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Tout ce que j’apprends sur la génomique est passionnant et je ne cesse d’établir des liens sur la façon dont elle s’insère dans la pratique et la formation infirmières, explique Andrea Gretchev
Par Laura Eggertson
17 novembre 2025
Andrea Gretchev se consacre à la promotion de changements en formation infirmière et dans les politiques en santé, afin que les infirmières et infirmiers et les autres membres de l’équipe interprofessionnelle puissent en apprendre davantage sur la façon dont la génétique influe sur la santé et comment intégrer ces connaissances à leur pratique.
Note de la rédaction : Canadian Nursing and Genomics et l’Association canadienne des infirmières en oncologie ont récemment publié l’énoncé de position intitulé Prise de position sur les soins infirmiers en oncologie basés sur la génomique, le premier document de politique nationale du Canada sur les soins infirmiers fondés sur la génomique.
Lorsque la mère de 75 ans d’Andrea Gretchev, a eu besoin de médicaments après que ses lipides incontrôlés eurent contribué à une crise cardiaque, Andrea savait que la réponse se trouvait dans le profil génétique de sa mère.
En effet, Andrea Gretchev, infirmière autorisée, candidate au doctorat, chercheuse et enseignante au programme des sciences de la santé au Collège Douglas à Coquitlam, en Colombie-Britannique, a passé les deux dernières années à se plonger dans l’étude de la génomique.
Ce nouveau domaine, qui prend de plus en plus d’importance dans les soins infirmiers depuis que le Projet du génome humain a séquencé l’ensemble de l’ADN humain en 2003, est essentiel pour les soins de santé de précision, et Andrea Gretchev se sent appelée à contribuer à l’ensemble croissant de données à l’appui.
Après 19 ans de carrière en soins infirmiers, un baccalauréat en sciences infirmières de l’Université McGill, et une maîtrise en sciences infirmières de l’Université de Victoria, Andrea Gretchev a décidé de poursuivre un doctorat en génomique à l’Université Clemson en Caroline du Sud dans le programme de génétique et de génomique des soins de santé. Elle a choisi la génomique parce qu’elle voyait la pertinence de ce domaine dans tous les aspects des soins de santé, mais surtout en oncologie, en pédiatrie, en santé mentale et en cardiologie. En outre, elle a perçu le potentiel de la profession infirmière à contribuer à son application et les avantages qui en découlent pour l’amélioration des résultats en matière de santé.
« Je trouve ce domaine tellement captivant, dit-elle. Tout ce que j’apprends sur la génomique est passionnant et je ne cesse d’établir des liens sur la façon dont elle s’insère dans la pratique et la formation infirmières. »
Andrea Gretchev travaille aussi comme adjointe de recherche à l’Université Athabasca, où elle étudie, au sein d’une équipe de recherche financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, les moyens d’intégrer les soins infirmiers basés sur la génomique dans les systèmes de soins de santé. En tant que membre du comité directeur de Canadian Nursing and Genomics, elle se consacre à la promotion de changements dans la formation infirmière et dans les politiques de santé, afin que les infirmières et infirmiers et les autres membres de l’équipe interprofessionnelle puissent en apprendre davantage sur la façon dont la génétique influe sur la santé et comment intégrer ces connaissances à leur pratique.
Contribuer à sauver des vies
Grâce au récit de sa mère, Andrea Gretchev peut maintenant relater de façon personnelle les raisons qui font que la génomique peut contribuer à sauver des vies.
Sue Campbell, la mère d’Andrea Gretchev, avait déjà essayé deux médicaments de première intention à base de statines pour contrôler ses lipides qui, à des niveaux élevés, contribuent à l’accumulation de plaques dans les artères pouvant provoquer des maladies cardiovasculaires.
Mais après que Sue Campbell a eu de graves réactions à ces deux médicaments, son médecin les a retirés de sa posologie et était incertain quant aux médicaments à lui prescrire ensuite.
Après la crise cardiaque de sa mère, Andrea Gretchev a suggéré d’envoyer un échantillon de l’ADN de sa mère à une société privée, un processus appelé test génétique offert directement aux consommateurs.
À l’instar d’un nombre de plus en plus élevé de Canadiennes et de Canadiens qui se prêtent au dépistage génétique, Andrea Gretchev a fait séquencer et analyser l’ADN de sa mère. Le rapport de santé renvoyé par la société a correctement prédit que Sue Campbell tolérerait mieux un autre type de médicaments à base de statines, plutôt que les médicaments de première intention qu’elle avait essayés.
