Blog Viewer

Réorienter notre approche de la sécurité des patients : le rôle de chaque personne dans la création de soins plus sûrs

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2025/10/27/rewiring-our-approach-to-patient-safety

Les actions que vous pouvez adopter pour favoriser des soins sûrs et inclusifs qui vont au-delà de la prévention des méfaits

Par Anne MacLaurin
27 octobre 2025
istockphoto.com/zeljkosantrac
Si nous voulons vraiment améliorer la sécurité des patients, nous devons élargir notre compréhension de ce qu’est la sécurité et modifier notre façon de faire en conséquence. Un modèle axé sur les préjudices est tout simplement trop limité. Le guide de discussion intitulé Repenser la sécurité des patients, d’Excellence en santé Canada, préconise une option plus holistique et inclusive de la sécurité des patients.

Note de la rédaction : C’est aujourd’hui le premier jour de la Semaine nationale de la sécurité des patients! Le thème de 2025 est Des soins plus sûrs, portés par toutes les voix. Téléchargez le récent guide de discussion d’Excellence en santé Canada, Repenser la sécurité des patients, pour savoir comment vous pouvez poser des gestes concrets.


Les soins de santé reposent sur la conviction fondamentale que chaque patiente ou patient mérite des soins sûrs et fiables. En tant que membres du personnel infirmier et prestataires de soins de santé, nous nous efforçons toutes et tous de veiller à ce que les soins que nous offrons soient sans danger. Mais dans quelle mesure nos soins sont-ils vraiment sûrs? Si la direction vous demandait dans quelle mesure les soins que nous fournissons sont sûrs, que répondriez-vous? Et si les patients et leur famille vous posaient la même question, quelle serait votre réponse?

Si vous avez de la difficulté à y répondre, vous n’êtes pas la seule personne dans cette situation. Partout au Canada et dans le monde, nous ne disposons pas d’un système fiable pour surveiller la sécurité des soins. Nous avons investi d’innombrables ressources pour comprendre les préjudices, mais nous n’avons pas encore mis au point de méthode efficace pour mesurer le degré de sécurité réel des soins. S’il est indéniable qu’il est important de surveiller les préjudices et d’en tirer des enseignements, il est essentiel de comprendre que l’absence de préjudices n’est pas synonyme de la présence de sécurité. Et ce qui est peut-être encore plus important, c’est que l’évaluation des échecs passés n’est pas un indicateur adéquat de la sécurité future.

Dans cet article, je passerai en revue notre compréhension actuelle de la sécurité des patients, je proposerai une démarche qui va au-delà de la prévention des préjudices et je suggérerai des actions pour favoriser des soins sûrs et inclusifs pour tout le monde.

Le problème de l’évaluation des préjudices plutôt que de la sécurité

Prenons en exemple une analogie : si vous voyez un enfant courir dans une rue très passante, vous n’attendrez pas qu’il soit renversé par un véhicule pour évaluer si la situation est sécuritaire. Pourtant, en soins de santé, il faut souvent qu’il y ait un préjudice pour que l’on s’intéresse à la sécurité. Cet état d’esprit a permis le développement d’une culture où la sécurité découle de la réactivité, et non de la proactivité, et c’est un problème fondamental.

L’idée de réagir aux préjudices en instituant des protocoles de sécurité est devenue une obsession, mais cela ne suffit pas à fournir les soins sûrs que la population canadienne mérite. Malgré tous nos efforts, nous faisons toujours face aux mêmes risques, et notre démarche a été jusqu’à présent inefficace pour créer des améliorations durables et considérables en matière de sécurité.

Élargir notre compréhension des préjudices liés aux services de santé

Si des progrès ont été accomplis en matière de signalement des préjudices et d’apprentissage, il reste encore beaucoup à faire pour en comprendre pleinement l’ampleur. Par le passé, les efforts en matière de sécurité des patients se sont concentrés sur la réduction des préjudices physiques liés aux soins, aux traitements et aux services, tels que les infections associées aux soins de santé, les chutes ou les erreurs de médication. Toutefois, les préjudices liés aux services de santé vont au-delà des méfaits physiques et comprennent les blessures psychologiques, sociales et spirituelles.

En outre, les préjudices liés aux services de santé ne se limitent pas aux personnes qui reçoivent des soins. Dans le cadre de mon travail avec Excellence en santé Canada, je fais la promotion d’une compréhension élargie des préjudices, qui tient compte de la reconnaissance que les préjudices liés aux services de santé peuvent avoir sur les patientes et patients, les résidentes et résidents, la clientèle et leurs partenaires de soins; le personnel clinique et non clinique, et les membres de la communauté dans tous les contextes de soins.

