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Création d’un espace sûr : l’expérience vécue guide une infirmière dévouée dans la réduction des méfaits et le travail de rue

  
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« En tant que membres du personnel infirmier, je pense que nous avons toujours été collectivement très ouverts à l’idée de fournir les soins dont les gens ont besoin et qu’ils méritent, quelle que soit leur identité », déclare Alyssa Vegter

Par Laura Eggertson
24 juin 2024
Danielle Nicol
Alyssa Vegter a fondé Street Cats Night Reach, une organisation locale à Calgary qui aide les gens qui consomment des drogues et de l’alcool. « Nous nous promenons dans le centre-ville, nous intervenons en cas d’intoxication aux drogues ou nous distribuons des produits de base, y compris de la nourriture, dit-elle. Nous accompagnons ces personnes, développons des relations et les mettons en lien avec des ressources si elles en ont besoin. »

Cet article fait partie de la série La réduction des méfaits sauve des vies d’infirmière canadienne.


Tous les mercredis soirs à 19 h 30, Alyssa Vegter rassemble son équipe et des chariots remplis de nourriture, de chaussettes, de pansements et d’autres produits de soins de santé essentiels, ainsi qu’un approvisionnement de trousses de naloxone et de matériel de réduction des méfaits.

Puis Alyssa Vegter, accompagnée d’autres infirmières et infirmiers, du personnel paramédical et de bénévoles ayant une expérience vécue de la toxicomanie, est porteuse de réconfort et de soins aux personnes vivant dans les rues du centre-ville de Calgary.

« Nous nous promenons dans le centre-ville, nous intervenons en cas d’intoxication aux drogues ou nous distribuons des produits de base, y compris de la nourriture, explique Alyssa Vegter, que ses amis appellent Ally. Nous accompagnons ces personnes, développons des relations et les mettons en lien avec des ressources si elles en ont besoin. Parfois, nous laissons les gens utiliser nos téléphones pour appeler leur famille ou leur entourage afin qu’ils puissent reprendre contact. »

Ces déplacements hebdomadaires sont au cœur du travail d’Alyssa Vegter auprès de Street Cats Night Reach. Cette infirmière autorisée a fondé l’organisation locale de réduction des méfaits afin de promouvoir l’équité en matière de santé, de sensibiliser la communauté et d’autonomiser les personnes qui consomment des drogues et de l’alcool.

Elle est également infirmière responsable au seul site de consommation supervisée de Calgary, intervenante en cas de crise et fournisseur de soins de santé à la nouvelle unité mobile d’intervention en cas de crise de la ville. Parfois, les populations de patients s’entrecroisent.

Lutte pour le mieux-être

Le travail sur la consommation de substances auprès des personnes marginalisées et en situation d’itinérance vient d’un endroit profond chez Alyssa Vegter. Adolescente et jeune femme à Claresholm, en Alberta, elle a lutté pour maintenir son mieux-être mental et a consommé des drogues, notamment des substances psychédéliques, de la cocaïne et du crack.

Elle a également survécu de justesse à une relation physiquement abusive qui a commencé lorsqu’elle avait 15 ans et qui a duré jusqu’à ce qu’elle retourne chez ses parents, à l’âge de 21 ans. C’est à eux qu’elle doit le crochet de sécurité auquel d’autres personnes n’ont pas la chance de se raccrocher.

« Mes parents n’ont pas lâché prise et jamais ils ne m’ont porté un regard de culpabilité pour ce que je vivais ou pour la façon dont je gérais ce que je vivais », dit-elle.

Une fois de retour à la maison familiale, après s’être progressivement sevrée d’une substance, puis d’une autre, Alyssa Vegter est retournée à l’école et a obtenu son diplôme d’infirmière auxiliaire autorisée. Pendant 10 ans, elle a travaillé dans divers services hospitaliers, des soins actifs aux interventions chirurgicales non urgentes, tout en poursuivant ses études à temps partiel pour devenir infirmière autorisée, afin d’élargir son champ d’exercice.

Pendant tout ce temps, elle a continué à essayer de sensibiliser ses collègues à la toxicomanie et à trouver des moyens de se servir de sa propre expérience et de faire preuve de compassion pour aider celles et ceux qui, selon elle, avaient besoin d’un fournisseur de soins de santé qui ne serait pas dépassé par leur situation.

« Je peux comprendre leur expérience, car je me suis déjà retrouvée à leur place », dit-elle.

L’histoire d’Alyssa Vegter est la raison pour laquelle elle soutient les sites de consommation supervisée et adopte les pratiques de l’équipe mobile d’intervention en cas de crise dont elle fait partie qui, elle l’espère, permettront un jour aux membres de l’équipe de répondre aux appels de crise sans être accompagnés par les forces policières.

Pas d’espace sûr

Lorsqu’elle était adolescente, elle s’est sentie obligée de mentir à propos de sa consommation de substances. Cette contenance l’a également empêchée de révéler la violence familiale qu’elle subissait.

