https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2025/09/02/introduction-to-rn-prescribing-in-ontario
L’article et le cadre visent à aider d’autres provinces et territoires à naviguer dans les complexités de l’élargissement du champ d’exercice des IA
Par Treva Job, Jessica Milligan et Sara Lankshear
2 septembre 2025
istockphoto.com/mixetto
La courbe d’apprentissage en matière de diagnostic et de prescription de médicaments dans le cadre du champ d’exercice des IA est ardue. Pour quiconque se trouve à l’avant-garde d’un nouveau rôle, il y a aura des problèmes et des obstacles en cours de route et certains imprévus qui nécessiteront une exploration et une intégration plus approfondies.
Bien qu’introduit récemment en Ontario, le pouvoir de prescription des infirmières et infirmiers autorisés (IA) n’est pas nouveau au Canada. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) a publié le Cadre pour les infirmières et infirmiers prescripteurs au Canada il y a 10 ans. Les trois éléments clés et interdépendants sur lesquels repose le cadre canadien sont la structure, la compétence et la pratique (AIIC, 2015).
À l’heure actuelle, six provinces au Canada ont conféré aux IA le pouvoir de prescription, soit le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Québec, le Manitoba, l’Alberta et la Colombie-Britannique, chaque province ayant des normes de pratique, des lignes directrices et des exigences de formation uniques (British Columbia College of Nurses & Midwives, 2020; Cole, 2018; College of Registered Nurses of Manitoba, 2018; Menard et Trudeau, 2015; Moody et coll., 2025; Saskatchewan Registered Nurses Association, 2018).
Bien que notre travail en tant que membres du corps enseignant au Collège Georgian, qui offre l’un des premiers programmes en matière de prescription à l’intention des IA en Ontario, soit fondé sur les règlements de l’Ontario, les stratégies, les considérations et les renseignements présentés ici peuvent s’appliquer à grande échelle et éclairer le corps enseignant, les organismes de réglementation et la direction des services infirmiers dans l’ensemble des provinces et territoires du Canada.
Le présent article présente les leçons tirées du Collège Georgian lors de la mise en œuvre du programme d’enseignement en matière de prescription à l’intention des IA au cours de la première année où le pouvoir de prescription des IA a été instauré en Ontario. En soulignant certains aspects de notre expérience, nous souhaitons aider d’autres personnes à surmonter les difficultés liées à la mise en place d’un programme d’enseignement en matière de prescription à l’intention des IA dans leur région, province ou territoire au Canada.
Les IA ayant le pouvoir de prescrire en Ontario
En novembre 2023, le gouvernement de l’Ontario a adopté des modifications législatives à la Loi de 1991 sur les soins infirmiers, qui permettent aux IA de prescrire certains médicaments et de communiquer des diagnostics à des fins d’ordonnance. En juin 2025, l’Ontario a annoncé un financement pour la formation en soins infirmiers, investissant 750 000 $ pour soutenir l’inclusion du pouvoir de prescription des IA dans trois programmes de premier cycle en soins infirmiers, dont celui du Collège Georgian. L’Ontario sera ainsi la première province au Canada à inclure le pouvoir de prescription des IA dans les programmes de premier cycle à partir de l’année universitaire 2025-2026.
En vertu de ce règlement, les IA doivent suivre un programme de formation approuvé par l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario (OIIO, 2024), car le pouvoir de prescription des IA ne fait actuellement pas partie des compétences d’accès à la pratique. Les IA ayant le pouvoir de prescrire ne peuvent avoir recours à ce droit que dans des contextes de pratique ou des établissements où la loi ou l’employeur l’autorise (OIIO, 2024). Par ailleurs, la réglementation actuelle dresse la liste des médicaments approuvés : vaccination, contraception, santé liée aux voyages, médicaments topiques pour soins des plaies, désaccoutumance au tabac, anesthésiques, réaction allergique et médicaments en vente libre (OIIO, 2024).
Il incombe aux employeurs de déterminer les rôles et les responsabilités des membres de leur personnel. On s’attend à ce que les IA consultent leur employeur pour comprendre et confirmer leur pouvoir de prescription. La norme d’exercice de l’OIIO en matière de prescription repose sur trois principes clés : autorité, compétence et sécurité (OIIO, 2024). Tous les membres du personnel infirmier sont tenus de respecter les lois, les normes et les lignes directrices de l’OIIO qui s’appliquent à toutes les catégories infirmières, y compris les IA ayant le pouvoir de prescription (OIIO, 2024).
