitent la socialisation.

Messages à retenir

  • La plupart des relations entre le personnel infirmier et les personnes en soins de longue durée sont hiérarchiques, les infirmières et infirmiers étant en position de pouvoir. Cette situation affecte la qualité des interactions qu’ils ont.
  • Les enjeux culturels, les facteurs sociopolitiques et les politiques et réalités en milieu de travail peuvent avoir des incidences considérables sur la façon dont les membres du personnel infirmier interagissent avec les autres.
  • Les infirmières et infirmiers doivent réfléchir à la dynamique de pouvoir inhérente aux interactions qu’ils ont avec la clientèle et être conscients de l’effet que cette dynamique peut avoir sur la qualité des soins fournis.

L’incidence de la démence au Canada devrait presque doubler entre 2020 et 2038 (Horne, 2021). Les personnes atteintes de démence se retrouvent presque inévitablement dans des établissements de soins de longue durée à mesure que la maladie progresse et que les soins requis ne peuvent être prodigués à domicile. Selon Willemse et coll. (2015), la capacité du personnel infirmier à interagir avec les résidents en soins de longue durée atteints de démence pour répondre à leurs besoins psychologiques a des effets positifs à long terme sur leur qualité de vie. En effet, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière l’importance de s’investir dans une large mesure auprès des bénéficiaires de soins de longue durée.

L’interaction et la mobilisation sociales sont essentielles au bien-être général de la clientèle atteinte de démence. Les professionnels de la santé devraient donner la priorité aux possibilités de mobilisation afin d’atténuer les effets négatifs des mesures qui limitent la socialisation. Ce domaine justifie des recherches et des interventions continues afin d’améliorer la qualité de vie de cette population vulnérable.

Dans cette analyse, je propose un aperçu des relations de pouvoir et des enjeux culturels entre le personnel infirmier en soins de longue durée et les résidents atteints de démence, qui découle d’une recherche documentaire que j’ai effectuée. Ces résultats éclairent la nature des interactions entre ces deux groupes. Je formule aussi deux recommandations pour les prochaines recherches se penchant sur les interactions avec ces résidents et sur les moyens d’améliorer les pratiques infirmières.

Discussion sur les relations de pouvoir et les enjeux culturels

D’après les articles que j’ai examinés,1 la plupart des relations de pouvoir entre le personnel infirmier des établissements de soins de longue durée et les personnes atteintes de démence sont hiérarchiques; le personnel des résidences de soins étant en position de pouvoir influe sur la qualité des interactions qu’il a avec les résidents. Toutefois, les articles que j’ai examinés ont également révélé que certains membres du personnel et les résidents formaient parfois des partenariats égaux.

En raison de leur dépendance à l’égard du personnel de l’établissement de soins de longue durée, les résidents hésitent à critiquer les soins qu’ils reçoivent (Forsgren, Skott, Hartelius et Saldert, 2016). Par exemple, un membre du personnel d’une étude a déclaré : « [I]maginez que du personnel s’occupe de vous [en tant que résident ou résidente] avec lequel vous n’êtes pas à l’aise, que feriez-vous? En tant que personne âgée, que faites-vous? Ils [les résidents] sont complètement à la merci du personnel soignant. Ils relèvent entièrement de nous et n’ont aucun contrôle sur la façon dont nous les traitons » (Forsgren et coll., 2016, p. 115). Bien qu’on ait constaté que les résidents atteints de démence pouvaient exercer leur pouvoir, ils n’étaient pas systématiquement en mesure de le faire en collaboration avec le personnel infirmier. Au contraire, le niveau d’autorité des infirmières et infirmiers était souvent exploité pour dominer ces résidents, par exemple lorsqu’ils prenaient en charge les soins de ces résidents sans les mettre en cause. Par conséquent, la prise de décision du personnel infirmier ne tenait pas toujours compte de l’assentiment des clients (Lung et Liu, 2016; Oudshoorn, Ward‐Griffin et McWilliam, 2007).

Cependant, il est essentiel de noter que les membres du personnel infirmier évoluent dans des environnements de travail complexes et souvent difficiles, et que leurs gestes peuvent faire état de contraintes systémiques plutôt que d’intentions individuelles.