« Il n’y avait pas d’espace sûr où j’aurais pu en parler », explique Alyssa Vegter.

Heureusement, les personnes consommant des substances lui ont enseigné les rudiments, l’ont protégée et l’ont aidée, plutôt que de l’exploiter, dit-elle. Elle a été encadrée très tôt en réduction des méfaits.

Bien que son trafiquant lui ait vendu de la drogue, il a refusé qu’elle s’injecte des substances. Et au lieu d’exiger qu’elle paie sa drogue par le sexe, il lui a demandé de nettoyer sa maison et de faire la vaisselle.

« Je voulais vraiment devenir infirmière de rue et pouvoir soutenir les personnes qui m’ont maintenue en vie, dit-elle. Ils m’ont appris ce que je devais savoir pour rester en sécurité. »

Aujourd’hui, Alyssa Vegter s’efforce de créer cet espace sûr pour les patients et les clients avec lesquels elle travaille, quel que soit l’endroit où elle les rencontre ou leur état de santé. C’est particulièrement important lors des appels d’intervention en cas de crise.

Au début de l’année, elle s’est assise pendant trois heures à l’extérieur d’une clinique de santé avec une jeune personne queer, parlant de « tout et de rien » tout en établissant une relation de confiance suffisante pour que cette personne lui révèle son plan de suicide. Après avoir évoqué des solutions de rechange, Alyssa Vegter a pu convaincre cette personne de se rendre à l’hôpital et d’y chercher du soutien de son plein gré. Plus tard, elle et un autre membre de l’équipe sont restés auprès de cette personne.

« Ce qui est unique dans ce cas, c’est que nous avons pu nous asseoir à l’hôpital avec cette personne pendant qu’elle attendait d’être examinée, explique Alyssa Vegter. Nous avons créé un sentiment de sécurité et de transition chaleureuse en ne nous contentant pas de la déposer à l’hôpital ou de l’amener menottée, qui lui aurait donné l’impression d’être une bête de cirque ».

Les relations sont essentielles

À une autre occasion, elle et son équipe ont passé six heures auprès d’une femme soumise au trafic sexuel. Ils l’ont écoutée, soutenue et défendue pendant qu’elle signalait sa situation aux forces policières. La femme a réussi à se faire prendre au sérieux par la police, alors que sa plainte avait été rejetée à plusieurs reprises.

Ensuite, Alyssa Vegter et son équipe d’intervention en cas de crise ont coordonné leurs efforts avec une autre organisation pour trouver un logement sûr et des ressources pour cette cliente.

Pour Alyssa Vegter, la base de sa pratique consiste à établir des relations de confiance, tout en rencontrant les gens là où ils en sont dans leur vie. S’asseoir et écouter quelqu’un parler en fumant une cigarette, lui donner des chaussettes chaudes ou une tasse de café est aussi important que de lui enseigner la respiration artificielle ou de panser une plaie ulcérée, selon elle.

C’est pourquoi elle a créé Street Cats, qui fonctionne grâce à des bénévoles (y compris des personnes qui consomment encore des substances), à des dons et à la vente des œuvres d’art qu’elle et son partenaire Chris Mascorro, ainsi que d’autres sympathisants, réalisent. En plus de sa tournée hebdomadaire, Street Cats organise un brunch une fois par moi dans différents parcs et distribue du matériel de réduction des méfaits lors de concerts punk et alternatifs.

Si l’un des membres de la communauté est en prison, l’équipe l’aide à payer sa caution ou le met en lien avec des services de soutien.

« Dans ma jeunesse, j’ai été témoin d’un grand nombre de soins communautaires dans un monde clandestin, et j’en vois encore beaucoup aujourd’hui, explique Alyssa Vegter. En tant que membres du personnel infirmier, je pense que nous avons toujours été collectivement très ouverts à l’idée de fournir les soins dont les gens ont besoin et qu’ils méritent, quelle que soit leur identité. »

La perte est un élément majeur du travail d’Alyssa Vegter, notamment la perte de membres de la communauté qui meurent dans la rue à la suite d’intoxication aux drogues. C’est une lutte constante pour se ressourcer suffisamment afin d’éviter l’épuisement professionnel et pour soutenir son équipe.

Elle n’a pas beaucoup de temps pour décompresser ou pour profiter de ses temps libres.

« C’est difficile pour l’équipe de traverser cette période de deuil », dit-elle.

Malgré tout, Alyssa Vegter trouve du réconfort dans les messages Instagram qu’elle rédige et dans le dessin par collage, ainsi que dans le temps qu’elle passe avec Chris Mascorro et ses deux chats, Emma et Lucy. Puis, elle se remet au travail.

« Je dois une grande partie de mon processus de guérison à Street Cats, et aux relations que nous établissons la nuit venue. »


Laura Eggertson est journaliste indépendante à Wolfville, en Nouvelle-Écosse.

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