Un cadre pour soutenir le pouvoir de prescription des IA
Afin d’éclairer l’élaboration de notre programme d’enseignement sur le pouvoir de prescription des IA, nous avons d’abord examiné la littérature. Notre examen a révélé une lacune importante : il n’existait pas de cadre clairement défini qui rende compte du processus de prescription nécessaire pour orienter les pratiques de prescription sûres et éthiques. Un changement de paradigme est nécessaire pour conceptualiser pleinement le processus de formulation d’un diagnostic afin de prescrire un médicament, puis de déterminer le médicament approprié. Pour aborder cette lacune, nous avons élaboré un cadre (figure 1) destiné à éclairer le pouvoir de prescription sûre et éthique des IA.
Figure 1 : Cadre de prescription des IA
Le programme de prescription des IA du Collège Georgian
Le cadre de prescription des IA a été utilisé comme composante fondamentale du programme d’enseignement en matière de prescription sûre et éthique des IA du Collège Georgian. Ce cadre aide l’IA prescriptrice ou prescripteur à tenir compte du contexte de la visite pour conceptualiser le type de soins qui pourrait être nécessaire. Le diagnostic est posé après une évaluation approfondie, qui comprend les antécédents pertinents, y compris les antécédents optimaux possibles en matière de médication, et l’évaluation physique appropriée. À tout moment pendant la rencontre, l’IA doit écarter les signaux d’alerte et déterminer si les besoins en matière de soins relèvent du domaine de compétence de l’IA prescriptrice ou prescripteur ou s’ils doivent faire l’objet d’une consultation ou d’un transfert complet des soins à une autre personne prescriptrice. Pour choisir un plan de traitement, il faut examiner les facteurs particuliers à la patiente ou au patient et avoir une connaissance approfondie des médicaments utilisés pour traiter cette indication clinique. Les IA doivent aussi se demander, tout au long de la rencontre, si elles ou ils sont la personne prescriptrice la plus appropriée dans le contexte de la patiente ou du patient, de l’indication clinique et du médicament précis.
D’après les commentaires des IA détenant depuis peu le pouvoir de prescription, la courbe d’apprentissage en matière de diagnostic et de prescription de médicaments dans le cadre du champ d’exercice des IA est ardue. Par conséquent, le fait de disposer d’un cadre pratique de prescription des IA constitue un guide utile pour clarifier les attentes relatives au processus de prescription des IA.
Le Collège Georgian propose le Registered Nurse Prescribing Education Program: Safe and Ethical Practice (programme d’enseignement sur le pouvoir de prescription à l’intention des IA : Pratique sûre et éthique), qui comprend un volet théorique et un volet clinique. Le volet théorique comprend quatre modules : responsabilités professionnelles et responsabilisation; responsabilités professionnelles et éthiques; évaluation et diagnostic; et pharmacothérapie et autres interventions thérapeutiques en soins à la clientèle (les sous-sections du module 4 sont particulières à la liste actuelle de médicaments pouvant être prescrits par les IA en Ontario).
Pour favoriser l’adoption immédiate du pouvoir de prescription et être admis au programme, les candidates et candidats doivent soumettre une lettre de soutien de leur employeur et la preuve qu’un(e) mentor(e) clinique/prescriptrice ou prescripteur (IP ou médecin) soutiendra leur stage.
Le stage comprend la soumission de registres de prescription, de plans de soins particuliers à la patientèle/clientèle, et d’un plan d’apprentissage du gage de la qualité avec des objectifs identifiés. Tout au long du stage clinique, les étudiantes ou étudiants ont de multiples occasions d’obtenir de la rétroaction de la part du corps enseignant, qui fait partie intégrante de la transition de l’apprentissage du rôle d’IP à celui de prescriptrice ou prescripteur.
Formation des IA pour obtenir le pouvoir de prescription
Lors de l’inscription et avant de mettre en place le contenu du cours, un sondage démographique volontaire est proposé à la cohorte étudiante inscrite au programme. D’après les résultats du sondage mené auprès de la cohorte initiale, les étudiantes et étudiants comptaient entre un an et 37 ans d’expérience, la moyenne étant de 12 ans d’expérience. Nombre d’entre elles et d’entre eux avaient suivi un programme pour passer d’infirmière ou d’infirmier auxiliaire autorisé (IAA) à infirmière ou infirmier autorisé (IA) et avaient déjà travaillé en tant qu’IAA.
