Blog Viewer

Chaleur extrême, feux de forêt, et inondations : l’incidence des changements climatiques sur vos patients

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2024/04/02/how-climate-change-can-impact-your-patients

Exemples que vous pouvez vous attendre à voir dans votre pratique, et outils et ressources qui peuvent vous aider

Par Zachary Daly, Kaitlin Bloemberg et Caroline Murphy
2 avril 2024
istockphoto.com/LeoPatrizi
Par l’entremise de phénomènes tels que la chaleur extrême, les inondations et les feux de forêt, nous assistons à une augmentation de la propagation des maladies, à des effets indésirables sur la santé physique et mentale et à des perturbations dans notre système de santé.

En tant qu’infirmières et infirmiers, issus de divers milieux, nous nous préoccupons grandement de la question des changements climatiques. Comme l’indique clairement le récent rapport de Santé Canada, La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement (2022), les changements climatiques, attribuables en grande partie aux activités humaines et aux émissions de gaz à effet de serre, ont déjà des répercussions sur la santé de la population canadienne. Par l’entremise de phénomènes tels que la chaleur extrême, les inondations et les feux de forêt, nous assistons à une augmentation de la propagation des maladies, à des effets indésirables sur la santé physique et mentale et à des perturbations dans notre système de santé (Berry et Schnitter, 2022).

Malheureusement, au fil du temps, les conséquences négatives sur la santé sont censées s’aggraver, à mesure que les effets globaux des changements climatiques s’intensifient. Les infirmières et infirmiers, dans divers contextes, subiront les conséquences de ces effets sur la santé de première et de seconde main.

L’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC), dans son énoncé de position intitulé Le changement climatique et la santé, explique que « la profession infirmière joue un rôle essentiel pour aider les personnes, les familles et les collectivités à s’adapter au changement climatique » (AIIC, 2017, p. 2).

Cependant, une étude canadienne récente a révélé que certains membres du personnel infirmier ne font pas le lien entre les changements climatiques et leur pratique infirmière, même s’ils perçoivent le problème comme important (Kalogirou et coll., 2020). Cette déconnexion se manifeste dans les conversations avec les collègues. Notre objectif est donc de fournir des exemples concrets et précis de la façon dont les changements climatiques peuvent prendre forme dans la pratique, et d’indiquer des outils et des sources d’information qui peuvent aider à orienter l’intervention infirmière face aux changements climatiques.

Bien que cet article ne se veule pas exhaustif, nous espérons démontrer que les changements climatiques sont un enjeu des soins infirmiers et nous voulons fournir un point de départ utile pour vos conversations avec vos collègues et vos patients à ce sujet.

Cet article s’articule autour de trois types de phénomènes que les changements climatiques rendent plus fréquents et plus graves et qui ont une incidence négative sur la santé humaine et l’offre de services de santé, soit la chaleur extrême, les feux de forêt et les inondations. Nous aborderons ensuite brièvement la façon dont vous pouvez intervenir dans la prévention et la gestion des changements climatiques.

Épisodes de chaleur extrême

Les changements climatiques se manifestent notamment dans la pratique clinique lors des épisodes de chaleur extrême, parfois appelés vagues de chaleur, qui feraient ravage plus souvent au Canada dans les prochaines décennies. Pendant ces épisodes, on observe non seulement une augmentation du nombre de décès chez les patientes et les patients, ainsi que parmi les membres de la communauté, mais aussi une exacerbation des problèmes de santé. Selon les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre, la mortalité liée à la chaleur devrait augmenter au Canada d’environ 155 % à 390 % d’ici 2080.

Les conséquences des épisodes de chaleur extrême sur la santé, tant à court qu’à long terme, sont notables. Il peut s’agir de déshydratation, d’épuisement par la chaleur et de coups de chaleur. Les épisodes de chaleur extrême sont également associés à des hospitalisations et à des décès attribuables à des maladies cardiovasculaires, ainsi qu’à des troubles rénaux et liés au diabète.

Comme pour de nombreux phénomènes climatiques, les personnes les plus touchées par les épisodes de chaleur extrême sont celles qui sont déjà considérées comme les plus vulnérables en raison de divers facteurs physiques et socio-économiques. Les personnes âgées sont particulièrement exposées aux risques (Berry et Schnitter, 2022).