L’une des questions les plus importantes que j’ai découvertes au cours de l’examen des articles est le rôle de la culture dans les interactions entre le personnel des établissements de soins de longue durée et les résidents atteints de démence. Plutôt que de contribuer à l’impuissance des clients, la culture a donné aux infirmières et infirmiers l’occasion de lutter contre des conditions injustes. Pour que cette possibilité devienne réalité, les articles sous-entendent que les membres du personnel infirmier doivent reconnaître leur pouvoir dans les interactions avec les clients et réfléchir à la façon dont ils l’utilisent dans l’analyse du style d’interaction avec les clients (Chuang et Abbey, 2009; Oudshoorn et coll., 2007).

Par exemple, dans une étude, les infirmières et infirmiers ont choisi de ne pas imposer leurs attentes à leurs clients, les libérant ainsi d’une dynamique de pouvoir inégale. Une infirmière ayant participé à l’étude a déclaré : « Il n’y a pas de ‘devrait’…. Nous avons toujours tendance à dire : Je devrais faire ceci, nous devrions faire cela, et dès que j’entends quelqu’un dire “devrait”, je me dis qu’on devrait oublier ce mot » (Oudshoorn et coll., 2007, p. 1440). Il est toutefois important de noter que l’autonomie professionnelle exercée par le personnel infirmier peut être subordonnée au pouvoir du système. Par conséquent, les enjeux culturels, comme l’accent mis sur la qualité des interactions avec les résidents atteints de démence, doivent être ajustés et améliorés à l’échelle de l’organisation. Le cas échéant, les facteurs sociopolitiques doivent être pris en compte pour améliorer la qualité de vie des résidents.

Ces résultats concordent avec la découverte, dans les articles examinés, que les membres du personnel ne mobilisent pas toujours les clients dans les activités de soins. Par conséquent, des interactions minimes ou neutres ont parfois été signalées.

Un des articles examinés a révélé une influence culturelle particulière sur les relations de pouvoir : La culture chinoise percevait les membres du personnel comme des professionnels, et il était jugé inapproprié de contester ou de remettre en question les décisions des membres du personnel au cours des interactions dans un établissement de soins de longue durée. En outre, la plupart des articles examinés mentionnent l’importance de la connaissance qu’ont les membres du personnel des établissements de soins de longue durée du pouvoir dont ils disposent lorsqu’ils interagissent avec les résidents. Toutefois, les articles évaluant cette connaissance sont peu nombreux.

Conclusions et recommandations

Cette brève analyse a pour but d’offrir un point de départ à l’examen de la qualité des interactions entre le personnel infirmier et les résidents atteints de démence et vivant dans des environnements de soins de longue durée. Les articles que j’ai examinés présentent plusieurs limites. Par exemple, dans certaines études, les régions géographiques et les participants se limitaient aux résidences de soins aux États-Unis ou aux Blancs et aux femmes (Paudel, Resnick et Galik, 2020; Sherwin et Winsby, 2011). En conséquence, les conclusions pourraient être inadéquates et impartiales. En examinant les résultats d’un point de vue épistémologique, j’ai remarqué que la plupart des articles étaient dominés par des résultats biomédicaux qui mettaient l’accent sur les données quantitatives (comme les observations des membres du personnel et les questionnaires auxquels ils ont répondu), plutôt que sur les données qualitatives provenant des résidents eux-mêmes (Jao et coll., 2018; Paudel et coll., 2020). Les conclusions de ces articles peuvent donc ne pas représenter fidèlement l’interprétation du phénomène.

Une autre limite de la rédaction de cette analyse est l’inclusion d’une combinaison de participants à l’étude. Alors que l’analyse vise à explorer les relations entre le personnel infirmier et les personnes atteintes de démence, elle comprend également d’autres professionnels de la santé, tels que les soignants personnels et les aides-soignants en résidence. Il se peut donc que les résultats ne représentent pas fidèlement les membres de la profession infirmière. Les prochaines études pourraient se concentrer sur la réduction du nombre de participants à un seul rôle dans le domaine des soins de santé afin d’améliorer la spécificité de l’analyse.

La présente analyse met en lumière le fait que la plupart des relations de pouvoir entre le personnel infirmier et les résidents atteints de démence dans les établissements de soins de longue durée sur le plan des interactions sont hiérarchiques, car les membres du personnel de la résidence de soins sont en position de pouvoir. L’analyse a également mis en évidence un des enjeux culturels les plus importants découverts dans les articles examinés : l’accent mis sur les interactions liées aux soins entre le personnel infirmier et ces résidents.

C’est pourquoi je propose deux recommandations à l’intention des chercheurs en sciences infirmières et des professionnels de la santé en exercice.