Dans notre première cohorte, nous avons noté que les IA comptant plus de 10 ans d’expérience faisaient preuve d’un jugement clinique et de compétences décisionnelles plus solides que les étudiantes ou étudiants comptant moins d’expérience. Ces années d’ancienneté se sont aussi manifestées dans la qualité des travaux pratiques cliniques soumis, tels que les évaluations détaillées et les plans de soins. Il vaudrait la peine de pousser ces recherches pour explorer ces relations plus en détail.
Des étudiantes et étudiants ont indiqué que parmi les avantages perçus du pouvoir de prescription des IA figuraient la contribution à l’amélioration de l’efficience, de l’efficacité, de la continuité et de la qualité des soins à leur clientèle. Comme la vision de l’AIIC (2015), et comme le décrivent Darvishpour et coll. (2014), de nombreuses et de nombreux IA de notre programme ont estimé que le fait d’avoir de l’autonomie et l’indépendance de prescrire pour leur clientèle améliorait le flux de travail, en particulier les soins directs à la clientèle, sans retard dans le traitement. Notre cohorte étudiante formait un groupe d’IA exceptionnellement motivé, dévoué et passionné, souhaitant s’attaquer aux obstacles et aux lacunes dans les besoins de leur clientèle en matière de soins de santé et d’être à l’avant-garde de ce rôle en Ontario.
Leçons tirées de la pratique infirmière
Lorsque l’on considère l’adoption et la mise en œuvre réussies du pouvoir de prescription des IA dans les différents contextes de pratique, deux thèmes se dégagent : la clarté du rôle et le soutien organisationnel.
Clarté du rôle des titulaires du pouvoir de prescription
La courbe d’apprentissage en matière de diagnostic et de prescription de médicaments dans le cadre du champ d’exercice des IA est ardue. C’est à cette étape que nos étudiantes et étudiants ont trouvé le cadre de prescription des IA utile, car il les a aidés à clarifier les attentes de la pratique de prescription des IA. À plusieurs occasions, les étudiant(e)s, les mentor(e)s et le corps enseignant ont collaboré pour naviguer, négocier et vraiment comprendre les complexités, les subtilités détaillées et les nuances de ce nouveau champ d’exercice pour les IA.
Pour quiconque se trouve à l’avant-garde d’un nouveau rôle, il y a aura des problèmes et des obstacles en cours de route et certains imprévus qui nécessiteront une exploration et une intégration plus approfondies. Lors de l’accompagnement et du mentorat des infirmières et infirmiers inscrits au programme, nous avons souvent prononcé la phrase suivante : « Ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’on doit le faire ». Cette phrase a été déterminante pour aider les IA à se perfectionner et à approfondir leur compréhension de leur rôle tout en contribuant à garantir des pratiques de prescription sûres et éthiques. Nous avons aussi travaillé en étroite collaboration avec les organismes de réglementation pour clarifier le rôle de l’IA prescriptrice ou prescripteur. Ainsi, l’organisme de réglementation a pu aborder plus clairement les indications cliniques et les médicaments particuliers que peuvent prescrire les IA en Ontario.
Clarté du rôle de l’employeur
Les employeurs et les organisations doivent être prêts à apporter le soutien nécessaire aux IA ayant le pouvoir de prescription pour qu’elles et ils puissent respecter les normes de pratique et les exigences de l’autoréglementation. Dans la cohorte initiale d’établissements de pratique des IA qui ont été les premiers à détenir le pouvoir de prescription, il était nécessaire d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques et procédures propres au pouvoir de prescription des IA. Il s’agissait notamment d’élaborer un document d’orientation fondé sur des données probantes, détaillant les paramètres du rôle de prescription des IA pour le domaine de besoins identifié. Ce travail a été réalisé en consultation avec les premiers établissements qui ont demandé l’autorisation de prescrire.
Les outils d’aide à la décision clinique fondés sur des données probantes sont utilisés par les IA détenant le pouvoir de prescription pour orienter les décisions de prescription des IA pour des indications cliniques, des médicaments et des populations en particulier. Ces outils d’aide à la décision clinique peuvent prendre la forme d’un protocole, d’un algorithme, d’une politique ou de directives cliniques soutenues par l’employeur et destinées à aider à gérer les risques et les attentes cliniques pour les IA novices ayant le pouvoir de prescription (Moody et coll., 2020; Saunders, 2021).