La chaleur extrême peut également interagir avec les médicaments. Un certain nombre de médicaments couramment administrés, notamment les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), peuvent interférer avec la capacité d’une personne à réguler sa température, l’exposant potentiellement à un risque accru de surchauffe lors d’un épisode de chaleur extrême.

D’autres médicaments, comme ceux pour contrer les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, les diurétiques et les antiarythmiques, peuvent également nécessiter une surveillance supplémentaire. La déshydratation, qui peut survenir lors d’épisodes de chaleur extrême, peut accroître le risque de toxicité chez les personnes sous lithium (Santé Canada, 2011).

Mais au-delà des complications physiques de l’exposition à la chaleur extrême sur le plan individuel, on note aussi la pression potentielle sur le système de santé. À titre d’exemple, l’analyse des données historiques de l’Ontario a révélé que la chaleur extrême était associée à une augmentation de 22 % des visites aux urgences pédiatriques (Wilk et coll., 2020).

Un exemple tragique et récent des dangers de la chaleur extrême est celui du dôme de chaleur de 2021 en Colombie-Britannique, qui a causé 619 décès, dont un grand nombre dans des quartiers présentant des niveaux plus élevés de privation sociale ou matérielle (BC Coroners Service, 2022). Par ailleurs, on note une incidence majeure sur les services d’urgence : les données montrent qu’à leur apogée, le nombre d’appels au 911 a doublé, les temps d’attente pour parler à un répartiteur et pour obtenir des services de première intervention ont augmenté et, dans un petit nombre de cas, les appelants ont été mis en attente pendant de longues périodes ou ont même été informés qu’aucune ambulance n’était disponible (BC Coroners Service, 2022).

Feux de forêt

On s’attend à ce que le nombre et la taille des feux de forêt augmentent aussi au Canada en raison de la hausse des températures, de la sécheresse et des arbres morts, ainsi que des éclairs provoqués par les changements climatiques. Si les feux de forêt peuvent entraîner des blessures directes, telles que des brûlures, les répercussions de la fumée sont plus répandues.

La fumée des feux de forêt est un mélange dangereux de substances comme les oxydes d’azote, le monoxyde de carbone, les composés organiques volatils et la matière particulaire fine (PM2,5). L’exposition à la fumée des feux de forêt est liée à la mortalité toutes causes confondues, ainsi qu’à des troubles respiratoires tels que l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), tout en exacerbant potentiellement les maladies cardiovasculaires.

En outre, l’expérience des feux de forêt a également été associée à des troubles anxieux généralisés. Au Canada, les personnes âgées, les enfants, les personnes victimes d’inégalités sociales et les populations autochtones ont été identifiées comme étant plus exposées à ces effets divers sur la santé (Berry et Schnitter, 2022).

Comme dans le cas des épisodes de chaleur extrême, les effets des feux de forêt sur la santé intensifient la pression exercée sur le système de santé et peuvent nuire à la prestation des services. Des recherches menées dans les Territoires du Nord-Ouest ont mis en évidence un lien direct entre les concentrations de PM2,5 et les admissions à l’hôpital pour cause de BPCO, ainsi que les visites aux urgences pour cause de pneumonie et d’asthme (Howard et coll., 2020).

Dans un exemple extrême de l’impact des feux de forêt sur le système de santé, Eggertson (2016) décrit avec intensité le travail des infirmières et infirmiers et des médecins pour évacuer les patients du service des urgences du Northern Lights Regional Health Centre de Fort McMurray en 2016, en raison de l’approche d’un feu de forêt. À mesure que la situation se détériorait, certains patients ont dû être évacués dans les véhicules privés des infirmières et infirmiers, et le personnel médical a été contraint de mettre en place un hôpital de campagne pour trier et traiter les patients de l’hôpital arrivant en masse par autobus.

Inondations

Le risque d’inondation est censé augmenter dans certaines régions du Canada, en particulier dans les zones urbaines, en raison des modifications attribuables aux changements climatiques dans la configuration des tempêtes, des précipitations et de la fonte des neiges. Comme pour d’autres phénomènes liés aux changements climatiques, les inondations ont des effets très divers sur la santé.

