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Les travaux d’une chercheuse en santé mentale permettent d’élargir l’offre de thérapies pour la dépression et l’anxiété

  

Questions et réponses avec Daisy Singla sur une démarche très prometteuse pour répondre au besoin croissant de soutien en santé mentale

Par Daisy Singla
8 septembre 2025
istockphoto.com/ljubaphoto
« En tant que scientifique chevronnée, mes recherches portent sur l’amélioration de l’accès aux thérapies par la parole fondées sur des données probantes, telles que le traitement interpersonnel et l’activation comportementale. Ces interventions brèves sont recommandées dans les directives cliniques partout dans le monde, mais elles restent largement inaccessibles à la plupart des personnes qui en ont besoin. » explique Daisy Singla.

Note de la rédaction : Le comité de rédaction d’infirmière canadienne s’est récemment entretenu avec Daisy Singla sur son travail visant à renforcer l’accès aux soins de santé mentale en soutenant davantage de prestataires à les fournir.


Pouvez-vous nous parler de vous?

Je suis psychologue clinicienne de formation et chercheuse en santé mentale à l’échelle mondiale. Tout au long de ma carrière, j’ai eu le privilège de travailler avec des organisations non gouvernementales (ONG) dans des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, où je me suis concentrée sur des moyens innovateurs de renforcer l’accès aux soins de santé mentale fondés sur des données probantes. L’une des principales leçons tirées de ce travail est le partage de tâches, c’est-à-dire la formation de personnes n’étant pas des spécialistes en santé mentale à la prestation de brèves thérapies par la parole fondées sur des données probantes pour traiter la dépression et l’anxiété. Cette démarche s’est avérée très prometteuse pour répondre aux besoins croissants en matière de soutien en santé mentale, surtout chez les patientes enceintes et en post-partum.

Je suis actuellement scientifique chevronnée pour le compte de womenmind du Centre de toxicomanie et de santé mentale et professeure agrégée au département de psychiatrie de la faculté de médecine Temerty de l’Université de Toronto. Mon travail consiste désormais à transposer ces connaissances mondiales de partage de tâches au sein de nos systèmes de santé afin d’améliorer l’accès aux soins de santé mentale.

Pouvez-vous nous en dire plus sur vos recherches?

En tant que scientifique chevronnée, mes recherches portent sur l’amélioration de l’accès aux thérapies par la parole fondées sur des données probantes, telles que le traitement interpersonnel et l’activation comportementale. Ces interventions brèves sont recommandées dans les directives cliniques partout dans le monde, mais elles restent largement inaccessibles à la plupart des personnes qui en ont besoin.

Mon travail vise à aborder cette lacune en explorant des solutions innovatrices et échelonnables. L’un des principaux axes de ma recherche est le partage de tâches, c’est-à-dire la formation des prestataires ne disposant pas de spécialité en santé mentale, comme les infirmières, les sages-femmes et les doulas, afin qu’elles puissent proposer des thérapies par la parole de haute qualité. Cette démarche s’appuie sur des données solides, avec plus de 100 essais contrôlés randomisés démontrant son efficacité à l’échelle mondiale. En 2018, nous avons reçu du financement du Patient Centered Outcomes Research Institute pour mettre en œuvre l’étude Renforcer les soins de santé mentale maternels en améliorant l’accès aux soins (SUMMIT) à Toronto (Ontario), à Chapel Hill (Caroline du Nord) et à Chicago (Illinois). L’étude SUMMIT comprenait deux questions clés : Les prestataires ne disposant pas de spécialité en santé mentale peuvent-elles offrir des services de psychothérapie aussi efficaces que les spécialistes en santé mentale, comme les psychologues et les psychiatres? Et la psychothérapie offerte par télémédecine peut-elle être aussi efficace que les soins en personne pour traiter la dépression et l’anxiété périnatales? Il est important de noter que toutes les participantes ont reçu le même traitement d’activation comportementale de huit séances. Le manuel est disponible gratuitement sur le site Web de notre étude.

Au-delà de l’étude SUMMIT, mes recherches visent également à garantir que l’accès renforcé au traitement s’accompagne de soins de haute qualité. Nos projets PEERS, financés par Grand Challenges Canada, explorent des méthodes échelonnables pour superviser les prestataires ne disposant pas de spécialité en santé mentale. En collaboration avec Sangath (une ONG primée en Inde), Dimagi (partenaire technologique) et la Harvard Medical School, nous mettrons en place une plateforme numérique qui facilite la supervision par les pairs parmi les travailleuses et travailleurs en santé communautaire dans deux états de l’Inde. Grâce à cette plateforme, les travailleuses et travailleurs en santé communautaire titulaires de la formation peuvent inscrire leurs patientes, évaluer leurs séances de traitement au moyen d’une liste de vérification validée, suivre les progrès de leurs patientes, planifier des séances de supervision et recevoir des commentaires, créant ainsi une démarche structurée et fondée sur des mesures pour maintenir des soins de haute qualité.