La responsabilité de l’employeur consiste notamment à mettre en place des politiques et des procédures claires pour son équipe interprofessionnelle, car l’absence de telles politiques et procédures pourrait créer des problèmes en cas de responsabilité. D’autres considérations identifiées dans la littérature pour aider à naviguer efficacement dans ce changement de pratique comprennent, entre autres, les éléments suivants :
- Le gage de la qualité (OIIO, 2024) et les considérations pratiques liées à la surveillance et à l’évaluation continues des résultats pour les patients, de la sécurité des patients et de la prestation des soins de santé au sein de votre organisation (AIIC, 2015)
- La promotion des pratiques fondées sur des données probantes, la promotion de la collaboration interdisciplinaire et la défense des politiques qui soutiennent les rôles élargis des IA dans la gestion des médicaments (AIIC, 2015)
- L’évaluation et la rétroaction liées à la mise en œuvre du pouvoir de prescription des IA au sein de votre organisation (AIIC, 2015).
Conclusion
Nous avons tiré plusieurs leçons importantes qui pourraient aider d’autres provinces et territoires à lancer des initiatives semblables.
- La nécessité de la collaboration : Des partenariats solides entre les organismes de formation, de pratique et de réglementation sont essentiels pour assurer l’alignement sur les normes professionnelles et des pratiques de prescription sûres et éthiques.
- L’importance du contexte : Lorsque les principes fondamentaux de la prescription sont cohérents, la conception des programmes et les méthodes d’enseignement doivent être adaptables et inclusives pour faire progresser la pratique.
- Cadres et outils : L’intégration du contenu, des outils et des cadres de prescription dans des processus cliniques et décisionnels élargis renforce la pensée critique et les responsabilités professionnelles tout en permettant aux IA à faire confiance à leurs compétences en matière de prescription.
- Le perfectionnement au service de la croissance : L’évaluation et la rétroaction continues permettent d’adapter et d’améliorer le programme d’enseignement au fur et à mesure que le pouvoir de prescription des IA évolue et se développe dans l’environnement de pratique.
Références
Institut canadien d’information sur la santé. Infirmières autorisées, 2022. https://www.cihi.ca/fr/infirmieres-autorisees
Association des infirmières et infirmiers du Canada. Cadre de l’infirmière et infirmier autorisé prescripteur au Canada, 2015. CNA_RN_prescribing_framework_f.pdf
Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario. Norme d’exercice : Prescription de médicaments par les infirmières autorisées (IA), 2024. https://cno.org/Assets/CNO/Documents/Standard-and-Learning/Practice-Standards/practice-standards-rn-prescribing-fr.pdf
Darvishpour, A., Joolaee, S. et Cheraghi, M.A. « A meta-synthesis study of literature review and systematic review published in nurse prescribing », Medical Journal of the Islamic Republic of Iran, 28(77), 2014. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC4219909/
Gouvernement de l’Ontario. Règlement de l’Ontario : Loi de 1991 sur les infirmières et infirmiers 275/94, 1991. https://www.ontario.ca/lois/reglement/940275#BK41
Moody, E., Martin-Meisener, R., Carrier, J., MacDonald, M., MacMillan, K. et Axe, S. « The educational terrain of preparing registered nurses to prescribe: An environmental scan », Nursing Research, 33(2), 2020, p. 54-67. doi:10.12927/cjnl.2020.26237
Gouvernement de l’Ontario. Loi sur les hôpitaux publics, 1991. hôpitaux publics (Loi sur les), L.R.O. 1990, chap. P.40 | ontario.ca
Saunders, M. M. « Informing and supporting the new clinical nurse specialist prescriber », AACN Advanced Critical Care, 32(4), 2021, p. 404-412. doi:10.4037/aacnacc2021869
Treva Job, inf. aut., Ph. D., IP-SSP, M.A. Éd., CCSNE, est gestionnaire du centre de simulation au Collège Georgian et compte plus de 28 ans d’expérience en soins infirmiers.
Jessica Milligan, inf. aut., M. Nurs., IP-SSP, compte plus de 20 ans d’expérience diversifiée en soins infirmiers, dont 11 ans en tant qu’infirmière praticienne en soins de santé primaires et enseignante en soins infirmiers à temps partiel au Collège Georgian.
Sara Lankshear, inf. aut., Ph. D., FACSI, est doyenne associée des programmes de soins infirmiers au Collège Georgian et est enseignante depuis 20 ans.
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