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Le côté pratique de la recherche

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2015/10/05/the-practical-side-of-research

Trois dirigeantes de groupes de recherche de pointe parlent de l’originalité et de l’importance des recherches menées par les infirmières et infirmiers et expliquent comment renforcer la capacité et accroître la visibilité de la recherche et de l’usage qui en est fait dans la pratique clinique quotidienne

oct. 05, 2015

Nancy Edwards, inf. aut., Ph.D., FCAHS
Directrice scientifique
Institut de la santé publique et des populations
Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC)

Caroline Porr, BScN, RN, MN, PhD
Présidente
Association canadienne pour la recherche infirmière (ACRI)
(avec des contributions des présidentes sortantes, Caroline Park, Ph.D., M. Ed., inf. aut., et Joanne Profetto-McGrath, Ph.D., inf. aut.)

Christine Rieck Buckley, inf. aut., M. Sc. inf.
Directrice générale
Fondation des infirmières et infirmiers du Canada (FIIC)

Sur quoi se concentre habituellement la recherche infirmière? En quoi se distingue-t-elle?

Mme Edwards : Les infirmières et les infirmiers s’attaquent à de multiples questions de recherche, qui sont influencées par leur pratique et leur point de vue sur les politiques. Leurs recherches cliniques portent sur les pratiques cliniques (par ex., quelles pratiques en matière d’alimentation, de bains et de soins du soir amélioreraient le sommeil des résidents d’établissements de soins de longue durée atteints de démence et réduiraient leur agitation?). Les recherches sur le système de santé portent sur l’organisation des soins et la prestation des services (par ex., les équipes de soins intégrées avec des aiguillages à l’initiative du personnel infirmier peuvent-elles faciliter l’accès rapide à des soins à domicile et la qualité de vie des patients atteints de maladie chronique et de leurs aidants?). Quant aux recherches en santé publique, elles concernent les déterminants sous-jacents de la santé et les interventions (en santé, entre autres) qui contribuent à la santé des populations (par ex., est-ce que fournir un logement décent et abordable réduit les taux de réadmission pour les personnes atteintes de maladie mentale?). Beaucoup de recherches sont entreprises par des équipes interdisciplinaires dont l’éventail de connaissances et d’expérience leur permet de comprendre des problèmes difficiles.

ACRI : La recherche infirmière se penche sur tous les domaines de la santé et des soins aux malades. Elle cherche aussi à mieux préparer les étudiants à composer avec la complexité des milieux de pratique des soins de santé actuels. Il arrive aussi qu’elle porte sur des questions au croisement de l’administration et du leadership. Elle ne diffère pas, d’un point de vue méthodologique, de la recherche menée par d’autres professionnels de la santé, mais elle fait entendre le point de vue de la profession infirmière, sur des soins holistiques centrés sur le patient par exemple, dans de nombreuses équipes de recherche interdisciplinaires. La recherche infirmière se concentre enfin sur l’opinion et les points de vue des patients, des familles et des collectivités.

Mme Rieck Buckley : La recherche infirmière est axée sur les soins de qualité aux malades et sur les résultats pour la santé, y compris des moyens de freiner la progression des maladies, d’améliorer l’expérience des patients et d’aider les malades à mieux se tirer d’affaire dans leur communauté – autant d’éléments essentiels pour des soins de santé sûrs et de qualité. L’accent est mis sur la santé plutôt que sur la maladie, en regardant au-delà des patients pour tenir compte aussi de leur famille et de leur communauté.

Pourquoi la recherche infirmière est-elle importante pour la profession et pour les infirmières et infirmiers soignants ordinaires?

Mme Edwards : La recherche est un moyen essentiel pour accroître la qualité des soins infirmiers, à l’hôpital comme dans la communauté. La recherche nous concerne tous : le personnel infirmier, les patients, leur famille et leurs aidants, de même que la société en sont les bénéficiaires. Dans tous les domaines de la pratique infirmière, la recherche détermine et oriente l’amélioration des soins et des résultats sur la santé. Le traitement des plaies de pression, l’utilisation des aides à la décision, les pratiques en matière de counseling, les soins néonatals et l’accès aux services des populations vulnérables en sont des illustrations.

Les recherches doivent être évaluées de façon critique, contextualisées et mises en pratique. Tous les professionnels de la santé peuvent le faire en se tenant informés des recherches publiées sur les sujets qui les concernent. Clubs de lecture, séminaires et conférences offrent des moyens de contribuer et d’apprendre au contact des autres. Les lignes directrices de pratique clinique proposent des méthodes systématiques pour assembler des données sur des problèmes précis, et l’examen systématique des recherches détermine la qualité des études originales et des conclusions qui reflètent la solidité des données probantes pour la question à l’étude. Cochrane et The Campbell Collaboration publient régulièrement des revues d’intérêt pour les fournisseurs de soins de santé. Le Joanna Briggs Institute se concentre sur les critiques pertinentes pour les soins infirmiers, et HealthEvidence.org est une excellente source pour des critiques systématiques, en particulier en matière de promotion de la santé et de santé communautaire.

