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« Plus facile à dire qu’à faire, mais on se doit de s’absenter du travail pour prendre soin de soi »
Par Valerie Power
8 décembre 2025
istockphoto.com/fotostorm
À quoi ressemble la prise en charge de sa propre santé? Il s’agit de tout ce qui vous convient.
Certaines personnes ne comprennent pas ce que veut dire vivre avec une maladie chronique, mais beaucoup d’autres le comprennent.
J’ai encore dû appeler mon employeur aujourd’hui pour dire que j’étais malade. J’ai fait la même chose hier et j’en ferai probablement autant le jour suivant. Non pas parce que j’en ai envie, ni parce que je suis « malade » à proprement dit, mais parce que je souffre de névralgie du trijumeau (ou névralgie faciale). Il s’agit d’une affection nerveuse extrêmement douloureuse qui touche le visage, plus précisément le nerf trijumeau. Dans mon cas, elle touche le côté droit de mon visage. En raison de cette affection, je ne peux ni parler, ni me brosser les dents, ni me laver le visage, ni manger, ni porter le masque qui est toujours obligatoire des années après la pandémie de COVID-19.
La maladie chronique dont je souffre ressemble à beaucoup d’autres. Si dans mon cas il s’agit d’une névralgie du trijumeau, la vôtre peut être le diabète, la dépression, la sclérose en plaques ou toute autre maladie parmi la myriade qui existe.
Quoi qu’il en soit, il se peut que vous vous sentiez un peu plus coupable de passer l’appel à votre employeur pour lui annoncer que vous êtes malade. Je sais que c’est le cas pour moi, car je ne suis pas vraiment « malade » dans le sens où j’ai des symptômes de la grippe ou de la fièvre, des épisodes de vomissements et des envies d’aller aux toilettes toutes les quelques minutes.
Ce genre de maladie est quelque chose que les gens comprennent. Très peu comprennent ce que veut dire se battre contre une maladie invisible qui ne s’estompera jamais. Même les gens avec qui nous travaillons et qui sont en contact avec des personnes malades tous les jours éprouvent de la frustration lorsque leurs collègues s’absentent pour cause de maladie et qu’il y a un manque de personnel. (Soyons honnêtes, nous avons toutes et tous ressenti cette frustration à un moment ou à un autre.)
Le seul aspect positif de mon affection est qu’elle me laisse plus de temps pour réfléchir et moins de temps pour parler. Je pense à mes collègues que j’ai laissés en plan ce jour-là. Je pense au nombre de jours de maladie qu’il me reste, et bien sûr, à la maladie qui m’afflige et aux pensées effrayantes qui l’accompagnent.
Je ne ressens pas le besoin d’en parler ici. Nous savons de quoi il s’agit. Mais le bon côté des choses, c’est que j’ai l’occasion de réfléchir. Et depuis près de 15 années intermittentes entre moi et la névralgie du trijumeau, la réflexion m’a permis de prendre conscience de certains points importants :
- Je ne suis pas « isolée sur une île », comme je l’ai cru un jour. En fait, Statistique Canada a indiqué qu’environ 45 % des Canadiennes et Canadiens vivaient avec une maladie chronique en 2021. Ce qui veut dire qu’il y a un plus grand nombre de collègues infirmières et infirmiers autour de moi et de vous qui luttent aussi contre une maladie chronique. Quelques personnes, voire plusieurs, dans votre entourage savent ce que vous vivez. Permettez-vous un soupir de soulagement. Même dans votre milieu de travail, vous n’êtes pas la seule personne à vivre une situation semblable.
- Ce n’est pas égoïste de prendre soin de soi. Je le répète, il n’est pas égoïste de prendre soin de soi. (Vous comprenez l’intention ici? Une simple affirmation pour soi.) Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, mais il n’y a rien de mal à s’absenter du travail pour guérir afin de revenir en force et dans une meilleure forme que lorsque l’on a quitté.
- À quoi ressemble la prise en charge de sa propre santé? Il s’agit de tout ce qui vous convient. Pour moi, c’est de dormir, de lire, d’écrire et de me concentrer sur ma respiration. C’est tout. Je garde ça simple. L’idée derrière les soins qu’on s’autoadministre est de reprendre la voie de la rémission. Je parle de rémission, car on ne guérit vraiment jamais, n’est-ce-pas?
- Je ne suis pas le titre de mon poste. Il est difficile de se dissocier du titre d’« infirmière ». C’est un titre que nous avons tendance à prendre au sérieux. Personnellement, je me dis : « Je peux assumer mes fonctions en force. Je peux finir ce quart de travail. » Mais est-ce que je peux vraiment donner le meilleur de moi-même? Absolument pas! Je souffre tellement que je suis souvent pratiquement en larmes avant la fin de mon service. J’ai appris à voir les choses de la façon suivante : Lorsque je prendrai ma retraite et que je quitterai l’établissement où je travaille, ce sera fini. Je prendrai probablement ma retraite parce que « c’était le temps », comme je l’ai déjà entendu dire par tant d’infirmières. Je ne me réveillerai pas tous les matins pour faire ma journée et être infirmière. Je me réveillerai chaque matin pour vivre le prochain chapitre de ma vie. Il n’y a rien de mal à prendre des journées de maladie, à prendre une journée de santé mentale ou à ne pas faire d’heures supplémentaires, parce qu’on vaut plus qu’un titre professionnel. On est aussi une personne atteinte d’une maladie chronique qui a un avenir devant soi.
- Je ne suis peut-être pas seule, mais ça ne regarde personne d’autre. Je sais que c’est bête à dire, mais c’est la réalité. On ne peut parler de sa maladie qu’à son employeur et aux personnes qui nous inspirent confiance. On ne doit d’explications à personne d’autre. Si vous ne le savez pas encore, vous êtes une personne forte et résiliente, alors forgez-vous une carapace et faites fi des commentaires ou des sentiments des autres. Je vous en donne la permission ici même. Cela étant dit, il est important de faire preuve d’empathie et de compréhension à l’égard de votre collègue qui a également manqué quelques quarts de travail ces derniers temps. Lorsque j’entends les bavardages autour du poste de soins infirmiers, j’interviens habituellement par une simple déclaration telle que : « Nous ne savons pas ce qui se passe avec telle personne ou ce qui se passe à la maison. Espérons seulement que ce n’est pas trop grave » qui suffit généralement à faire passer le message.
Certaines personnes ne comprennent pas ce que veut dire vivre avec une maladie chronique, mais beaucoup d’autres le comprennent.
Si je peux me permettre de vous donner un dernier conseil, c’est de vous joindre à un groupe de soutien. Il existe de nombreux groupes en ligne, et il est surprenant de voir combien de personnes sont prêtes à vous encourager et à vous soutenir. Comme je l’ai dit, vous n’êtes pas la seule personne dans cette situation, et il suffit de quelques clics pour trouver ces groupes de soutien.
Je sais qu’il n’est pas toujours facile de passer cet appel à l’employeur. Mais j’espère que lorsque vous aurez terminé votre appel, vous ressentirez du soulagement plutôt que de la culpabilité, et que vous vous autoriserez une grasse matinée, parce que c’est aussi ça prendre soin de soi.
Valerie Power, IAA, est originaire de Terre-Neuve-et-Labrador et a de l’expérience en santé mentale, en toxicomanie et dans les services d’urgence. Elle travaille actuellement dans le domaine des soins de longue durée.
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