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Comment une décision a changé ma vision de ma carrière et pourquoi je n’en ai aucun regret.
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Au sein de la population carcérale, il y a les personnes qui, à la suite d’un concours de circonstances malheureuses et de certaines mauvaises décisions, se sont retrouvées incarcérées. Le personnel infirmier avait pour instruction de ne pas examiner les accusations portées contre les détenus, de crainte que cela n’influe sur notre capacité à offrir des soins.
En tant qu’infirmière comptant près de vingt ans d’expérience et titulaire d’une poignée de diplômes divers, j’ai eu le privilège d’avoir une carrière bien remplie d’occasions uniques, dont du travail à l’étranger en Amérique centrale et en Afrique de l’Est, ainsi qu’un séjour au-dessus du cercle polaire arctique dans des communautés inuites éloignées. Je compte également une vaste expérience en soins actifs et j’ai enseigné dans des établissements d’enseignement supérieur.
Ryan Heatherington Keys
« Si vous vous retrouvez, comme je l’ai été, dans un environnement de travail qui vous empêche d’être authentique, je vous encourage à croire en vous et à envisager de trouver autre chose qui vous satisfait », explique Ashley Holloway.
Outre une dette d’études importante qui me prendra encore dix ans à rembourser, ces expériences combinées m’ont aussi permis de mieux comprendre les gens, mais pas seulement les gens, la façon aussi dont le contexte dans lequel ils se trouvent dicte souvent les choix qu’ils font ainsi que la disponibilité des choix qui leur sont offerts.
Forte de ces connaissances, j’ai décidé il y a quatre ans de travailler en milieu carcéral. Enthousiasmée par la possibilité d’avoir une influence sur des personnes qui, selon moi, avaient besoin d’un peu d’empathie (et estimant que j’avais assez de compétences et d’expérience pour les aider) je me suis lancée à corps perdu dans ce travail. Malgré mes années d’expérience en pratique infirmière et la liste des titres de désignations à la suite de mon nom, je n’étais pas du tout préparée à ce qui allait suivre.
Crises de santé mentale et de toxicomanie
Non seulement les toxicomanies sont répandues dans la population carcérale, mais les maladies mentales le sont autant. Aucun membre de la population canadienne qui suit l’actualité n’est à l’abri des récits sur les crises croissantes de santé mentale et de toxicomanie, mais le fait de les voir en personne sous leur forme la plus brute m’a fait prendre conscience d’une réalité que je n’avais pas anticipée.
Au sein de la population carcérale, il y a les personnes qui, à la suite d’un concours de circonstances malheureuses et de certaines mauvaises décisions, se sont retrouvées incarcérées. Le personnel infirmier avait pour instruction de ne pas examiner les accusations portées contre les détenus, de crainte que cela n’influe sur notre capacité à offrir des soins. En toute franchise, cela me convenait parfaitement.
S’il y avait des détenus que le personnel infirmier et les agents de correction connaissaient de vue en raison de leurs « admissions » répétées, il y avait aussi des détenus qui n’avaient jamais eu de démêlés avec le système judiciaire. Je vous garantis que pas un seul de ces hommes ne s’est réveillé ce matin-là en s’imaginant aller passer leurs nuits dans une prison.
Je me souviens parfaitement de la soirée où j’ai décidé de quitter mon emploi à la prison. Je travaillais de soir et, malgré une population de plus de 500 détenus, il n’y avait que quelques membres du personnel infirmier en poste. Ce quart de travail n’était pas différent. Après la première moitié du quart de travail, une des unités a fait un appel signalant qu’un détenu traversait une crise de santé mentale et menaçait de s’automutiler. Dans de tels cas, la procédure habituelle consistait à amener le détenu à la clinique, accompagné par deux agents de correction, où l’infirmière ou l’infirmier procède à une évaluation et décide des prochaines étapes. Ces mesures consistaient généralement à renvoyer le détenu dans sa cellule une fois qu’il était jugé être en sécurité ou à le transférer dans la zone de haute observation, où il était isolé et surveillé 24 heures sur 24. L’idée était d’assurer une surveillance continue et d’éviter que le détenu ne se blesse ou ne blesse quelqu’un d’autre.