« Ce n’est pas tout le monde qui réagit de la même façon aux médicaments. Un médicament donné peut produire des effets très différents chez deux personnes en raison de variations génétiques dans les gènes en cause dans le métabolisme des médicaments. La pharmacogénomique examine ces différences génétiques pour orienter le choix du médicament le plus efficace et le plus sûr pour chaque personne. »
Les médecins et les infirmières et infirmiers praticiens en soins primaires commencent à découvrir les avantages de la pharmacogénomique. Dans les domaines spécialisés comme la cardiologie, la prise de conscience est de plus en plus grande. Par exemple, le cardiologue de Sue Campbell a reconnu l’importance du dépistage pharmacogénétique.
« Il était soulagé que nous l’ayons fait et a utilisé le rapport pharmacogénétique pour orienter ses décisions en matière de prescription, explique Andrea Gretchev. Ma mère prend maintenant une nouvelle statine après que son profil génétique a laissé entrevoir qu’elle était capable de la métaboliser, et elle n’a pas eu de réactions à cette statine. »
Avantages de la génomique en pédiatrie
« Il est particulièrement important en pédiatrie de pouvoir anticiper quel enfant réagira bien et quel enfant aura une réaction indésirable à un médicament, dit Andrea Gretchev.
« Il s’agit de corps très petits, et les effets secondaires peuvent avoir des conséquences dévastatrices », ajoute-t-elle.
Lorsqu’elle travaillait comme infirmière pédiatrique, Andrea Gretchev a traité de nombreux enfants qui avaient perdu l’ouïe en raison d’une réaction indésirable à une catégorie particulière d’antibiotiques appelés aminoglycosides.
« Si nous avions disposé de tests pharmacogénétiques, ces enfants auraient pu être épargnés par cet effet secondaire dévastateur. »
Le dépistage, la mise en œuvre et l’intégration dans la pratique en soins de santé
La plupart des prestataires de soins de santé ne reçoivent qu’une formation « minimale » en génomique dans le cadre de leurs études médicales, précise Andrea Gretchev. L’assurance-maladie provinciale varie aussi beaucoup d’un bout à l’autre du Canada en ce qui concerne le type de tests génétiques couverts et la façon dont les praticiennes et praticiens mettent en œuvre le dépistage dans leur pratique.
La Colombie-Britannique, par exemple, où vit et travaille Andrea Gretchev, s’est fixé pour objectif de faire séquencer génétiquement les tumeurs de toute la patientèle atteinte du cancer. Ce n’est toutefois pas le cas dans toutes les autres provinces, dont beaucoup ne couvrent que des utilisations limitées du séquençage de l’ADN, ou demandent aux patients de payer de leur poche.
Si les prestataires de soins de santé reçoivent des données découlant du séquençage de l’ADN, ils peuvent se servir des analyses pour prédire comment leurs patients réagiront à un médicament ou à un traitement particulier, souligne Andrea Gretchev. Ils pourront alors évaluer l’efficacité probable des différentes options, sur la base des variantes génétiques identifiées par l’analyse de l’ADN de la patiente ou du patient.
Andrea Gretchev participe actuellement à une étude menée par le gouvernement de la Colombie-Britannique afin d’examiner comment les prestataires de soins de santé de la province intègrent la pharmacogénétique dans leurs pratiques. Elle donne son avis sur la façon dont les prestataires de soins primaires réagissent lorsque les patients arrivent dans leur cabinet avec les résultats de ces tests génétiques offerts directement aux consommateurs.
Les praticiennes et praticiens peuvent désormais consulter ces tests pour déterminer si leur patiente ou patient est susceptible de bien réagir à un médicament, mais les gens doivent payer de leurs poches les tests, ce qui entraîne un traitement inéquitable. « C’est ce que le ministère de la Santé s’efforce de comprendre : comment aider les personnes qui n’ont pas accès à ces tests » explique Andrea Gretchev.
En tant qu’auteure d’un manuel en libre accès intitulé Precision Healthcare: Genomics-Informed Nursing, Andrea Gretchev est bien placée pour réfléchir aux moyens d’ajouter des éléments de génomique à la formation en soins infirmiers. L’ouvrage a été rédigé pour un cours du même nom au Collège Georgian. Elle aimerait que l’ensemble des infirmières et infirmiers soient formés à approfondir les antécédents des patients afin de prendre en compte les facteurs de risque, les effets potentiels des troubles génétiques et la façon dont on pourrait affecter les résultats en matière de santé.
