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On en connaît si peu sur les infirmières musulmanes au Canada

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2017/05/10/so-much-not-known-about-muslim-nurses-in-canada
mai 10, 2017, Par: Nasrin Saleh, inf. aut., M. S. pub.

Du simple fait que je porte un hijab, j’annonce mon identité musulmane dès que j’entre dans la chambre d’un patient ou que j’interagis avec un de ses proches. Je suis convaincue que cette identité colore la perception que les gens ont de moi en tant qu’infirmière et qu’elle supplante mon identité de professionnelle des soins infirmiers. Elle définit également la majorité de mes interactions avec les patients et des membres du public et augmente mes risques de sentir la brûlure du racisme. Nombreuses sont les fois où l’on me rappelle – par un commentaire en passant, un regard appuyé ou un propos soulignant intentionnellement que je suis « autre » (« pas des nôtres ») – que je suis différente et que ma place n’est pas ici.

La population musulmane canadienne ne cesse d’augmenter. En 2011, il y avait plus d’un million de musulmans au Canada; en 2030, il devrait y en avoir trois fois plus. Malgré tout, on ne connaît pas le nombre d’infirmières et infirmiers musulmans pratiquants ou le nombre d’infirmières musulmanes qui portent le hijab. C’est révélateur, je pense, de la mauvaise connaissance de leur pratique au sein du système canadien de soins de santé. Pour comprendre les infirmières et infirmiers musulmans, il est indispensable, surtout, de comprendre leur expérience et la nature des difficultés qu’ils doivent surmonter.

Les musulmans qui vivent au Canada risquent moins d’être victimes de discrimination que ceux qui ont immigré dans d’autres pays occidentaux. Ils s’inscrivent cependant dans le contexte mondial de la crise des réfugiés syriens, avec l’association constante au terrorisme et l’islamophobie endémique. Ce contexte a commencé à ébranler la situation confortable que chérissent beaucoup de musulmans vivant au Canada.

Dans un sondage de 2016 sur les perceptions qu’ont les Ontariens des immigrants, seulement le tiers des répondants avaient une conception positive de l’Islam, et les trois quarts étaient contre l’affectation de ressources au soutien des réfugiés. Ces résultats reflètent un changement d’attitudes, comparé à l’époque où nous, Canadiens, étions fiers d’accueillir des réfugiés syriens, alors que les autres membres de la communauté internationale refusaient de les parrainer et, en plus, les décrivaient comme des terroristes infiltrant leur communauté tranquille.

Des tendances similaires émergent ailleurs au Canada. Récemment, dans ma province, en Colombie-Britannique, des musulmans ont rapporté avoir été victimes de discrimination. On a arraché son hijab à une musulmane sur un trottoir de Vancouver.

Tous les jours, en tant qu’infirmière musulmane portant le hijab, je vis avec le sentiment d’être vue comme « autre », d’être repérée comme différente. J’écoute – tout en réfléchissant à une réponse diplomatique – les commentaires et questions plus ou moins subtils sur ma tenue, mes origines et ma religion. Malgré cela, l’expérience qui m’a le plus perturbée est récente. Une patiente m’a appelée Daech et a hurlé, juste devant le poste des infirmières : « Vous êtes une terroriste! » Même si je connaissais les lourds antécédents de santé mentale de cette patiente, j’étais en larmes.

Chercheuse en devenir, je me suis tournée vers les recherches publiées pour voir comment d’autres infirmières musulmanes avaient réagi dans des situations semblables et comment elles s’étaient adaptées au monde parfois brutal des interactions personnel infirmier-patients. Quand je n’ai trouvé aucune étude sur la question, je me suis sentie encore plus marginalisée par un système de recherches qui ne nous reconnaît pas encore, moi et les autres infirmières musulmanes.

Connaître et comprendre l’expérience des infirmières musulmanes du Canada est en fait un premier pas important pour créer un milieu de pratique solidaire et respectueux pour elles. Des recherches mettant en lumière leur expérience sont nécessaires pour combler le manque de connaissances. C’est là-dessus que je compte me concentrer pendant mes études de doctorat, et par la suite.


Nasrin Saleh, inf. aut., M. S. pub., est doctorante à l’école de sciences infirmières de l’Université de Victoria et travaille dans une unité de psychiatrie gériatrique.

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