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Trouver la voix des patients : comprendre l’application des dossiers de santé électroniques afin d’améliorer les soins de santé mentale

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2025/06/09/finding-the-patient-voice

L’accès en ligne aux documents médicaux est une occasion d’ajouter la perspective des patients

Par Michelle Danda
9 juin 2025
istockphoto.com/kate_sept2004
Les progrès technologiques offrent des possibilités de transformation de la documentation clinique, en étendant sa portée des établissements de soins vers le domicile des patients.

Messages à retenir

  • Il n’existe pas de définition uniforme de l’expression « voix des patients ».
  • La voix des patients est intégrale pour consigner le dossier de santé électronique.
  • Le personnel infirmier joue un rôle intégral dans la conceptualisation de la voix des patients et de la transmission des moyens de la saisir dans le dossier de santé électronique.

 [À] la base, lorsqu’il est question de santé mentale et de bien-être, nous sommes tous égaux, que nous vivions ou non avec des troubles mentaux. Il n’y a pas de « nous » et « d’eux ». (Commission de la santé mentale du Canada, 2009, p. 13)

L’expression « voix des patients » est fréquemment utilisée dans les soins de santé mentale pour décrire la perspective des patients. Les méthodes traditionnelles de documentation des services de santé mentale pour les patients hospitalisés sont en grande partie des récits des observations du personnel infirmier (Myklebust et coll., 2018). La raison d’être d’une telle documentation est censée favoriser la construction d’un récit complet de la patiente ou du patient.

Gracieuseté de Michelle Danda
« Avec l’intégration croissante des dossiers de santé électroniques, il est temps pour les infirmières et infirmiers de remettre en question l’idée que la documentation narrative est aussi utile qu’on le croyait traditionnellement pour transmettre des renseignements sur le point de vue des patients », déclare Michelle Danda.

Le récit de la patiente ou du patient est considéré comme précieux, un élément clé de l’organisation des données sur la patiente ou le patient dans une description chronologique de ce que la patiente ou le patient et l’infirmière ou l’infirmier ont fait au cours d’un quart de travail, une évaluation de toutes les interventions fournies, et le plan pour aller de l’avant.

Cependant, la notion de récit élaboré par le personnel infirmier au sujet d’un patient ou d’une patiente soulève certaines questions quant à l’auteur du récit partagé : s’agit-il du récit de la patiente ou du patient ou du récit élaboré par le personnel infirmier au sujet de la patiente ou du patient? Il convient de réfléchir à la façon dont les patients peuvent participer davantage au processus de documentation clinique grâce à l’utilisation croissante de systèmes et de portails électroniques pour les patients, qui permettent la collaboration et la cocréation de dossiers de santé (Goedhart et coll., 2021).

La conception et la mise en œuvre des dossiers de santé électroniques (DSE) mettent davantage l’accent sur les données normalisées, quantifiables et discrètes. Toutefois, le personnel clinicien s’est montré réticent à adopter les DSE parce que les données recueillies ont tendance à être impersonnelles, axées sur les problèmes et limitées dans la saisie des aspects uniques de l’expérience de la maladie des patients (Tondora et coll., 2021).

Les outils d’évaluation, tels que les examens de l’état mental, le dépistage du suicide et les inventaires des symptômes, sont courants dans les soins de santé mentale depuis des décennies pour contrer les limites des DSE (Coombs et coll., 2013). De même, les tentatives de documentation de données objectives sont connues pour être filtrées par la perspective subjective du personnel clinicien qui observe et documente, ce qui remet en question la valeur des rapports narratifs (Kelly et coll., 2023).

Avec l’intégration croissante des DSE, il est temps pour les infirmières et infirmiers de remettre en question l’idée que la documentation narrative est aussi utile qu’on le croyait traditionnellement pour transmettre des renseignements sur le point de vue des patients. Dans cet article, j’avancerai l’argument selon lequel la motivation sous-jacente à conserver la documentation narrative est fondée sur des notions dépassées de ce qui est considéré comme une information utile à saisir pour démontrer la prestation de soins compétents aux patients et pour communiquer et collaborer avec l’équipe soignante.

