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Bouffées de chaleur et sueurs nocturnes : la sous-reconnaissance de la ménopause en tant que problème de la main-d’œuvre infirmière

  
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Les problèmes auxquels sont confrontés les soins de santé aujourd’hui risquent de s’aggraver à l’avenir

Par Ashley Holloway
11 août 2025
istockphoto.com/FrazaoStudio
Dans le contexte d’une profession exigeante sur les plans physique, émotionnel et mental, les symptômes de la ménopause, combinés à la stigmatisation associée aux discussions sur ses difficultés, représentent un problème de main-d’œuvre important au sein de la profession infirmière au Canada.

Il existe trois groupes d’infirmières et infirmiers réglementés au Canada, dont la répartition varie selon les provinces et territoires. Ces membres réglementés comprennent les infirmières et infirmiers autorisés (IA), les infirmières et infirmiers praticiens (IP), les infirmières et infirmiers auxiliaires autorisés (IAA) et les infirmières et infirmiers psychiatriques autorisés (IPA), dont l’effectif total combiné dépassait 431 000 professionnels en 2018.

Malgré une augmentation de 17,1 % du nombre d’infirmiers qui se sont joints à la profession entre 2013 et 2018, les soins infirmiers restent une profession à prédominance féminine, et en 2021, l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) a indiqué que 91 % des membres du personnel infirmier réglementés étaient des femmes.

Dans cet article, j’examine les raisons pour lesquelles la prise en charge sûre et efficace des symptômes de la ménopause devrait être considérée comme un enjeu de la main-d’œuvre infirmière. Compte tenu de la trajectoire actuelle du système de soins de santé et des caractéristiques démographiques de cette population, si rien n’est fait, la situation ne fera qu’empirer dans les années à venir.

La nécessité d’un effectif multigénérationnel

Les arrêts de travail attribuables aux congés de maternité sont l’une des réalités d’une profession à prédominance féminine. En raison de la fréquence de ces congés, la grossesse et les congés de maternité au sein de la profession sont normalisés, soulignant l’importance d’un effectif multigénérationnel. Au Canada, l’âge moyen des IAA est de 41 ans, tandis que l’âge moyen des IA, des IP et des IPA se situait entre 43 et 44 ans en 2021. Cette moyenne a diminué au cours des dernières années, ce qui indique une tendance au rajeunissement de la main-d’œuvre au sein des professions infirmières réglementées.

Dans cette optique, l’âge médian de la retraite pour les IA au Canada, qui constituent la majorité des membres du personnel infirmier réglementé, est de 63 ans. De même, les Canadiennes et Canadiens vivent plus longtemps qu’auparavant, et pour de nombreuses raisons, telles que les besoins financiers et les obligations, elles et ils continuent à travailler plus longtemps que leurs homologues des générations précédentes. Le fait que seulement 44,9 % des personnes âgées de 60 à 64 ans ont déclaré être à la retraite en 2023 en témoigne, alors qu’une forte tendance à la retraite anticipée s’était dessinée dans les années 1980.

Une lutte acharnée en matière de personnel

Bien qu’il soit difficile de calculer le taux d’attrition du personnel infirmier réglementé, Statistique Canada a signalé une augmentation de 24 % des postes vacants pour les IA et les IPA entre les premiers trimestres de 2022 et de 2023, soit l’augmentation la plus élevée de tous les emplois sur le marché du travail. Les IAA ne sont pas loin derrière, avec une augmentation de 20,2 % des postes vacants pour la même période. Combinées, ces statistiques révèlent une lutte acharnée pour la main-d’œuvre infirmière réglementée d’aujourd’hui. Ainsi, les stratégies de maintien en poste de ces travailleuses et travailleurs de la santé sont un thème commun à l’ensemble des provinces et territoires.

Avec plus de 50 % des infirmières canadiennes âgées de 40 ans et plus, la majorité de cette main-d’œuvre se situe dans la tranche d’âge où débute traditionnellement la périménopause. En outre, on prévoit une augmentation de 27 % des femmes de 45 à 55 ans sur le marché du travail d’ici 2040 au Canada. Bien que la grossesse et les congés de maternité soient normalisés au sein de la profession infirmière, la périménopause, la ménopause et la postménopause, dont les symptômes peuvent être débilitants, sont peu reconnues et peu soutenues.

Coût de la ménopause

En moyenne, les Canadiennes passent jusqu’à la moitié de leur vie en état de ménopause, que ce soit la périménopause, la ménopause ou la postménopause. Bien que la plupart des femmes atteignent la ménopause entre 45 et 55 ans, dans certains cas, celle-ci peut commencer dès l’âge de 40 ans. En outre, près d’un quart des femmes souffriront de symptômes graves. La ménopause ne se résume pas à des bouffées de chaleur et à des sueurs nocturnes. La baisse significative des œstrogènes expose les femmes ménopausées à plusieurs problèmes de santé graves, notamment l’ostéoporose, les maladies cardiaques et les troubles génito-urinaires, dont les symptômes non maîtrisés coûtent à l’économie canadienne environ 3,5 milliards de dollars par an.

