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Consultation virtuelle en cardiologie : une initiative infirmière

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2019/12/23/virtual-cardiac-consultation-a-nurse-driven-progra
Dec 23, 2019, Par Clare Koning
nurses and doctors video chatting with a doctor
iStock.com/Hiraman

Messages à retenir

  • Dans un pays où les régions sanitaires couvrent un vaste territoire, le personnel infirmier peut tirer parti de la technologie du virtuel pour mettre les patients en contact avec leurs équipes de soins.
  • En soins cardiaques, l’utilisation de consultations virtuelles a amélioré l’accès aux soins spécialisés, le temps d’attente pour les consultations, la satisfaction des patients et des fournisseurs de soins et les résultats sur la santé.
  • La consultation virtuelle est un moyen financièrement responsable de limiter les transferts entre établissements et une solution fiable et sûre pour améliorer l’accès aux soins.

    En quoi la géographie constitue-t-elle un obstacle aux soins de santé dans un pays développé comme le Canada?

    Les raisons sont complexes. Au Canada, l’accès aux soins de santé est un droit de la personne, et pourtant, des obstacles subsistent, qui nécessitent des idées inédites et novatrices pour fournir des services de santé à tous les Canadiens, où qu’ils vivent.

    Cette situation ne saurait être plus manifeste que dans la région sanitaire Fraser Health, en Colombie-Britannique, qui couvre 250 km d’est en ouest et compte une population de plus de 1,8 million d’habitants. Un seul centre de soins cardiaques sert cette région : l’Hôpital Royal Columbian, situé à New Westminster. C’est le pôle logique pour les spécialistes en cardiologie.

    Cependant, le Royal Columbian a beau être le plus vieil hôpital de la province, la population est relativement clairsemée à l’endroit où il se trouve. En fait, plus de sept fois la population de New Westminster vit autour de l’Hôpital Memorial de Surrey, à 10 km au sud-est de là, et deux fois la population de New Westminster est aux alentours de l’Hôpital d’Abbotsford, à 50 km à l’est de là. Au total, le Royal Columbian est entouré de 11 hôpitaux périphériques de soins actifs, certains à 140 km de distance, qui dépendent de lui pour des consultations spécialisées en cardiologie.

    Ces écarts géographiques contribuent à limiter l’accès à des soins spécialisés pour la population de la région. Pour qu’un patient hospitalisé dans l’un des hôpitaux périphériques puisse accéder à un cardiologue, une pléthore d’étapes doit avoir lieu dans une séquence spécifique. Un transfert entre établissements pour une consultation avec un spécialiste nécessite une bonne collaboration entre les établissements de la région sanitaire et avec les services provinciaux qui gèrent les transports.

    Par ailleurs, plusieurs pièces du puzzle doivent se mettre parfaitement en place, y compris la disponibilité d’un lit à l’établissement de destination, d’une infirmière ou d’un infirmier autorisé formé en cardiologie pour assurer la surveillance du patient pendant le transport, d’une infirmière ou d’un infirmier en soins cardiovasculaires pour assurer les soins au patient à l’établissement de destination, des services d’ambulance de la C.-B. et d’un cardiologue. Bien qu’elles durent souvent moins d’une demi-heure, ces consultations peuvent prendre des jours à planifier, et les retards de transports sont fréquents. Par conséquent, les déplacements entre établissements peuvent nécessiter plus de 12 heures à partir de l’hôpital traitant.

    Consultation virtuelle

    Les consultations virtuelles sont une solution novatrice améliorer l’accès à des consultations avec des spécialistes et réduire les perturbations du flux de travail du personnel infirmier. Étant donné que presque tous les transferts entre établissements de patients en cardiologie nécessitent que ces patients soient accompagnés par du personnel infirmier spécialisé, pour l’hôpital traitant, ces transferts signifient souvent un manque de personnel ou des heures supplémentaires à payer, voire les deux. Une consultation virtuelle comporte divers avantages, dont la réduction de la fréquence des transports entre établissements, du temps écoulé entre l’orientation vers un spécialiste et la consultation, de la durée des hospitalisations et de la charge de travail des fournisseurs de soins de santé (Palen et coll., 2012; Shaw et coll., 2018).