Les effets d’une trop grande dépendance à l’égard des actions individuelles

En tant qu’infirmière travaillant dans le domaine de la sécurité des patients depuis 20 ans, j’ai pu constater de première main que les stratégies en matière de sécurité se concentrent souvent sur la gestion des comportements individuels plutôt que de s’attaquer aux systèmes sous-jacents qui créent le risque. Voici un aperçu des stratégies traditionnelles de prévention des méfaits :

  • Politiques, lignes directrices et listes de vérification : Lorsque quelque chose tourne mal, nous avons tendance à ajouter des règles et des protocoles, dans l’espoir de résoudre le problème, sans prendre pleinement en compte les systèmes dans lesquels les gens travaillent.
  • Affiches et rappels : Les slogans et les messages de sécurité sur les murs servent de rappel, mais se fondent souvent dans le mur que l’on ne voit plus.
  • Projets de sécurité obligatoires : Ils sont souvent menés par les services centraux ou par la direction, mais ne prennent pas toujours en compte le contexte de chaque établissement ou n’impliquent pas les personnes qui offrent les soins.
  • Rassurance : Nous nous rassurons souvent et rassurons les autres en leur disant que tout va bien, sans vraiment examiner les questions de sécurité.
  • Blâme et honte : Lorsqu’un incident se produit, on accuse souvent les gens, mais on ne tient pas compte totalement des facteurs systémiques qui ont contribué à l’événement.

Nombre de ces stratégies misent principalement sur la gestion des comportements individuels, sans améliorer les systèmes dans lesquels les soins sont fournis. La recherche démontre que les efforts axés uniquement sur la modification du comportement humain, tels que les études, la formation et le respect des politiques, ont peu de chances de conduire à des améliorations efficaces et durables de la sécurité des patients (Hibbert et coll., 2018). Qui plus est, je pense que cette focalisation étroite sur les préjudices et la gestion des comportements individuels contribue à l’épuisement professionnel et à la détresse morale, au désengagement et à un manque de sécurité psychologique parmi les prestataires de soins de santé, créant un environnement qui n’est pas propice à une réelle amélioration ou à la joie au travail.

La solution : une démarche holistique et inclusive en matière de sécurité

Si nous voulons vraiment améliorer la sécurité des patients, nous devons élargir notre compréhension de ce qu’est la sécurité et modifier notre façon de faire en conséquence. Un modèle axé sur les préjudices est tout simplement trop limité. Le guide de discussion intitulé Repenser la sécurité des patients, d’Excellence en santé Canada, préconise une option plus holistique et inclusive de la sécurité des patients. Il s’appuie sur le Cadre de mesure et de surveillance de la sécurité, élaboré par des spécialistes de la sécurité (Vincent, Burnett et Carthey, 2013), qui offre une façon plus exhaustive de comprendre et de mettre en pratique la sécurité.

Au fil des ans, j’ai eu le privilège de travailler avec des équipes soignantes dans tout le Canada, d’apprendre de spécialistes de niveau international et de participer à des efforts de collaboration qui nous ont montré le véritable potentiel de la mesure et de la surveillance de la sécurité. Le cadre propose cinq dimensions clés de la sécurité qui fonctionnent ensemble comme un système intégré.

  • Préjudice passé : Les soins aux patients étaient-ils sécuritaires dans le passé?
  • Fiabilité : Nos systèmes et processus cliniques sont-ils fiables?
  • Sensibilité au déroulement des activités : Les soins sont-ils sûrs aujourd’hui?
  • Anticipation et état de préparation : Les soins seront-ils sûrs à l’avenir?
  • Intégration et apprentissage : Réagissons-nous et faisons-nous des améliorations?

Ce cadre peut changer grandement les choses. Il propose une vision beaucoup plus large et plus précise de la sécurité en misant non seulement sur les préjudices passés, mais aussi sur les systèmes qui permettent de fournir des soins sûrs. Il met l’accent sur une culture de responsabilité collective, où chacune et chacun, soit les membres du personnel, les patients et l’équipe soignante, a un rôle à jouer en matière de sécurité.