Dans l’immédiat, les inondations peuvent entraîner une intensification des noyades, des traumatismes aigus, de l’hypothermie, des infections et des maladies à transmission vectorielle, ainsi que de l’exposition à des produits chimiques toxiques, des brûlures et des électrocutions.

Les inondations peuvent aussi être associées à des dommages causés à des infrastructures, telles que les installations de traitement de l’eau, le réseau routier et la production d’électricité, qui peuvent à leur tour avoir d’autres répercussions sur la santé. Les personnes les plus susceptibles de subir ces effets sont celles souffrant de maladies préexistantes, les habitants des zones rurales, les enfants et les adultes de plus de 65 ans (Berry et Schnitter, 2022).

Les évacuations ont des conséquences supplémentaires, telles que le stress et la perte d’accès à des médicaments importants. Les incidences sur le système de santé peuvent inclure les conséquences du transfert des patients vers différents hôpitaux, comme lors des inondations de 2017 à Montréal (Shingler et coll., 2017).

On associe aussi l’expérience des inondations à l’anxiété, à la dépression et au trouble de stress post-traumatique (PSPT). Les recherches menées à la suite de l’inondation de la rivière Saint-Jean en 2018 au Nouveau-Brunswick ont révélé que les membres de la communauté qui ont dû évacuer ou se réinstaller ont été confrontés à des effets négatifs sur leur santé mentale. Il est essentiel de noter que de nombreuses personnes ont continué à éprouver une grande anxiété longtemps après la décrue (Woodhall-Melnik et Grogan, 2019).

La mise en place d’une stratégie globale

Il est évident que les changements climatiques ont des conséquences sur la santé et l’offre de soins de santé au Canada, et qu’ils continueront à en avoir. Les changements climatiques sont donc un enjeu des soins infirmiers. Que peuvent donc faire les membres du personnel infirmier?

Pour l’instant, les infirmières et infirmiers peuvent se renseigner et informer leurs collègues et leurs patients sur les nombreuses façons dont les changements climatiques influent sur la santé humaine. Heureusement, pour évaluer ces effets et y réagir, les infirmières et infirmiers disposent d’outils, comme la Trousse d’outils infirmiers pour la santé planétaire, élaborée conjointement par la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers (FCSII) et l’Association canadienne des infirmières et infirmiers pour l’environnement (ACIIE) (FCSII et ACIIE-CANE, 2023), ainsi que des ressources plus particulières comme A CLIMATE, un outil conçu pour évaluer les conséquences sanitaires liées aux changements climatiques dans les services d’urgence (Nicholas et coll., 2020).

Le personnel infirmier peut prendre part aux efforts de durabilité, tels que les initiatives de réduction des déchets, en milieu de travail. Cependant, une action plus systémique et à plus grande échelle est également nécessaire.

L’AIIC indique que « les infirmières et infirmiers canadiens doivent promouvoir l’adaptation au changement climatique (c’est-à-dire en réagissant aux effets du changement climatique) et les mesures d’atténuation (c’est-à-dire en prenant des moyens pour en diminuer l’importance) » (2017, p. 1), notamment en faisant appel à notre pouvoir collectif digne de confiance et en participant à l’élaboration de politiques sur les changements climatiques et l’environnement à tous les paliers de gouvernement. Les infirmières et infirmiers peuvent le faire en prenant part à des organisations comme l’ACIIE-CANE, dont nous sommes tous membres et qui comptent des sections dans tout le Canada.

Dans l’ensemble, les infirmières et infirmiers doivent mieux faire connaître l’effet des changements climatiques sur la santé humaine. Nous devons participer activement aux efforts visant à réduire les méfaits causés aux générations actuelles et futures. Nous sommes à la croisée des chemins et il est temps d’agir.

Remerciements

Nous aimerions remercier les autres membres de l’ACIIE-CANE-BC pour leurs commentaires, suggestions et soutien fort utiles dans la rédaction de cet article, entre autres Megan Tomlinson, inf. aut., Agnes Black, inf. aut., M. Santé publique, et Helen Boyd, inf. aut., M.A.

Références

Association des infirmières et infirmiers du Canada [AIIC]. Énoncé de position : Le changement climatique et la santé, 2017. https://hl-prod-ca-oc-download.s3-ca-central-1.amazonaws.com/CNA/66561cd1-45c8-41be-92f6-e34b74e5ef99/UploadedImages/documents/ps100_climate_change_f.pdf.