    Il a aussi été démontré que les consultations virtuelles améliorent l’accès à des cliniciens spécialisés, la continuité des soins et la satisfaction des patients et du personnel de soins de santé (Greenhalgh et coll., 2018; Palen et coll., 2012). De plus, les consultations virtuelles sur Skype se sont avérées aussi efficaces que les rendez-vous en personne pour maintenir de bonnes relations de travail (Freeman et coll., 2017), avec des soins aux patients et des résultats améliorés (Greenhalgh et coll., 2018). La majorité des gens utilisent déjà Skype, et l’application permet de contenir les frais de service (Palen et coll., 2012; Shaw et coll., 2018).

    Les recherches montrent clairement que le recours aux technologies vidéo peut être utile dans les soins aux patients et réduire les temps d’attente. Mais certains obstacles freinent leur utilisation par les cliniciens, et à ceux-ci s’ajoutent le temps de latence et des problèmes de connectivité à Internet. Malgré tout, cette solution fonctionne dans une large mesure et nécessite peu d’équipement.

    Le programme

    Cet article traitera de la conception, de l’expansion et de l’évaluation d’un programme de consultations virtuelles au chevet du patient, avec sa participation, celle de l’infirmière ou de l’infirmier et celle du cardiologue. Le programme est dirigé par des infirmières et infirmiers autorisés, praticiens et spécialisés, axé sur eux et animé par eux. Ils prennent au sérieux leur nouveau rôle en santé virtuelle, et cet engagement s’est traduit par une mise en œuvre réussie, des résultats positifs et une expansion du programme.

    L’infirmière clinicienne spécialisée a mené l’évaluation du programme. Elle a fait le suivi des consultations virtuelles et en personne, du temps d’attente avant les consultations et de l’impact économique sur la santé. Des résultats difficilement mesurables émergeaient des conversations avec le personnel infirmier et les patients, qui témoignaient d’une satisfaction accrue en ce qui concerne le programme et faisaient la promotion de son utilisation à plus grande échelle.

    Points saillants et mise en œuvre

    Fraser Health a investi dans Skype Entreprise, une plateforme similaire à Skype sur laquelle on peut faire des appels sécurisés entre deux ordinateurs de Fraser Health, avec une liaison audio et vidéo en direct. Se connecter au moyen de Skype Entreprise est facile : il suffit de chercher la personne avec qui on souhaite se connecter et de cliquer sur « appeler ». Le chiffrement aux deux bouts garantit la sûreté de l’information clinique échangée.

    La première consultation virtuelle d’électrophysiologie a eu lieu en 2016, dans deux établissements traitants. En 2019, avec l’ajout d’une nouvelle infirmière clinicienne en soins cardiovasculaires pour la région Fraser Health, le programme s’est étendu à cinq autres établissements traitants. L’infirmière clinicienne spécialisée, qui dirigeait le projet, a fourni la documentation et la formation nécessaire à chacun des établissements.

    Actuellement, les consultations virtuelles se font dans 7 des 11 établissements de soins actifs de Fraser Health. Le processus est dirigé par le personnel infirmier et utilisé par des spécialistes des services cardiaques en électrophysiologie, dont l’infirmière praticienne et les chirurgiens cardiologues qui s’y sont joints en mai 2019.

    Figure 1. Affiches illustrant le programme et le processus de consultations cardiaques virtuelles

    Consultations virtuelles. En cardiologie electrophysiologie et chirurgie cardiaque pour des soins de qualité fournis en temps voulu. Réduisent lattente pour tes consultations. Rèduisentles transfehts entre etablissements. Utilisent Skype entreprise.
    ARH = Abbotsford Regional Hospital, BH = Burnaby Hospital, CGH = Chilliwack General Hospital. FH = Fraser Health, LMH = Langley Memorial Hospital, SMH = Surrey Memorial Hospital
    Consultations virtuelles : le processus
    ARH = Abbotsford Regional Hospital, BH = Burnaby Hospital, CGH = Chilliwack General Hospital. FH = Fraser Health, LMH = Langley Memorial Hospital, SMH = Surrey Memorial Hospital

    Le processus de consultation virtuelle nécessite la participation du personnel infirmier, du patient et du médecin spécialiste. Pour les nouveaux aiguillages vers les spécialistes en électrophysiologie et chirurgie cardiaque de Fraser Health, le personnel infirmier de triage détermine si une consultation virtuelle conviendrait mieux qu’une consultation en personne.

    Après discussion avec le médecin spécialiste, l’unité qui traite le patient est informée de la décision par l’infirmière ou l’infirmier de triage, et le consentement verbal du patient est obtenu. Au moment convenu, l’appel est fait sur Skype, l’appareil portatif (ordinateur portable ou tablette de Fraser Health) est placé devant le patient, et la conversation a lieu, virtuellement, entre l’infirmière praticienne spécialisée ou le médecin spécialiste à l’Hôpital Royal Columbian et le patient dans l’hôpital où il est traité.