« En oncologie, par exemple, il y a des cancers héréditaires et des cancers non héréditaires, explique-t-elle. Il faut creuser pour savoir s’il y a lieu d’approfondir la question. Nous devons y réfléchir dans nos évaluations, et nous devons avoir la formation pour établir ces liens. »
Chaque membre du personnel infirmier doit avoir des connaissances fondamentales en génomique, estime Andrea Gretchev, et les infirmières et infirmiers qui travaillent dans des domaines spécialisés, comme l’oncologie ou la pédiatrie, pourraient avoir besoin de connaissances plus pointues, affirme-t-elle. Son ouvrage intitulé Precision Healthcare et d’autres outils et ressources sont disponibles sur le site Web de Canadian Nursing and Genomics.
De nouveaux rôles en pratique infirmière
Dans un avenir relativement proche, Andrea Gretchev prévoit que les infirmières praticiennes et infirmiers praticiens feront partie du personnel des cliniques interprofessionnelles de génétique, où on y mènerait des évaluations et prescrirait des tests, aux côtés de conseillères et conseillers en génétique, de médecins généticiens et généticiennes, d’infirmières et d’infirmiers cliniciens spécialisés et d’autres membres du personnel infirmier titulaires d’une formation spécialisée en génomique, qui mettraient en lien les personnes atteintes de troubles génétiques avec des services et feraient participer les patients à des recherches visant à faire progresser la science.
« Il y a tellement de choses que nous pourrions faire dans ce domaine pour exercer dans la pleine mesure de notre champ d’activité », dit Andrea Gretchev à propos des infirmières et infirmiers.
Elle aimerait aussi être témoin de la création d’un organisme national qui réunirait les organisations provinciales de génomique, afin de faire pression pour une couverture plus normalisée du dépistage génétique et du séquençage de l’ADN qui sont couverts par l’assurance-maladie. Elle espère aussi que les systèmes de gestion de l’information sur la santé permettront un jour de transmettre les données électroniques d’une province à l’autre, de sorte que si une patiente ou un patient déménage, ses renseignements soient aussi transférés dans sa province ou son territoire d’adoption.
Bien que le travail pour intégrer davantage la génomique dans la pratique infirmière et les soins de santé interprofessionnels doive commencer par l’éducation, Andrea Gretchev exhorte également les équipes de direction et d’administration des systèmes de soins de santé de tout le Canada à anticiper la façon dont ce domaine modifiera les soins de santé et donnera lieu à une augmentation des demandes des patients d’adapter les traitements à leur profil génétique individuel.
Ces changements exerceront une pression encore plus forte sur une main-d’œuvre déjà très sollicitée, dit-elle. Pour alléger cette pression, « nous devons faire preuve de créativité et élaborer de nouveaux rôles pour les infirmières et infirmiers dans le domaine de la génomique. »
Dévouement pour la génomique en soins infirmiers
Outre ses fonctions en enseignement, en rédaction, en supervision ou en recherche, Andrea Gretchev s’accorde des pauses bien méritées en faisant de la voile ou de la plongée sous-marine avec son mari, Justin Brown, sur leur voilier Catalina de 36 pieds. Avec ses beaux-enfants Georgia et Peter Brown, son fils Luka Endisch et ses deux chiens rescapés, Andrea Gretchev passe le plus de temps possible à l’extérieur.
Mais une fois de retour sur la terre ferme, elle s’attelle à trouver les meilleurs moyens de faire en sorte que la génomique devienne un élément central des soins que les infirmières et infirmiers peuvent prodiguer, afin que davantage de patients puissent bénéficier du potentiel de ce domaine pour transformer les soins de santé et améliorer les résultats en matière de santé.
« Il est dans notre intérêt à contribuer, en tant qu’infirmières et infirmiers, à l’élaboration des politiques et à la définition de ces rôles, car nous nous targuons de faire partie d’une profession innovatrice et au fait des nouvelles connaissances en soins de santé », affirme Andrea Gretchev. Elle ajoute que Canadian Nursing and Genomics et l’Association canadienne des infirmières en oncologie publieront bientôt le premier document de politique nationale du Canada sur les soins infirmiers en génomique. « Il s’agit d’un domaine où le personnel infirmier peut avoir un effet considérable sur la science et la pratique. »
Laura Eggertson est journaliste indépendante à Wolfville, en Nouvelle-Écosse.
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