https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2025/12/15/postpartum-follow-up-in-canadian-provinces
Découvrez comment la transition de l’hôpital à domicile permet de mettre en lien les familles avec les ressources partout au pays
Par Rebecca Haber, Meghan Martin, & Michelle Urbina-Beggs
15 décembre 2025
istockphoto.com/ljubaphoto
Le suivi postnatal est l’occasion pour les infirmières de cerner les risques ou les vulnérabilités des nouvelles mères et du nouveau-né, et d’offrir du soutien supplémentaire en santé publique au besoin.
Contexte
Au Canada et à l’étranger, la durée du séjour à l’hôpital après l’accouchement a considérablement diminué au cours des dernières décennies (Lemyre et coll., 2018). En raison de la sortie précipitée de l’hôpital des nouvelles mères, les autorités sanitaires ont commencé à les contacter à la suite de l’accouchement pour veiller à leur sécurité, ainsi qu’à celle de leur nouveau-né, et s’informer sur leur transition vers la maison. L’Organisation mondiale de la Santé (2022) recommande un minimum de quatre contacts de soins postnatals dans les six semaines après l’accouchement. Cependant, il n’y a pas d’orientation nationale au Canada sur la façon dont ces contacts devraient être effectués.
Dans cette analyse environnementale, nous examinons les pratiques de santé publique en matière de soutien postnatal dans les provinces canadiennes pour comprendre comment les contacts postnatals universels se font dans l’ensemble du pays.
Méthodologie
Nous avons interrogé 29 représentantes et représentants de la santé publique de neuf provinces et examiné des sites Web et des documents sur le suivi postnatal de 10 provinces. Les documents examinés comprenaient des protocoles, des lignes directrices et des rapports d’évaluation.
L’information recueillie a été analysée et résumée pour décrire le suivi postnatal en santé publique dans les provinces canadiennes, y compris les pratiques et les préoccupations courantes, ainsi que la façon dont le suivi postnatal se situe dans le continuum de soins périnatals (télécharger l’annexe pour plus de détails).
Nous nous concentrons sur les services de santé publique offerts à toutes les familles dans les premiers jours suivant l’accouchement (p. ex. les services universels). Nous incluons certains renseignements sur les services ciblés (p. ex. ceux qui ne sont offerts qu’à certaines familles en fonction de critères) et les services offerts plus tard au cours de la période post-partum, principalement dans la mesure où ils sont liés au premier suivi post-partum offert par la santé publique.
Résultats
Modèles de suivi postnatal universel
Chaque province canadienne offre un suivi postnatal à toutes les familles. La façon dont le contact est établi et par quelle personne il est établi varie d’un bout à l’autre du pays (voir tableau 1).
Tableau 1 : Modèles de suivi postnatal universel dans les provinces canadiennes
| Modèle de suivi postnatal universel* |
Province |
| Contact en personne à l’hôpital |
Ontario, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse |
| Appel téléphonique |
Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador |
| Visite à domicile, visite en clinique ou appel téléphonique (méthode choisie en fonction des facteurs de la cliente) |
Alberta |
| Appel téléphonique et visite à domicile |
Manitoba, Québec, Île-du-Prince-Édouard |
| Contact en personne à l’hôpital, appel téléphonique et visite à domicile |
Saskatchewan |
*Le suivi universel est défini comme un service offert à toutes les familles.
L’objectif pour chaque province ou territoire est de contacter les nouvelles mères dans les 24 à 72 heures après l’accouchement. Parmi les provinces où une visite à domicile suit un appel téléphonique, le Québec et l’Île-du-Prince-Édouard effectuent la visite à domicile dans les 72 heures et le Manitoba dans la semaine qui suit. La Saskatchewan prévoit la visite à domicile dans les 24 à 48 heures pour la clientèle présentant un risque de santé plus élevé. Bien que les modèles de suivi énumérés ci-dessus soient universels pour la province, il peut y avoir des variations dans la pratique en raison de contraintes en matière de ressources humaines ou de difficultés à atteindre la clientèle.
Dans presque tous les cas, le suivi est assuré par une infirmière en santé publique. Dans certaines provinces ou certains territoires, le service de santé publique ne contacte pas les femmes qui sont suivies par une sage-femme dans les premiers jours de la période post-partum, car les sages-femmes fournissent des soins post-partum dès l’accouchement. En outre, certaines unités de santé publique de l’Ontario ont formé des infirmières en milieu hospitalier pour qu’elles procèdent à l’évaluation postnatale à l’hôpital.
Objectif et contenu du suivi postnatal
Les provinces canadiennes ont recours au contact de suivi postnatal pour faciliter la transition entre l’hôpital et les services communautaires et pour veiller à la sécurité et à la stabilité de la mère et du nouveau-né. Au cours du suivi, les infirmières peuvent procéder à un bref dépistage ou à une évaluation plus approfondie (voir tableau 2.) Les résultats du dépistage ou de l’évaluation permettent de déterminer si des services supplémentaires sont offerts à la cliente.