    L’infirmière de soins intégraux reste avec le patient et demeure disponible pour répondre aux questions cliniques que pourraient avoir l’infirmière praticienne spécialisée ou le médecin pendant la consultation.

    On encourage les patients et leur famille à poser des questions pendant le rendez-vous virtuel et on leur fournit de la documentation qui les guide au fil du processus. On encourage et apprécie la participation de la famille. Or les consultations en personne nécessitant des transferts entre établissements rendent souvent cette participation impossible. Ce modèle de soins axé sur les patients et les familles et promu par Fraser Health contribue à des soins plus englobants et holistiques.

    Obstacles à la mise en application

    Le programme a été une grande réussite, mais il a fallu surmonter certains obstacles. Dans quelques établissements de Fraser Health, l’équipement nécessaire a posé problème : il a fallu investir dans des appareils portatifs, établir des connexions Wi-Fi stables et évaluer la culture de l’unité et les autres projets concurrents qui risquaient d’entraver l’adhésion des utilisateurs potentiels à un nouveau projet. Certains établissements qui n’avaient pas de connexion Wi-Fi à l’échelle de l’hôpital n’ont pas pu participer au programme.

    Par ailleurs, la consultation virtuelle depuis la chambre d’hôpital ne convient pas à tous les patients de cardiologie. Malheureusement, la majorité d’entre eux, en particulier ceux qui ont besoin d’une consultation pour une opération cardiaque, ont encore besoin d’être transférés au centre de cardiologie de l’Hôpital Royal Columbian pour des tests fonctionnels, des tests d’imagerie médicale avec des spécialistes ou des procédures de diagnostic.

    Protection des renseignements personnels et évaluation des risques

    Avant la mise en œuvre du programme, on a procédé à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée pour Fraser Health, et les résultats ont été satisfaisants. Une entente sur les conditions d’utilisation des technologies virtuelles a également été préparée. Cette évaluation des risques quant aux renseignements personnels est un processus exhaustif mené par les services des affaires juridiques, de la protection de la vie privée et de la sécurité, et il peut prendre plusieurs mois. On s’assure entre autres qu’aucune information confidentielle n’est divulguée sans le consentement des patients, que la plateforme virtuelle est suffisamment cryptée et que les appareils utilisés, en plus d’être cryptés eux aussi, sont la propriété de Fraser Health.

    Les risques ont été évalués, y compris en ce qui a trait au niveau de sécurité, à la possibilité de préjudice et à la confidentialité de l’information. On a préparé une échelle des coûts des incidents au moyen d’une matrice d’évaluation des risques, où un résultat de 30 représente un risque très faible, et 225 un risque maximum d’impact. L’objectif de cette évaluation était de s’assurer que la conversation qui a lieu virtuellement en utilisant Skype Entreprise ne comporte pas plus de risque pour la vie privée et la sécurité que la même conversation en personne avec le médecin au chevet du patient.

    Résultats

    Ce programme n’aurait pas pu être mis en œuvre, soutenu ou appliqué à plus grande échelle sans la participation directe et le soutien de l’équipe de services cardiaques, de la direction et du personnel infirmier des services de première ligne et des patients. Le plus souvent, c’était la première fois que les patients et leur famille participaient à une consultation virtuelle. À ce jour, aucun patient n’a refusé une consultation virtuelle ou manifesté sa préférence pour un transfert entre établissements.

    Voyant le programme de consultation virtuelle prendre de l’ampleur, le personnel infirmier l’a recommandé, et les résultats sont significatifs. Pour 2018, les données des deux établissements traitants montrent que 23 % des consultations d’électrophysiologie ont eu lieu par Skype, soit 28 sur le nombre total de 124 consultations. Si on regarde l’analyse des coûts du programme, on estime que chaque consultation virtuelle a permis d’économiser au système de santé 5 894 $ par patient. Cela équivaut à une économie de 165 032 $ en 2018. De plus, les données montrent une réduction moyenne de 50 % du temps d’attente pour une consultation : 3 à 5 jours pour une consultation en personne, comparé à 1 à 2 jours pour une consultation virtuelle, voire quelques heures, dans certains cas.

