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Regarder la situation dans son ensemble

  
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Les recherches de Gina Browne montrent que les services de santé et les services sociaux peuvent se concerter pour améliorer la vie des gens et limiter le coût des soins.

janv. 01, 2015, Par: Leah Geller
Gina Browne sitting in front of her laptop
Teckles Photography Inc.

Lorsqu’elle était thérapeute familiale dans le Sud de l’Ontario, à la fin des années 1970, Gina Browne a fait une observation qui réorienterait l’œuvre de sa vie.

« J’ai remarqué que les utilisateurs fréquents des soins primaires avaient beaucoup plus de problèmes sociaux, émotionnels et cognitifs que les autres, raconte Mme Browne avec cette diction traînante typique du Kentucky. Quelque chose d’autre travaillait ceux qui revenaient sans cesse à notre clinique. Cela n’a jamais cessé de m’intéresser depuis. »

Cette chercheuse et éducatrice de renom est originaire de Louisville. Après avoir obtenu un baccalauréat en sciences infirmières du Collège Catherine Spalding au Kentucky, puis une maîtrise en sciences de l’Université de Boston, elle a accepté, en 1971, un poste de chargée de cours à l’école de sciences infirmières de l’Université McMaster, à Hamilton (Ont.). Elle est venue au Canada, affirme-t-elle, parce qu’elle y voyait des possibilités pour un champ de pratique élargi en soins infirmiers et avait été inspirée par l’indépendance du personnage principal de l’émission télévisée That Girl.

À l’Université de Toronto, elle a fait une maîtrise en éducation et un doctorat en théorie de l’éducation et sociologie de la santé. En 1978, elle a commencé à travailler comme infirmière autorisée thérapeute familiale dans la région de Halton, près de Toronto, et elle a mené ses premières recherches sur la maladie chronique et l’utilisation des services à McMaster. Dix ans plus tard, elle a fondé la Health and Social Service Utilization Research Unit, qu’elle dirige et qui réunit des chercheurs de McMaster et des organismes de services locaux pour qu’ils étudient et mettent en œuvre des interventions intersectorielles destinées aux populations vulnérables de la région.

L’Association des centres d’accès aux soins communautaires de l’Ontario rapportait en 2010 que 49 % des coûts des hôpitaux et des soins à domicile, dans la province, étaient attribuables à 1 % de la population et que 84 % de ces dépenses, ce qui est énorme, étaient attribuables à seulement 5 % de la population.

« Le rapport rendait spectaculaire quelque chose que le milieu infirmier sait depuis longtemps, souligne Mme Browne. Peu de gens utilisent fréquemment le système. Tout le monde parle du tsunami à cheveux blancs et des gens atteints de maladies chroniques, mais je pense que cela détourne notre attention du petit groupe qui coûte cher. »

« La grande majorité des personnes atteintes de maladies chroniques se débrouillent et s’adaptent sans faire un usage fréquent des services de santé, explique Mme Browne. Les utilisateurs fréquents ont généralement un problème quelconque de dysfonctionnement d’organe, mais les véritables coupables ne sont pas les maladies cardiaques, le diabète ou l’hypertension. Ce sont les difficultés d’une vie entière dans l’adversité et le stress, qui amènent des gens à rechercher constamment de l’aide. »

Dans De meilleurs soins : une analyse des soins infirmiers et des résultats du système de santé, un document de recherche préparé pour la Commission nationale d’experts de l’AIIC, Mme Browne et ses collègues soulignaient le fait que la petite proportion des gens qui font un usage disproportionné des services de soins sont souvent ceux qui souffrent de maladie chronique. « Mais au sein de ce groupe, ce sont les pauvres avec des problèmes de santé mentale et des problèmes sociaux concomitants qui recourent le plus souvent à ces services. Ces gens ne sont plus capables de résoudre les problèmes, car cela demande de l’organisation, de la concentration, le sens des priorités et de la persistance. »

L’une des recommandations du rapport est le recours à des soins communautaires interdisciplinaires proactifs dirigés par des infirmières et infirmiers et qui mettent l’accent sur l’autogestion pour les personnes atteintes de maladies chroniques. La recherche montrait, globalement, que les modèles d’interventions infirmières qui tenaient compte des divers déterminants de la santé du patient étaient soit plus efficaces, tout en revenant au même prix ou en étant moins chers, soit aussi efficaces et moins coûteux que les modèles de soins intensifs, épisodiques et à la demande.

Le problème, estime Mme Browne, est que le système de santé ne s’est pas adapté à la complexité des besoins. « Les politiques en place gênent le changement. Souvent, il ne peut rien se passer aux urgences tant que le médecin n’a pas vu le patient. On s’occupe des exacerbations aiguës des maladies chroniques, mais pas des circonstances mentales et sociales qui ont conduit à la crise et motivé la demande d’aide. D’autres études et nos travaux montrent pourtant que lorsqu’on fournit à ces gens des soins plus complets, les visites répétées à l’hôpital diminuent considérablement. »

Les recherches de son équipe pour mesurer les soins intégrés et le lien avec les résultats pour la santé ont été les premières à être publiées. Elles portaient principalement sur les équipes de soins assemblées par le Children’s Treatment Network et les 47 organismes de la région de York et du comté de Simcoe qui travaillent auprès d’enfants gravement handicapés et leur famille.

