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La priorité : aider les réfugiés à avancer

  
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De nouvelles lignes directrices et des professionnels de la santé mettent l’accent sur la défense des droits, l’empathie et le soutien, composantes vitales des soins aux réfugiés.

mars 01, 2016, Par: Laura Eggertson
Vanessa Wright and Roseanne Hickey
Michael Wong, Women’s College Hospital
Vanessa Wright et Roseanne Hickey sont infirmières praticiennes à la clinique Crossroads.

Quand Vanessa Wright, infirmière praticienne, a commencé à travailler auprès des réfugiés à la clinique Crossroads du Women’s College Hospital à Toronto, en 2011, elle s’est armée de courage, croyant que ses patients lui feraient le pénible récit de leur périple et des traumatismes qui avaient précipité leur fuite.

Mais plus qu’à ces récits traumatisants, Mme Wright et sa collègue Roseanne Hickey, infirmière praticienne elle aussi, sont d’abord exposées à divers besoins de soins de santé et à des questions sur le fonctionnement de la vie au Canada.

« Les gens me parlent surtout de leurs efforts pour s’intégrer », souligne Mme Wright. Les 10 à 12 patients par jour que voit habituellement chaque infirmière praticienne s’efforcent surtout de s’ajuster à leur nouvelle vie. Ils veulent savoir comment inscrire leurs enfants à l’école, comment fonctionnent les transports en commun et le système de soins de santé et où chercher du travail.

« Notre travail consiste à les aider à avancer », explique Mme Hickey.

Combiner ainsi l’aide en matière de soins de santé, des vaccins à la contraception, et le soutien et la défense des intérêts au sein de la communauté est exactement ce que devraient faire les fournisseurs de soins de santé qui traitent des réfugiés syriens récemment arrivés, selon les lignes directrices publiées en janvier dans le CMAJ.

Il n’est pas surprenant que certains professionnels de la santé s’attendent à se concentrer sur les questions de santé mentale, voire les troubles de stress post-traumatique (TSPT), vu la couverture médiatique de la guerre en Syrie et les images d’enfants affamés à Madaya qui circulent sur Facebook et Twitter.

Si les problèmes de santé mentale sont un souci légitime susceptible de toucher un certain nombre de réfugiés syriens, les nouvelles lignes directrices mettent en garde contre un dépistage systématique des TSPT et des traumatismes dans cette population. Un tel dépistage pourrait en effet causer un second traumatisme pour les patients, affirme l’auteur principal de ces lignes directrices. Le Dr Kevin Pottie est professeur agrégé en médecine familiale, épidémiologie et médecine communautaire au Centre de recherche Bruyère de l’Université d’Ottawa.

« Il ne faut pas réagir de façon exagérée en cas de traumatisme. Il ne faut pas que les praticiens fassent trop de dépistage. Quand des symptômes apparaissent, il faut toutefois que les gens en soient conscients. »

Le but est de mettre en place des relations de soutien et d’apprendre à connaître les patients, explique le Dr Pottie. Si des symptômes comme l’anxiété, la dépression et l’insomnie apparaissent, on peut prescrire un traitement ou aiguiller les patients vers un spécialiste.

Le Dr Pottie et quatre collègues ont offert de préparer un article intitulé « S’occuper d’une famille de réfugiés syriens nouvellement arrivés » en réponse aux préoccupations de nombreux groupes de fournisseurs de soins, en particulier en ce qui concerne l’ampleur de la migration au Canada. À l’époque, il était déjà en train de rédiger des lignes directrices en matière de soins aux migrants pour l’Union européenne, et il lui paraissait important que les praticiens canadiens puissent consulter une source faisant autorité.

Le Dr Pottie est également l’auteur principal de lignes directrices complètes pour le traitement de tous les groupes de réfugiés publiées en 2011. Pour le nouveau document, les auteurs ont utilisé des données à jour sur les réfugiés syriens en Turquie, en Jordanie et au Liban et ont tenu compte des maladies émergentes chez les réfugiés qui arrivent en Europe.

Comme la Syrie disposait de systèmes de santé et d’éducation renommés avant la guerre, le Dr Pottie s’attend à ce que ces réfugiés s’adaptent bien à la vie au Canada. « Il se peut donc qu’ils aient moins de problèmes de santé, généralement parlant, que d’autres populations de réfugiés », estime-t-il.

Mmes Wright et Hickey connaissent bien les deux documents et encouragent le personnel infirmier, dans tous les milieux de pratique, à les lire.