Les infirmières et les infirmiers qui travaillent principalement en pratique clinique ont parfois l’occasion de participer à des projets de recherche, une excellente manière de guider la recherche et de réfléchir aux implications des résultats pour la pratique. Ils peuvent également encourager la participation des patients et des fournisseurs de soins aux recherches. Les stratégies d’engagement des citoyens, comme celle des IRSC présentent de très nombreuses façons pour les clients et les fournisseurs de soins de contribuer à la recherche et d’améliorer ses retombées potentielles.

ACRI : Étant donné les responsabilités et le rôle particuliers du personnel infirmier, certaines facettes de son travail bénéficient des recherches portant spécifiquement sur les soins infirmiers. Comme la pratique infirmière est guidée par des données probantes, la recherche infirmière doit découvrir les meilleures façons de favoriser la santé et le bien-être, et les plus à jour. De plus, étant donné l’accent mis sur les équipes multidisciplinaires dans le système de soins de santé, il est encore plus important de chercher les meilleurs moyens de préparer tout le personnel infirmier en l’aidant à acquérir les compétences en relations interpersonnelles et en gestion que requiert le travail d’équipe.

Mme Rieck Buckley : Les infirmières et infirmiers fournissent des soins et font preuve d’expertise dans les foyers, les refuges et les établissements de soins, en milieu urbain comme en milieu rural ou éloigné. Ils assurent une surveillance constante dans les soins tertiaires et les soins de longue durée; au sein des équipes de santé, ils sont essentiels pour comprendre les besoins des gens et y répondre dans tout le continuum des soins : promotion de la santé, prévention des maladies et soins actifs, chroniques, de longue durée et palliatifs. Lorsqu’il s’agit de comprendre et de mettre en place de meilleurs modèles de soins, leur capacité d’investigation et leurs opinions d’experts sont déterminantes pour promouvoir des soins abordables et de qualité. Par exemple, la récipiendaire d’un prix au niveau de la maîtrise étudie la résilience du personnel infirmier dans les milieux de travail hostiles pour concevoir un cadre théorique qui l’aiderait à s’épanouir au travail et à faire front dans des conditions de travail stressantes.

Comment le personnel infirmier augmente-t-il sa capacité de recherche?

Mme Edwards : Augmenter la capacité d’effectuer des recherches et de les utiliser est nécessaire si l’on veut avoir un système solide de production de connaissances, et l’amélioration des soins infirmiers passe par l’exploitation de cette capacité. La capacité de recherche augmente constamment au fil d’une carrière. Les objectifs d’apprentissage devraient tenir compte de la recherche et miser sur des apprentissages formels et informels. Pendant les études de premier cycle en science infirmière, on apprend les notions de base de la recherche et comment examiner et interpréter les recherches. Certains décident de se perfectionner en recherche dans des programmes d’études de deuxième ou de troisième cycle. On peut renforcer ses compétences de recherche en lisant des revues spécialisées, en contribuant à l’élaboration et à la mise en application de lignes directrices, en utilisant des ressources en ligne, en participant à des examens par des pairs et en collaborant à des projets de recherche. Les revues spécialisées peuvent jouer un rôle important dans la communication des conclusions de recherches au personnel infirmier et en signalant des problèmes liés à la pratique ou aux politiques sur lesquels des recherches sont nécessaires.

ACRI : Le renforcement de la capacité commence au niveau du baccalauréat, où les étudiants suivent des cours en rapport avec la recherche infirmière. Divers programmes, comme les bourses de stages d’été et les assistanats de recherche, favorisent la participation des étudiants à la recherche. De plus en plus d’entre eux obtenant une maîtrise ou un doctorat, la capacité va croissante. Les programmes de formation très axés sur la recherche contribuent à l’accroissement de la capacité. Il en est de même des appels de candidatures des organismes de financement de la recherche pour des bourses de synthèse des recherches, ceux-ci stipulant une collaboration avec les patients, les communautés et les autres utilisateurs des connaissances, le personnel infirmier de première ligne par exemple. Le financement par l’intermédiaire des IRSC, de la FIIC et d’autres organismes aide les infirmières et infirmiers à accroître leur capacité.

Mme Rieck Buckley : Pour la FIIC, les tendances et les pressions qui touchent le réseau de la santé, en particulier la pénurie de professionnels, augmentent d’autant l’importance des efforts de recherche infirmière au sein d’équipes multidisciplinaires pour rehausser la qualité des soins. Il est primordial d’examiner et de promouvoir des pratiques de soins novatrices qui soient adaptées aux besoins de la population et du système de santé tout en jetant les bases nécessaires pour des études éventuelles fondées sur la pratique. L’application d’un modèle holistique de soins exige que soit tenu en compte le point de vue des patients et des familles sur la santé.

Les organismes de financement donnent-ils une valeur différente à la recherche infirmière et aux autres types de recherches en santé?