Tableau 2 : Services offerts pendant le suivi postnatal dans les provinces canadiennes
| Service offert |
Province |
| Dépistage universel (pour les femmes à risque à qui l’on propose d’autres évaluations et services) |
Saskatchewan, Ontario et Nouvelle-Écosse |
| Évaluation et dépistage universels (pour les femmes à risque à qui l’on propose d’autres services) |
Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Québec, Île-du-Prince-Édouard, Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador |
Les infirmières travaillent dans le but d’autonomiser les nouvelles mères en leur offrant une formation et des conseils sur les soins à s’administrer et à administrer à leur nouveau-né, y compris sur le moment où il convient de chercher à obtenir d’autres soins de santé, et en les orientant vers des ressources, des soins primaires et des services communautaires. Le suivi postnatal est l’occasion pour les infirmières de cerner les risques ou les vulnérabilités des nouvelles mères et du nouveau-né, et d’offrir du soutien supplémentaire en santé publique au besoin.
Le dépistage et l’évaluation postnatals sont fondés sur des outils provinciaux ou régionaux qui définissent les questions ou les sujets à aborder avec les nouvelles mères. Au nombre des sujets les plus souvent abordés :
- grossesse et accouchement (p. ex. poids à la naissance, soins prénatals, complications pendant le travail et l’accouchement)
- santé maternelle ou parentale (p. ex. santé mentale, toxicomanie, accès aux soins primaires)
- situation psychosociale et sociale (p. ex. sensibilisation, soutien social, âge de la mère)
- relations (p. ex. lien maternel avec le nouveau-né, détresse ou violence dans les relations)
- santé maternelle et néonatale (p. ex. rétablissement post-partum, pleurs et comportement du nourrisson, alimentation du nourrisson, risque de troubles de développement)
- adaptation au rôle parental
- environnement familial
Soins postnatals continus
Il n’y a que quelques provinces et territoires où les infirmières en santé publique offrent des soins universels au-delà du suivi postnatal initial. Il peut s’agir d’un appel téléphonique entre trois et huit semaines après l’accouchement ou d’une évaluation de la santé de l’enfant à 18 mois.
Dans la plupart des provinces ou territoires, le soutien et l’orientation en santé publique au-delà du premier contact postnatal universel sont ciblés en fonction des préoccupations identifiées par l’infirmière ou la famille au moyen du dépistage et de l’évaluation postnatals. Dans bien des provinces, ce soutien est personnalisé pour chaque famille. En outre, plusieurs provinces proposentdes programmes officiels de visites à domicile jusqu’à ce que l’enfant soit âgé de 2 ou 3 ans ou commence l’école, dispensés par les services de santé publique, d’autres ministères ou le secteur communautaire.
L’ensemble des provinces et territoires ont noté que les familles peuvent s’adresser elles-mêmes aux services de santé publique. Certaines provinces ou certains territoires offrent des services postnatals tels que le soutien à l’allaitement des nourrissons, des programmes et ateliers sur le rôle parental et le dépistage des troubles de développement. De nombreux bébés sont examinés par les services de santé publique pour leur vaccination à deux mois, et les familles peuvent recevoir du soutien supplémentaire ou faire l’objet d’une orientation à ce moment-là.
Questions et préoccupations courantes dans le cadre du suivi postnatal
Bien que toutes les provinces aient établi des méthodes pour assurer le suivi postnatal, la plupart d’entre elles ont mentionné éprouver des difficultés pour gérer la charge de travail du personnel afin de mener à bien les tâches dans les délais impartis. Il a parfois été nécessaire de procéder à des adaptations lorsque le volume des services dépassait la capacité du personnel.
Les participantes aux entrevues ont souligné l’importance du soutien disponible pour les populations prioritaires (p. ex. les mères présentant un risque en fonction de facteurs psychosociaux et de déterminants sociaux de la santé, celles qui n’ont pas de prestataire de soins primaires, celles qui ont reçu leur congé de l’hôpital trop tôt, et les mères venant d’accoucher de leur premier enfant). Ces facteurs peuvent affecter le degré d’urgence du suivi, la méthode de suivi et le soutien supplémentaire au-delà de l’évaluation ou du dépistage initial.
Les participantes aux entretiens ont aussi évoqué la nécessité de trouver un équilibre entre le recours aux outils d’évaluation et de dépistage afin de garantir une formule de prestation de services inclusive, centrée sur la clientèle et tenant compte des traumatismes. Les outils universels permettent de garantir la validité et la fiabilité des évaluations et de soutenir la surveillance de la santé de la population. En même temps, les infirmières doivent faire appel à leur jugement professionnel pour déterminer quand les outils universels sont utiles et quand ils peuvent involontairement nuire à la cliente.