À la clinique Crossroads, le personnel travaille avec les réfugiés jusqu’à deux ans, avant de les diriger vers des fournisseurs de soins primaires dans la communauté. Le plus souvent, les réfugiés ne commencent à raconter leur histoire qu’une fois la confiance bien établie, fait remarquer Mme Hickey.

« Une fois qu’ils sont installés et soutenus, ici et par d’autres organisations, beaucoup de gens s’en sortent bien, en dépit de traumatismes épouvantables. »

Jusqu’à présent, lors des premiers rendez-vous avec des familles syriennes, Mmes Wright et Hickey avouent avoir été frappées par leur patience, leur participation et le nombre d’enfants que comptent les familles. Elles en ont récemment vu une avec huit enfants. Les infirmières praticiennes ont aiguillé les patients vers des dentistes, et des médecins pour traiter des blessures anciennes. Elles ont aussi commencé à traiter des maladies chroniques. Aux visites suivantes, elles parleront de dépistage du cancer du col de l’utérus, de contraception, de vaccination, de santé mentale et de nutrition.

Le travail avec des interprètes n’est abordé que brièvement dans les lignes directrices. Certains patients arrivent avec le leur, mais c’est parfois au fournisseur de soins de coordonner l’accès par téléphone à des interprètes, précisent les infirmières. Dans un cas comme dans l’autre, elles essayent de prévoir davantage de temps pour les rendez-vous.

Comme le soulignent les lignes directrices, la défense des droits, l’empathie et le soutien sont des facteurs déterminants dans la transition des réfugiés au Canada. Ce soutien peut viser des choses aussi simples qu’obtenir un médicament sur ordonnance, une tâche potentiellement déconcertante pour des réfugiés qui n’ont pas l’habitude d’emporter un bout de papier à la pharmacie pour obtenir leurs médicaments.

« Le soutien que nous apportons en tant que gestionnaires de cas et représentantes des patients compte autant que nos interventions cliniques, affirme Mme Wright. Tous les jours, il nous arrive d’écrire des lettres pour une audience concernant leur statut de réfugié, de les mettre en contact avec des spécialistes de la pédiatrie ou du counseling, ou avec des travailleurs sociaux, et de les aider à s’y retrouver dans le système de l’assurance maladie. »

Bien sûr, l’outil le plus utile pour rassurer un peu les réfugiés qui commencent à évoluer dans le réseau de la santé, c’est la bienveillance. « Rien ne vaut un sourire. Les gens sont partout pareils. Ils ont beau avoir traversé d’importantes épreuves, quand on les voit avec leurs enfants, on comprend qu’ils sont comme vous et moi. »

Résumé des recommandations cliniques pour les soins aux réfugiés syriens

  • Ne pas faire un dépistage systématique des traumatismes, mais se tenir à l’affût de difficultés dans le fonctionnement social ou de souffrances intenses, qui pourraient être liées à des troubles de stress post-traumatique, des troubles anxieux, une dépression ou bien une exposition à des violences associées à la guerre. Diriger les patients vers les services compétents pour une évaluation et un suivi.
  • Vacciner tous les enfants et les adultes qui n’ont pas un carnet de vaccination complet. Selon l’âge, il faudra vacciner contre la rougeole, les oreillons, la rubéole, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’Haemophilus influenzae de type B et la polio.
  • Ne pas proposer de test de dépistage de la tuberculose-infection latente, car la tuberculose progressive est rare au Proche-Orient.
  • Tester tous les enfants et les adultes pour une infection chronique au virus de l’hépatite B et une immunité préalable et vacciner les personnes susceptibles d’avoir cette maladie.
  • Envisager un test sérologique pour dépister la varicelle chez les réfugiés de 13 ans ou plus et vacciner les personnes susceptibles. Il est probable que beaucoup de Syriens soient déjà immunisés.
  • Envisager un dépistage de l’infection au virus de l’hépatite C. La prévalence de cette infection chez les réfugiés syriens est incertaine actuellement, mais a pu être augmentée par la guerre.
  • Envisager un test sérologique pour dépister le parasite intestinal Strongyloïdes stercoralis, sans toutefois demander d’échantillon de selles chez les patients asymptomatiques.

Tiré de « S’occuper d’une famille de réfugiés syriens nouvellement arrivés » de K. Pottie, C. Greenaway, G. Hassan, C. Hui, et L. J. Kirmayer, 2016, CMAJ. Reproduit avec autorisation.

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Laura Eggertson est journaliste indépendante à Ottawa.

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