Pour les chercheurs en sciences infirmières

Il est essentiel de mener des études sur la qualité des interactions entre les professionnels de la santé et les personnes atteintes de démence dans les établissements de soins de longue durée, à divers échelons, en tenant compte de facteurs socioculturels comme la conscience de l’autonomie du point de vue de ces résidents. Ainsi, on pourra approfondir l’évaluation des interactions au-delà d’un cadre purement biomédical et faciliter une interprétation plus vaste des facteurs qui ont une incidence sur ces interactions.

Pour les professionnels de la santé en exercice

Il est important de réfléchir à la dynamique de pouvoir inhérente aux interactions avec les personnes atteintes de démence et prendre conscience des répercussions que cette dynamique peut avoir sur la qualité des soins prodigués. En adoptant une démarche plus équilibrée et harmonieuse à l’égard des soins, les professionnels de la santé peuvent mieux comprendre les besoins de leurs clients et offrir des solutions mieux adaptées à leur situation particulière.

Références

Custers, A. F. J., Westerhof, G. J., Kuin, Y., Gerritsen, D. L. et Riksen-Walraven, J. M. « Need fulfillment in the nursing home: Resident and observer perspectives in relation to resident well-being », European Journal of Ageing, 10(3), 2013, p. 201–209. doi:10.1007/s10433-013-0263-y

Chuang, Y.-H. et Abbey, J. « The culture of a Taiwanese nursing home », Journal of Clinical Nursing18(11), 2009, p. 1640–1648. doi:10.1111/j.1365-2702.2008.02698.x

Forsgren, E., Skott, C., Hartelius, L. et Saldert, C. « Communicative barriers and resources in nursing homes from the enrolled nurses’ perspective: A qualitative interview study », International Journal of Nursing Studies,54, 2016, p. 112–121. doi:10.1016/j.ijnurstu.2015.05.006

Horne, F. « Increases in dementia will drive long-term care reform », Policy Options. 3 juin 2021. Tiré dehttps://policyoptions.irpp.org/magazines/june-2021/increases-in-dementia-will-drivelong- term-care-reform/.

Jao, Y.-L., Loken, E., MacAndrew, M., Van Haitsma, K. et Kolanowski, A. « Association between social interaction and affect in nursing home residents with dementia », Aging & Mental Health22(6), 2018, p. 778–783. doi:10.1080/13607863.2017.1304526

Lung, C.-C. et Liu, J. Y. W. « How the perspectives of nursing assistants and frail elderly residents on their daily interaction in nursing homes affect their interaction: A qualitative study »,  BMC Geriatrics, 16, 2016, p. 13. doi:10.1186/s12877-016-0186-5

Oudshoorn, A., Ward‐Griffin, C. et McWilliam, C. « Client–nurse relationships in home‐based palliative care: A critical analysis of power relations », Journal of Clinical Nursing, 16(8), 2007, p. 1435–1443. doi:10.1111/j.1365-2702.2006.01720.x

Paudel, A., Resnick, B. et Galik, E. « The quality of interactions between staff and residents with cognitive impairment in nursing homes », American Journal of Alzheimer’s Disease & Other Dementias, 35, 2020, 1533317519863259. doi:10.1177/1533317519863259

Sherwin, S. et Winsby, M. « A relational perspective on autonomy for older adults residing in nursing homes », Health Expectations, 14(2), 2011, p. 182–190. doi:10.1111/j.1369-7625.2010.00638.x

Willemse, B. M., Downs, M., Arnold, L., Smit, D., de Lange, J. et Pot, A. M. « Staff–resident interactions in long-term care for people with dementia: The role of meeting psychological needs in achieving residents’ well-being », Aging & Mental Health, 19(5), 2015, p. 444–452. doi:10.1080/13607863.2014.944088

1 Une recherche en ligne dans une base de données a été effectuée et limitée à huit articles de recherche publiés entre 2007 et 2020. Pour ce faire, des recherches bibliographiques ont été effectuées au moyen de ScienceDirect, Ovid, CINAHL et Google Scholar. Le processus de recherche s’est principalement appuyé sur les mots-clés suivants : « interactions », « établissement de soins », « soins de longue durée » et « membres du personnel ».


Christine Meng, inf. aut., M. Sc. inf., est étudiante au doctorat à l’Université de la Colombie-Britannique. Son projet de recherche porte sur les adultes âgés souffrant de démence dans des établissements de longue durée. Elle travaille aussi comme infirmière autorisée occasionnelle dans une résidence de soins.

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