Ce soir-là, le détenu a été amené à la clinique et, ayant un moment de libre, j’ai procédé à l’évaluation. J’ai vite réalisé que mon rôle n’était pas d’essayer de l’aider; mais plutôt de décider s’il était vraiment sérieux dans ses intentions d’automutilation.
Au début de la trentaine, avec une jeune famille à la maison, l’histoire que ce détenu m’a racontée sur la façon dont il s’est retrouvé en prison m’a vraiment déchiré l’âme. En résumé, il était sur la voie d’un mode de vie sain lorsque, par une série d’événements survenus au mauvais endroit et au bon moment, il a été surpris par la police en possession de drogues. Même s’il était en train de se débarrasser de la drogue au moment de son arrestation, ses antécédents judiciaires ont aggravé la situation, et l’ont conduit en prison. Dans une société qui n’est pas habituée aux manifestations d’émotions masculines, son angoisse et son désespoir authentiques, alors qu’il était assis en sanglotant devant moi, étaient très déconcertants. Je l’ai donc pris dans mes bras. Ce qui s’est passé ensuite a changé la trajectoire de ma carrière.
Chaque quart de travail est devenu une bataille
Dès que je l’ai pris dans mes bras, j’ai senti l’air changer dans la pièce. Bien que je pense qu’une accolade était exactement ce dont il avait besoin à ce moment-là, cette accolade m’a transformé en paria. Je n’étais plus la « nouvelle infirmière », mais aussi « la colleuse de détenus ».
À partir de ce jour, chaque quart de travail a été une bataille. En tant que membres du personnel infirmier, nous ne pouvions pas nous déplacer dans le bâtiment, par n’importe quelle porte, à moins que l’un des agents de correction contrôlant les serrures ne les ouvre pour nous. Pour moi, l’attente était souvent interminable. Il s’agissait d’une manœuvre passive agressive visant à me remettre à ma place, au sens propre comme au sens figuré. Il y avait des chuchotements et de mauvais regards, et pas seulement de la part des agents de correction, mais aussi de mes collègues en soins infirmiers.
Oui, je suis tout à fait consciente que mes actions auraient pu me mettre en danger, ce qui, à son tour, a mis d’autres personnes en danger. Je suis née la nuit, mais je ne suis pas née la nuit dernière. Cependant, après de nombreuses années d’expérience au contact des gens, j’ai utilisé mon jugement professionnel pour évaluer la situation, et j’ai pris une décision. Si j’étais confrontée à nouveau à la même situation, je prendrais probablement la même décision.
J’ai quitté la prison peu de temps après pour travailler ailleurs. L’environnement de travail avait évolué de façon insoutenable et je me suis rendu compte que j’avais des pouvoirs limités pour aider réellement les gens dans ce rôle. Si vous vous retrouvez, comme je l’ai été, dans un environnement de travail qui vous empêche d’être authentique, je vous encourage à croire en vous et à envisager de trouver autre chose qui vous satisfait.
J’ai compris que pour changer les choses, pour avoir une influence positive sur les gens, les familles et les communautés, je devais être hors du système. Je me retrouve aujourd’hui à enseigner les compétences de leadership en soins de santé, où j’ai la possibilité de transmettre mes connaissances et mon expérience de façon à promouvoir l’empathie et la compréhension. Même si je ne ressentirai jamais, espérons-le, la sensation d’être de l’autre côté des murs d’une cellule, j’apprécie le fait qu’avant de pouvoir marcher dans les souliers d’une autre personne, il faut d’abord se déchausser.
Ashley Holloway, inf. aux. aut. M. Santé publique, G.Dip. GBLD, CD, est infirmière, rédactrice et éditrice. Elle enseigne la rédaction et la gestion des services de soins de santé à Calgary et est directrice de la rédaction à Unleash Creatives.
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