Mme Edwards : Les organismes de financement ont des critères similaires pour l’évaluation des propositions de recherche. Les invitations à soumettre une demande de subvention précisent habituellement les critères d’évaluation qui seront appliqués. Comme pour toutes les autres disciplines professionnelles, l’infirmière ou l’infirmier qui présente une demande comme chercheur principal doit convaincre ses pairs chargés de l’évaluation que son sujet est pertinent, que l’équipe de recherche a les compétences et l’expérience nécessaires pour mener le projet à bien et que les méthodes proposées sont sérieuses. Lorsqu’ils présentent une demande aux IRSC, les chercheurs peuvent proposer des méthodes qualitatives, quantitatives ou une combinaison des deux. Les méthodes proposées doivent correspondre au sujet de recherche. L’organisme de financement choisira des pairs examinateurs qui disposent de l’expertise nécessaire (en matière de méthode et de contenu) pour étudier les demandes de subvention.

ACRI : Cela dépend de l’organisme et de sa mission. Bien évidemment, la FIIC finance exclusivement des infirmières et des infirmiers.

Mme Rieck Buckley : La FIIC finance des recherches cliniques en soins infirmiers qui visent à augmenter la capacité de recherche et à améliorer les soins aux patients et les résultats pour la santé. Nous nous employons à accroître les connaissances et la capacité de recherche, à appuyer des politiques fondées sur des données probantes et à favoriser l’élaboration et la diffusion de pratiques exemplaires pour l’amélioration des soins de santé. Les demandeurs de subvention doivent montrer que la recherche est basée sur la pratique et produit de nouvelles connaissances aux applications multiples. Il est également important de proposer un plan de diffusion qui permettra de toucher des infirmières et infirmiers en activité et d’avoir au sein de l’équipe de recherche des membres qui sont bien placés pour influer sur la pratique clinique. En finançant des bourses de maîtrise et de doctorat, la FIIC offre un appui à long terme à la recherche infirmière. Rien que cette année, elle a pu soutenir les recherches ou les études supérieures de 30 infirmières et infirmiers, déboursant à cette fin près de 250 000 $. Par ailleurs, la FIIC offre, en partenariat avec d’autres organisations, des subventions sur un an ou plus à des infirmières et des infirmiers qui étudient un large éventail de problèmes de santé allant des soins aux aînés au soutien d’adolescents atteints de maladie mentale.

Que peut-on faire pour accroître la visibilité de la recherche infirmière?

ACRI : Infirmières et infirmiers diffusent les résultats de leurs recherches de diverses façons : articles revus par les pairs, manuels, conférences, etc. Ils sont membres d’un grand nombre d’organisations, de conseils et de comités locaux, provinciaux, nationaux et internationaux et, dans ces rôles, ils communiquent des données probantes pour guider ces différents groupes. Dans ces forums et dans leur pratique quotidienne, ils doivent continuer à prôner une pratique fondée sur des données probantes et à travailler avec un éventail d’intervenants, y compris des gouvernements, pour faire connaître les résultats de recherche susceptibles d’éclairer les politiques.

Mme Rieck Buckley : La FIIC encourage les chercheurs à collaborer avec les organismes communautaires, les hôpitaux et les organisations de santé alliées pour augmenter la contribution de leur profession aux soins de santé. Lorsqu’il collabore avec les décideurs et les responsables des politiques, le personnel infirmier rend la recherche plus visible et plus utilisable.

Comment peut-on faire en sorte que les résultats de recherche soient utilisés dans la pratique?

ACRI : La science de l’application des connaissances est enseignée dans les cours sur la recherche, et les étudiants des cycles supérieurs étudient les meilleures façons d’améliorer l’utilisation des connaissances, c’est-à-dire l’adoption des conclusions de la recherche. Le but de l’ACRI est de favoriser la pratique infirmière reposant sur la recherche et la recherche infirmière reposant sur la pratique.

Mme Rieck Buckley : La FIIC contribue à des soins de santé de calibre mondial au Canada par l’amélioration des connaissances et de pratiques novatrices fondées sur la recherche pour contribuer à la qualité des soins aux patients et des résultats pour la santé. Grâce à des partenariats stratégiques, comme dans le cas d’un des prix qu’a décernés la FIIC à un doctorant, on a entrepris une étude des lacunes dans les soins aux patients atteints d’un cancer, en collaboration avec des chefs de file de la santé sur les scènes locale, nationale et internationale. Les difficultés que doit surmonter le personnel infirmier, les possibilités qui lui sont offertes et son rôle dans la promotion de l’équité en santé ont entre autres été discutés. Les résultats des recherches ont été intégrés dans le plan stratégique de l’Association canadienne des infirmières en oncologie. L’élaboration et l’application à grande échelle dans la pratique des solutions rentables et de qualité au moyen de partenariats de collaboration et de démarches communautaires améliorent l’accès aux soins et la qualité des résultats pour la santé, pour tous les Canadiens et pour leurs communautés.

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