Outre les bouffées de chaleur, les sueurs nocturnes, les douleurs musculaires et articulaires et les troubles génito-urinaires, les symptômes de la ménopause comprennent aussi les sautes d’humeur, la dépression, les pertes de mémoire, l’insomnie et les troubles sexuels. Par ailleurs, 44 à 62 % des femmes déclarent également ressentir une augmentation du déclin cognitif en raison de ces symptômes. Dans le contexte d’une profession exigeante sur les plans physique, émotionnel et mental, les symptômes de la ménopause, combinés à la stigmatisation associée aux discussions sur ses difficultés, représentent un problème de main-d’œuvre important au sein de la profession infirmière au Canada. Les recherches suivantes appuient ce constat :

  • Dans une récente étude exploratoire portant sur l’effet de la ménopause sur les capacités de prestation de soins de la part des infirmières réglementées, les auteures Vanderzalm et coll. (2023) ont constaté que les participantes déclaraient éprouver de l’anxiété dans une grande mesure liée à leur capacité de fournir à leur patientèle des soins sûrs et efficaces en raison des symptômes de la ménopause.
  • En outre, la Fondation canadienne de la ménopause a récemment publié un rapport intitulé Ménopause et soins infirmiers au Canada,qui met en évidence certains des obstacles auxquels les infirmières sont confrontées dans la prise en charge des symptômes de la ménopause au travail. Ces obstacles comprennent l’incapacité de mettre en pratique de façon constante les habitudes d’atténuation des symptômes en raison du travail par quarts.
  • De plus, Vanderzalm et coll. (2023), également appuyées par le rapport de la Fondation canadienne de la ménopause, ont constaté que les infirmières hésitaient souvent à parler à leurs collègues et à leurs gestionnaires par crainte de conséquences négatives, par manque de confiance envers la direction et en raison de la culture bien ancrée du milieu de travail qui consiste à « foncer », peu importe le prix à payer. Les répercussions mentales et émotionnelles des symptômes de la ménopause peuvent être tout aussi débilitantes, menant certaines infirmières à perdre confiance en leur capacité et à ressentir de la honte et une faible estime de soi. Par ailleurs, les absences du travail entraînent souvent une augmentation de la charge de travail pour le personnel, perpétuant ainsi le cycle de l’absentéisme et entraînant un fort taux de roulement, ce qui peut compromettre les soins à la patientèle.

Le gouvernement fédéral a récemment mis au point la boîte à outils pour la rétention des effectifs infirmiers, qui se concentre sur des stratégies globales visant à créer un environnement de travail positif et favorable, des pratiques sécuritaires de dotation, des possibilités de perfectionnement professionnel et de mentorat, ainsi que d’autres domaines clés d’amélioration. Bien que ces stratégies du point de vue macro soient un pas dans la bonne direction, il est nécessaire d’accorder une attention plus ciblée à ce problème unique au sein des professions infirmières réglementées.

Recommandations

La Fondation canadienne de la ménopause demande que des mesures plus précises soient prises, en commençant par normaliser la discussion autour de ce sujet et de ses effets dans ce contexte particulier. Ces mesures s’adressent à la population en général, mais s’appliquent tout aussi bien à la profession infirmière.

Dans le rapport Ménopause et soins infirmiers au Canada, les recommandations sont réparties en quatre grandes catégories : « changement dans la culture des soins infirmiers », « éducation », « amélioration des conditions de travail », et « amélioration des avantages ». Ces recommandations sont les suivantes :

  • souligner l’importance de sensibiliser les gestionnaires et collègues sur les effets néfastes de ces symptômes non maîtrisés et de promouvoir des gestes particuliers pour réduire la stigmatisation liée à la ménopause et à ses symptômes;
  • créer des conditions de travail favorables, y compris des horaires de travail plus équilibrés et plus flexibles;
  • tirer parti de l’expérience des infirmières plus âgées en créant des rôles de mentorat;
  • adapter la conception des espaces physiques et des salles de repos pour créer un espace de travail plus confortable et fournir des ressources en matière de ménopause et des services de soutien en santé mentale, comme des conseillères qui connaissent bien la ménopause, et l’offre de congés de maladie à cet effet.

Pour certaines personnes, la mise en œuvre de ces recommandations pourrait être interprétée comme un gaspillage de l’argent des contribuables. Toutefois, la pandémie de COVID-19 a mis en évidence les problèmes existants dans un système de santé canadien déjà sous pression et a entraîné plusieurs conséquences négatives inattendues, telles que l’augmentation des taux d’utilisation de substances et de blessures auto-infligées, ainsi qu’une plus grande prévalence des maladies mentales.

La pénurie de médecins de famille dans tout le pays, les besoins de santé changeants de la population canadienne, le grand nombre de travailleuses et travailleurs de la santé approchant l’âge de la retraite, et le stress grave en milieu de travail exigent toute l’attention des membres du personnel infirmier réglementé du Canada. Il est essentiel de soutenir les membres du personnel infirmier réglementé pour créer un système de santé durable pour le présent et l’avenir. Sans le personnel infirmier, il n’y a pas de système.


Ashley Holloway, inf. aux. aut., M. Santé publique, G. Dip. GBLD, CD, est infirmière, rédactrice et éditrice. Elle enseigne la rédaction et la gestion des services de soins de santé à Calgary et est directrice de la rédaction à Unleash Creatives.

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