En fin de compte, notre objectif est de garantir que les psychothérapies brèves et fondées sur des données probantes soient non seulement disponibles à grande échelle, mais aussi dispensées de façon efficace aux personnes qui en ont le plus besoin.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’étude SUMMIT, compte tenu de sa pertinence pour les soins infirmiers?

L’étude SUMMIT était un essai multicentrique de non-infériorité visant à améliorer l’accès aux soins de santé mentale pour les femmes enceintes et les nouvelles mères. Reconnaissant que la dépression et l’anxiété périnatales sont courantes mais non traitées, notre objectif était de combler cette lacune en explorant des méthodes innovatrices pour offrir des thérapies par la parole efficaces.

L’un des principaux axes de l’essai SUMMIT était le partage de tâches, qui consistait à former des prestataires ne disposant pas de spécialité en santé mentale, surtout des infirmières, des sages-femmes et des doulas, à la prestation de brèves psychothérapies fondées sur des données probantes. Cette démarche tire parti de la position unique des infirmières, qui interagissent souvent avec des patientes enceintes et en post-partum et à qui on accorde souvent une grande confiance dans les établissements de santé. Leur participation est cruciale, car elles peuvent identifier et traiter rapidement les problèmes de santé mentale en période périnatale, ce qui peut réduire la nécessité d’orientation vers des spécialistes et éviter de longs délais d’attente.

L’étude a pris fin récemment. Pouvez-vous en dévoiler les résultats?

Ce que nous avons découvert est vraiment encourageant. Lorsque des prestataires ne disposant pas de spécialité en santé mentale, comme des infirmières et des sages-femmes, sont formées pour offrir des thérapies brèves fondées sur des données probantes, elles peuvent le faire aussi efficacement que des spécialistes en santé mentale comptant de nombreuses années de formation. Notre équipe s’est aussi penchée sur la télémédecine en tant que moyen de prestation et a découvert qu’elle était aussi efficace que la psychothérapie en personne. De nombreux obstacles qui empêchent les femmes de se faire traiter, tels que les conflits d’horaires, les difficultés de transport et les responsabilités liées à la garde des enfants, peuvent être réduits lorsque la thérapie est offerte à distance.

En fin de compte, ces résultats confirment ce que nous avons observé dans le domaine de la santé mentale à l’échelle mondiale : le partage de tâches fonctionne et les démarches centrées sur la patiente, telles que la télémédecine, ont le potentiel d’améliorer l’accès à des soins de santé mentale de qualité. Il est important de noter que la satisfaction de la clientèle était élevée, indépendamment du mode de prestation et du type de prestataire, et que près de la moitié de nos participantes se sont identifiées comme étant noires, autochtones ou des personnes de couleur.

L’étude SUMMIT étant l’un des essais cliniques les plus importants au monde dans le domaine de la psychothérapie, ces résultats fournissent des données solides sur l’efficacité de solutions pragmatiques comme le partage de tâches et la télémédecine. Les résultats ont été publiés dans Nature Medicine.

Notre objectif est désormais de déployer ces démarches à grande échelle de façon durable et axée sur les patientes.

Quelles sont, selon vous, les répercussions de l’étude SUMMIT pour les soins infirmiers?

Les infirmières sont particulièrement bien placées pour proposer des psychothérapies brèves, car elles sont souvent le premier point de contact des femmes enceintes et en post-partum. Elles ont la confiance des patientes, possèdent de solides compétences interpersonnelles et font régulièrement face à la dépression périnatale dans leur pratique. Cependant, de nombreuses infirmières ont exprimé leur frustration, car bien qu’elles puissent identifier ces problèmes, leur seule option est d’orienter les patientes, qui se butent souvent à de longues listes d’attente, et sans savoir si elles recevront vraiment les soins.

Dans le cadre de l’essai SUMMIT, nous formons les infirmières qui en expriment l’intérêt et qui sont disposées à offrir des psychothérapies brèves et fondées sur des données probantes. Malgré l’appréhension initiale, nous avons constaté que grâce à une formation adéquate et une supervision hebdomadaire guidée, les infirmières acquièrent une certaine confiance et peuvent offrir ces traitements aussi efficacement que des spécialistes. Cette démarche permet non seulement d’améliorer l’accès aux soins, mais aussi de donner aux infirmières les moyens d’aborder un problème important et croissant en santé mentale périnatale.

Comment les infirmières qui lisent cet article peuvent-elles en savoir plus, et notamment suivre une formation pour proposer des interventions psychologiques?

Pour plus de détails, visitez le site Web de notre étude pour consulter notre trousse d’intervention (en anglais seulement), qui fournit des renseignements aux différentes parties prenantes, y compris les prestataires de soins de santé, les membres de l’équipe administrative et les patientes. La formation est généralement dispensée par des spécialistes cliniques.

Les infirmières peuvent aussi consulter leur organisme de réglementation respectif pour obtenir des conseils supplémentaires sur l’administration de psychothérapies par le personnel infirmier. Par exemple, l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario propose une section de questions et réponses sur son site Web (en anglais seulement).


Daisy Singla, Ph. D., est psychologue clinicienne, professeure agrégée au département de psychiatrie à l’Université de Toronto et scientifique chevronnée au Centre de toxicomanie et de santé mentale.

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