Évaluations des programmes de suivi postnatal
La plupart des provinces et territoires n’ont pas réalisé d’évaluations formelles de leurs programmes de suivi postnatal. Toutefois, le Québec et l’Ontario ont entamé le travail dans ce domaine.
En 2016, l’Institut national de santé publique du Québec a mené une étude et formulé des recommandations sur le suivi postnatal (Gamache et Poissant, 2016). Les auteures ont constaté qu’un suivi rapide après l’accouchement à l’hôpital et une évaluation postnatale universelle sont des pratiques largement reconnues. Les éléments favorables au suivi postnatal comprennent la collaboration entre les hôpitaux et les services de santé communautaires, ainsi que des lignes directrices fondées sur des données probantes pour une mise en œuvre adaptée au contexte local ou organisationnel.
Un rapport de 2023 explorant l’expérience des unités de santé de l’Ontario dans la mise en œuvre du programme Bébés en santé, enfants en santé a révélé un fort consensus sur le maintien du dépistage postnatal universel, y compris le recours aux services d’infirmières de liaison pour le dépistage en milieu hospitalier et d’un outil de dépistage postnatal (Jack et coll., 2023).
Conclusion
Le suivi postnatal est un cas unique où les organisations de santé publique atteignent presque chaque nouvelle mère et son bébé. Bien que les évaluations formelles du suivi postnatal au Canada soient limitées, nos résultats indiquent que ce service universel est bénéfique. Le suivi postnatal favorise la transition entre l’hôpital et le domicile, met les familles en contact avec les ressources et génère des données sur la santé de la population. Il est aussi important pour assurer la sécurité et la stabilité de la mère et du nouveau-né dans un contexte d’accès limité aux prestataires de soins primaires et de sortie précoce de l’hôpital. Le suivi postnatal doit être guidé par des outils normalisés tout en permettant des soins centrés sur la personne.
Les contraintes en matière de ressources humaines obligent les organisations de santé publique à fournir un service universel et à offrir un soutien personnalisé aux familles qui en bénéficieraient le plus. Les organisations devront peut-être explorer d’autres modèles, tels que les soins téléphoniques ou virtuels pour les familles présentant un faible risque. Cela pourrait permettre aux organisations de maintenir le service universel, tout en proposant des moyens d’améliorer les services offerts aux populations prioritaires. La collaboration entre les soins aigus et la santé publique peut aussi favoriser l’offre de soins postnatals efficaces en veillant à ce que les familles puissent se prévaloir des ressources appropriées à la sortie de l’hôpital, en améliorant la communication entre les prestataires de soins et en identifiant les familles qui ont besoin de plus de soutien ou d’une intervention accrue.
Les services de santé publique auraient intérêt à pousser davantage les recherches et les évaluations pour déterminer les modèles de suivi qui seraient les plus efficaces pour chaque population.
Références
Gamache, L. et Poissant, J. « Avis sur le suivi postnatal systématique suite au congé hospitalier »,Institut national de santé publique du Québec, 2 novembre 2016. https://www.inspq.qc.ca/en/node/6743.
Jack, S.M., Strohm, S. et Rieder, A. pour la PHN-PREP Project Team (2023). Healthy Babies Healthy Children Program Practices, Processes, and Policies: Reflections from Ontario’s Health Units, School of Nursing, Université McMaster, 2023. https://phnprep.ca/wp-content/uploads/2023/08/HBHC-Practices-Report_May2023.pdf.
Lemyre, B., Jefferies, A.L. et O’Flaherty, P. « Facilitating discharge from hospital of the healthy term infant », Paediatrics & Child Health, 23(8), 2018, p. 515–522. https://doi.org/10.1093/pch/pxy127.
Organisation mondiale de la Santé (OMS). Recommandations de l’OMS concernant les soins maternels et néonataux pour une expérience positive de la période postnatale, 30 mars 2022. https://www.who.int/fr/publications/i/item/9789240044074.
Annexe
Aperçu du suivi postnatal par province
Rebecca Haber, M. Sc., est responsable régionale de l’immunisation, santé publique et de la population, auprès de la Régie de la santé de la vallée du Fraser.
Meghan Martin, M.S.P., est responsable régionale de la santé maternelle et infantile, santé publique et de la population, auprès de la Régie de la santé de la vallée du Fraser.
Michelle Urbina-Beggs, inf. aut., M. Nurs., ICSC(C), est infirmière clinicienne spécialisée en santé publique et de la population, auprès de la Régie de la santé de la vallée du Fraser.
#analyse
#modèlesdesoins
#enfantsetjeunes
#santécommunautaire
#pratiqueinfirmière
#soinsauxpatients
#santépublique