« Nous aimons tous dire que nos soins sont intégrés, mais personne n’avait jamais mesuré l’exactitude de cette affirmation. Nous avons découvert que seulement la moitié des gens qui étaient censés recevoir des soins intégrés en recevaient vraiment. Les équipes – toutes sans infirmière, soit dit en passant – ne s’occupaient pas toujours des gens dont les besoins étaient les plus grands : elles s’occupaient de ceux qui étaient les plus agréables. Nous avons cependant vu que lorsque les équipes travaillaient avec les familles les plus difficiles, les résultats fonctionnels des enfants s’amélioraient nettement. »

Nous avons des silos de financement séparés, actuellement, avec des services fragmentés, fait remarquer Mme Browne. Ce dont nous avons besoin, ce sont des incitatifs pour encourager une plus grande collaboration dans les interventions entre les soins de santé et les services sociaux, ce qui, nous l’avons montré, économise en matière de soins de santé et de soins de crise. » Il faut aussi commencer à changer les priorités d’enseignement en sciences infirmières et en médecine : « mettre l’accent moins sur les cours d’anatomie et de physiologie et plus sur les stratégies d’adaptation et sur la pleine conscience. Autrement, les professionnels de la santé continueront à s’occuper des conséquences du stress pour la santé et devront sortir les patients de l’abîme au lieu d’empêcher qu’on ne les y pousse. »

Mme Browne imagine un « ministère du Bien-être » en Ontario, qui serait intégré et qui réunirait tous les aspects du bien-être humain. Elle est indéniablement frustrée par le manque de volonté politique d’apporter ce changement. « Nous faisons comme si les soins de santé étaient des soins de maladie : la moitié des 48 milliards de dollars du budget de santé de l’Ontario va aux hôpitaux. Nos politiques dépassées servent les intérêts personnels et professionnels. La collusion entre certaines associations médicales, des gouvernements élus et des directeurs d’hôpitaux pour perpétuer ce coûteux statu quo est indéniable. Je suis convaincue que nous devons procéder autrement, surtout pour les usagers fréquents des services de soins de santé, affirme Mme Browne. Si des équipes interdisciplinaires dirigées par des infirmières et infirmiers servaient plus complètement cette clientèle, nous pourrions vraiment aider le 1 % qui a besoin de plus que des soins médicaux intensifs et libérer ainsi des fonds pour offrir de meilleurs soins dans la communauté. »

Bien qu’elle soit fière de ses succès professionnels, Mme Browne considère ses fils comme ses plus grandes réussites : Joe étudie la musique à l’Université Concordia, et Dillon, boursier Vanier, fait des études de psychologie clinique à l’Université de Toronto.

Actuellement en congé sabbatique, Mme Browne dit réévaluer ses objectifs personnels et professionnels. Elle s’est promis « d’aller où le courant la portera ». Elle trouve plus de temps en ce moment pour jouer du piano (une vieille passion) et se détendre dans sa cabane en bois rond rénovée à Burlington. Elle se maintient en forme en fendant du bois pour alimenter les quatre foyers de la cabane. Les compétences nécessaires pour cette tâche, affirme-t-elle, sont au cœur des principes de leadership : aller dans le sens du grain; éviter les nœuds; dans le cas contraire, utiliser un coin (« deux sont encore mieux pour avoir un meilleur levier ») et admettre que si le bois perd son écorce, c’est sans doute parce qu’il est vieux.

10 questions à Gina Browne

Quel mot vous décrit le mieux?
Sincère

Si vous pouviez changer une seule chose vous concernant, qu’est-ce que ce serait?
Je serais moins sensible.

Quel est l’endroit du monde que vous aimeriez le plus visiter?
Les salles d’opéra de Vienne

Quel est votre plus grand regret?
Avoir essayé de dire à un résident du Massachusetts General qu’il se trompait et que j’avais une meilleure idée. J’aurais dû me contenter de lui offrir des biscuits.

Quel est le dernier livre captivant que vous avez lu?
This Changes Everything: Capitalism vs. the Climate de Naomi Klein

Qui vous a donné envie d’être infirmière?
Pendant une retraite, quand j’étais à l’école secondaire catholique, Dieu m’a appelée pour que je devienne religieuse, j’ai négocié...

Quel est le meilleur conseil de carrière qu’on vous ait donné?
Un commentaire de mon mari, mort depuis : « Tu ne peux pas donner ce que tu n’as pas.

Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans votre travail actuel?
Mon personnel motivé, les patients et les étudiantes et étudiants stagiaires

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier d’infirmière?
L’intimité partagée avec les patients, un privilège

Qu’est-ce qui vous plaît le moins dans le métier d’infirmière?
De toujours avoir besoin d’aider les médecins à croire que c’était leur idée


Leah Geller est rédactrice indépendante (santé et sciences) à Ottawa.

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