Berry, P. et Schnitter, R. (Eds.). « La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement : faire progresser nos connaissances pour agir », Ottawa, Ont. : Santé Canada, 2022.

British Columbia Coroners Service. « Extreme Heat and Human Mortality: A Review of Heat-Related Deaths in B.C. in Summer 2021 », British Columbia Coroners Service, 2022.

Eggertson, L. « Fort McMurray evacuates patients in “surreal” flight », Canadian Medical Association Journal, 188(9), 2016, E175–E178.

Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers [FCSII], Association canadienne des infirmières et infirmiers pour l’environnement [ACIIE-CANE]. (2023). Trousse d’outils infirmiers pour la santé planétaire. https://static1.squarespace.com/static/6463aca5162ace3f1b26b031/t/6476b9ecd782123e20ff4c51/1685502454123/CFNU+Climate+Toolkit+FR+digital.pdf

Howard, C., Rose, C., Dodd, W., Kohle, K., Scott, C., Scott, P., ... et Orbinski, J. « SOS! Summer of Smoke: a retrospective cohort study examining the cardiorespiratory impacts of a severe and prolonged wildfire season in Canada’s high subarctic », BMJ Open, 11(2), 2021, e037029.

Kalogirou, M.R., Dahlke, S., Davidson, S. et Yamamoto, S. « Nurses’ perspectives on climate change, health and nursing practice », Journal of Clinical Nursing, 29(23–24), 2020, p. 4759–4768.

Nicholas, P.K., Breakey, S., McKinnon, S., Eddy, E.Z., Fanuele, J. et Starodub, R. « A CLIMATE: A Tool for Assessment of Climate-Change–Related Health Consequences in the Emergency Department », Journal of Emergency Nursing, 47(4), 2021, p. 532–542.

Radio-Canada. « Inondations : état d’urgence à Montréal, Laval, Rigaud et Pincours », 7 mai 2017. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1032347/inondations-montreal-denis-coderre-crue-sinistres-digues

Santé Canada. « Lignes directrices à l’intention des travailleurs de la santé pendant les périodes de chaleur accablantes : Un guide technique », Bureau de l’eau, de l’air et des changements climatiques, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs. Ottawa, Ontario, 2011, 165 p. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/sante-environnement-milieu-travail/rapports-publications/changement-climatique-sante/lignes-directrices-intention-travailleurs-sante-pendant-periodes-chaleur-accablante-guide-technique.html.Wilk, P., Gunz, A., Maltby, A., Ravichakaravarthy, T., Clemens, K.K., Lavigne, É., ... et Vicedo-Cabrera, A.M. « Extreme heat and paediatric emergency department visits in Southwestern Ontario », Paediatrics & Child Health, 26(5), 2021, p. 305–309.

Woodhall-Melnik, J. et Grogan, C. « Perceptions of mental health and wellbeing following residential displacement and damage from the 2018 St. John River Flood », International Journal of Environmental Research and Public Health, 16(21), 2019, 4174.


Kaitlin Bloemberg travaille actuellement en soins palliatifs en tant qu’infirmière autorisée et a étudié les effets des épisodes de chaleur extrême pendant ses études de maîtrise en sciences infirmières à la UBC School of Nursing.
Caroline Murphy est praticienne en soins infirmiers familiaux retraitée comptant 31 ans d’expérience en pratique infirmière et 15 ans comme praticienne en soins infirmiers familiaux, spécialisée en santé des personnes âgées.
Zachary Daly est actuellement doctorant en sciences infirmières à la UBC School of Nursing, où il étudie les effets des changements climatiques sur la santé mentale des jeunes. Avant d’entreprendre son doctorat, son domaine de spécialisation était en santé mentale des enfants et des adolescents.
Les auteurs sont tous membres de l’Association canadienne des infirmières et infirmiers pour l’environnement (AIIE-CANE), section de la Colombie-Britannique, et membres de l’équipe de son sous-comité sur la sensibilisation publique.

#analyse
#santéetenvironnement
#pratiqueinfirmière
#soinsauxpatients
#santédelapopulation
#santépublique

0 comments
12 views

Connectez-vous pour laisser un commentaire