    Avec l’ajout de 5 établissements traitants et des services de chirurgie cardiaque, le programme prend de l’ampleur : on compte déjà 28 consultations virtuelles pour les 6 premiers mois de 2019. On prévoit qu’elles seront deux fois plus nombreuses en 2019 qu’en 2018. Pendant la première moitié de 2019, 4 % des patients pour qui on avait demandé une consultation en chirurgie cardiaque ont été vus virtuellement, et 20 % des patients ayant besoin d’une consultation en électrophysiologie et provenant d’un autre hôpital que le Royal Columbian ont été vus virtuellement. Les économies pendant la première moitié de 2019, selon les estimations, sont équivalentes à celles réalisées pendant toute l’année 2018, pour un total dépassant les 330 000 $ au cours des 18 derniers mois.

    Aux avantages touchant la logistique et l’économie de temps et d’argent s’ajoutent d’autres retombées bénéfiques plus difficiles à mesurer, qui transparaissent lors de conversations avec les patients et les membres du personnel participant au programme de consultations virtuelles. On remarque alors une amélioration de l’expérience et de la satisfaction des patients ainsi qu’une plus grande participation des familles aux consultations et à la planification des soins.

    Le personnel infirmier y trouve aussi des avantages et rapporte une plus grande satisfaction et moins de situations où le personnel est insuffisant à cause des transports entre établissements. Par ailleurs, les médecins traitants reçoivent les rapports des consultations avec des spécialistes deux fois plus vite, ce qui peut améliorer la planification des soins et les résultats sur la santé.

    Figure 2. Évolution du nombre de consultations virtuelles à Fraser Health : janvier 2018 à juin 2019

    Virtual Consultation graph showing expansion to one additional site and cardiac surgery

    À quoi s’attendre à l’avenir?

    Les locaux et les ressources humaines étant de plus en plus limités, la voie qui s’impose est de rechercher des solutions novatrices du côté du virtuel. L’utilisation accrue de la technologie en soins de santé permet d’améliorer les résultats sur la santé et les conditions de travail du personnel infirmier, et ce, en toute sûreté, tout en assurant un accès financièrement responsable à des services de soins spécialisés.

    Cette initiative a élargi le concept de consultation virtuelle, résolu des problèmes récurrents d’accès aux soins de santé et surmonté les obstacles géographiques inhérents à la région Fraser Health en tirant profit d’une simple idée créatrice, de plateformes existantes, de l’engagement d’une infirmière clinicienne spécialisée, de l’enthousiasme des utilisateurs des soins infirmiers et d’une dose d’imagination. Avec ses avantages évidents, ce projet a suscité de l’intérêt au-delà de Fraser Health : Interior Health, le groupe de chirurgie cardiaque de Lower Mainland et Provincial Health Services ont tous demandé de l’information ainsi que notre collaboration.

    Enfin, ce programme aurait été impossible sans l’investissement du personnel infirmier. L’expansion des soins de santé dans le domaine du virtuel est inévitable, et elle n’est limitée que par notre imagination.

    Références

    Freeman, D., Reeve, S., Robinson, A., Ehlers, A., Clark, D., Spanlang, B. et M. Slater. Virtual reality in the assessment, understanding, and treatment of mental health disorders, Psychological Medicine, 47(14), 2017, p. 2393-2400. https://doi.org/10.1017/s003329171700040x

    Greenhalgh, T., Shaw, S., Wherton, J., Vijayaraghavan, S., Morris, J., Bhattacharya, S., … et I. Hodkinson. Real-world implementation of video outpatient consultations at macro, meso, and micro levels: Mixed-method study, Journal of Medical Internet Research, 20(4), 2018. https://doi.org/10.2196/jmir.9897

    Palen, T. E., Price, D., Shetterly, S. et K. Wallace. Comparing virtual consults to traditional consults using an electronic health record: an observational case–control studyBMC Medical Informatics and Decision Making, 12(65), 2012.

    Shaw, S., Wherton, J., Vijayaraghavan, S., Morris, J., Bhattacharya, S., Hanson, P., et coll. Advantages and limitations of virtual online consultations in a NHS acute trust: the VOCAL mixed-methods study, Health Serv Deliv Res 6(21), 2018. DOI: 10.3310/hsdr06210


    Clare Koning est l’infirmière clinicienne spécialisée en soins cardiaques à Fraser Health, Colombie-Britannique. Elle possède 15 années d’expérience en soins infirmiers dans ce domaine et a exercé la profession dans divers pays et pour plusieurs autorités sanitaires au Canada.
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