Chaque personne contribue à la sécurité des patients

Le Cadre de mesure et de surveillance de la sécurité présente des avantages importants pour la compréhension et l’amélioration de la sécurité, dont nombre d’entre eux sont décrits dans le guide Repenser la sécurité des patients . Plus précisément, le guide de discussion met en évidence le potentiel d’une solution plus vaste et plus holistique pour faire progresser la sécurité :

  • en se détachant d’une vision étroite sur les préjudices physiques passés et en adoptant une démarche plus proactive et inclusive;
  • en encourageant la responsabilité commune en matière de sécurité entre toutes les parties concernées, de la direction générale jusqu’au personnel des points d’intervention, en passant par le personnel de soutien, les familles et les patients;
  • en favorisant une culture en milieu de travail qui encourage les membres du personnel infirmier à poser des questions sur leur pratique, en abandonnant la pratique de simple signalement des problèmes de sécurité pour créer un espace de dialogue réfléchi, de retour d’information et d’amélioration; en mettant l’accent sur la valeur de l’intelligence émotionnelle, par l’écoute, l’observation et la perception, qui sont souvent négligées dans les efforts traditionnels en matière de sécurité.

En adoptant le cadre de sécurité et en appliquant les principes consistant à repenser la sécurité des patients, nous pouvons commencer à créer une culture de sécurité qui ne repose pas uniquement sur des politiques et des listes de vérification, mais qui encourage plutôt la curiosité et favorise les conversations et l’apprentissage continu.

Commencer par des conversations simples

Un des moyens les plus efficaces d’améliorer la sécurité des patients est d’entamer la conversation. Ce principe peut paraître simple, mais en posant des questions et en écoutant pour comprendre, nous pouvons cerner les domaines à améliorer et instaurer une culture de confiance et d’ouverture.

Voici quelques questions qui peuvent susciter des discussions productives sur la sécurité :

Avec les colleagues :

  • Que signifie pour vous la sécurité des patients?
  • Dans quelle mesure nos soins sont-ils sûrs?
  • Dans quelle mesure vous sentez-vous en sécurité sous nos soins aujourd’hui?
  • En quoi la présence de sécurité diffère-t-elle de l’absence de préjudice?
  • Que pouvons-nous faire pour créer un espace sûr permettant des discussions ouvertes sur la sécurité?

Avec les patients et les familles :

  • Qu’est-ce qui fait que vous vous sentez en sécurité?
  • Qu’est-ce qui ferait que vous vous sentiriez plus en sécurité?
  • À qui vous adresseriez-vous si vous ne vous sentiez pas en sécurité?
  • Avez-vous été alarmé ou inquiété par quelque chose au cours des dernières 24 heures?

Il s’agit là de points de départ – de petits gestes qui peuvent entraîner de grands changements. En posant ces questions et en agissant en fonction de ce que nous apprenons, nous pouvons créer une culture où la sécurité va au-delà des politiques et des listes de vérification, mais devient une responsabilité commune qui commence à chaque conversation.

Aller au-delà du statu quo

Les règles ou les initiatives en aval ne suffisent pas à améliorer la sécurité. Nous devons créer un environnement dans lequel chaque personne (prestataires de soins de santé, patients et membres de l’équipe soignante) est habilitée à contribuer à la sécurité. Passer d’une démarche réactive, fondée sur les préjudices, à une démarche proactive, réfléchie et intégrant la perspective de chaque personne peut commencer par une simple question et, à partir de là, se transformer en quelque chose de plus grand. Ensemble, nous pouvons construire un système où la sécurité n’est pas seulement l’absence de préjudices, mais un élément fondamental de tout ce que nous faisons.

Références

Hibbert, P. D., Thomas, M. J. W., Deakin, A., Runciman, W. B., Braithwaite, J., Lomax, S., Prescott, J., Gorrie, G., Szczygielski, A., Surwald, T. et Fraser, C. « Are root cause analyses recommendations effective and sustainable? An observational study », International Journal for Quality in Health Care, 30(1), 2018, p. 1–8. https://doi.org/10.1093/intqhc/mzx181

Vincent, C., Burnett, S. et Carthey, J. « The measurement and monitoring of safety », The Health Foundation, 2013. https://www.health.org.uk/publications/the-measurement-and-monitoring-of-safety


Anne MacLaurin, inf. aut., B. Sc. inf., M. Nurs., est chef de programme principale à Excellence en santé Canada et compte plus de 20 ans d’expérience en sécurité des patients, offrant des perspectives tant au niveau des points d’intervention qu’au niveau du système.

#analyse
#événementsindésirables
#pratiqueclinique
#relationpersonnelinfirmier-patients
#pratiqueinfirmière
#soinsauxpatients
#expériencedespatients
#sécuritédespatients

0 comments
3 views

Connectez-vous pour laisser un commentaire