Ensuite, je soutiendrai que l’inclusion de la perspective des patients doit donner aux patients la possibilité de documenter leur perspective, une possibilité qui est de plus en plus présente avec des outils tels que les portails de patients et les appareils mobiles (Wazni et coll., 2023).

Contexte

Dans le domaine des soins de santé, la documentation narrative des expériences des patients est depuis longtemps considérée comme la pierre angulaire des dossiers cliniques complets. Traditionnellement, cette démarche a été ancrée dans la saisie du parcours de la maladie des patients et de leur récit personnel en milieu hospitalier. Cette méthode est conforme au modèle médical de la documentation clinique, qui met l’accent sur l’identification et la consignation des problèmes et des symptômes (Alex et Whitty-Rogers, 2012).

Toutefois, le moment est venu d’évaluer de façon critique si cette démarche narrative est effectivement la méthode optimale pour documenter les soins infirmiers, ou si elle ne permet pas, sous certains aspects, de saisir toute l’ampleur de la pratique infirmière.

Au fil de l’évolution des soins de santé et de l’élargissement du champ de la pratique infirmière, on reconnaît de plus en plus la nécessité d’adopter des pratiques de documentation qui font état plus précisément des paradigmes des soins infirmiers. Cette évolution nécessite une réévaluation des méthodes de documentation actuelles et l’intégration de la théorie des soins infirmiers à la fois dans la documentation clinique et dans la conception du DES, tout en centrant la voix des patients de façon constructive.

En alignant les pratiques de documentation sur la théorie des soins infirmiers, il est possible de mieux saisir les soins infirmiers et d’améliorer la qualité des dossiers des patients, ce qui se traduit par de meilleurs résultats pour les patients et une collaboration interdisciplinaire plus efficace.

La théorie des soins infirmiers pour soutenir l’évolution des perspectives

Dans le contexte de l’évolution des pratiques de documentation clinique, la théorie de l’humain en devenir de Rosemarie Rizzo Parse offre une perspective cruciale pour réévaluer la pratique infirmière, surtout dans les établissements de santé mentale. La théorie de Rosemarie Rizzo Parse conceptualise les soins infirmiers comme un processus dynamique dans lequel l’infirmière ou l’infirmier tend la main aux patients pour faciliter leur cheminement vers un sens plus profond de l’humanité (Parse, 1992).

Dans cette perspective, la santé n’est pas simplement l’absence de la maladie, mais un processus continu d’humanisation, dans lequel les infirmières ou infirmiers jouent un rôle essentiel. Ce cadre souligne que les soins infirmiers vont au-delà de la simple exécution de tâches, telles que l’administration de médicaments ou la réalisation d’examens de l’état mental.

La théorie de l’humain en devenir peut permettre aux infirmières et infirmiers des établissements de santé mentale d’aller au-delà de l’observation et de l’établissement de rapports dans le but de rédiger des notes pour le médecin et d’autres membres cliniciens des professions paramédicales.

La pratique courante dans de nombreux établissements de santé mentale consiste à créer des documents narratifs qui relatent les événements quotidiens. Cependant, ces récits sont souvent marqués par des préjugés, un langage ambigu et un ton critique (Martin et Ricciardelli, 2022). Ces pratiques de documentation sont généralement fondées sur des démarches conventionnelles qui mettent l’accent sur la saisie de la réduction des symptômes et des réactions au traitement, souvent au détriment d’une description plus complète de l’expérience de la patiente ou du patient.

Si les patients ont parfois l’occasion d’apporter leur point de vue à leur dossier, ils ont rarement la possibilité de revoir ou d’influencer le contenu de ces dossiers. Par conséquent, la voix des patients dans la documentation clinique est souvent limitée à une vision étroite de leur expérience de la maladie, plutôt que de faire état de la nature holistique et évolutive de leur parcours de santé.

Le réexamen de la théorie de l’humain en devenir de Rosemarie Rizzo Parse permet de remettre en question et de transformer ces pratiques traditionnelles de documentation. En alignant la documentation clinique sur cette théorie infirmière, il est possible d’enrichir le récit des patients, d’aller au-delà d’une perspective axée sur les problèmes et de créer des dossiers qui font état plus précisément de l’expérience holistique de la patiente ou du patient. Cette démarche permet non seulement d’améliorer la qualité de la documentation, mais aussi de favoriser une compréhension plus nuancée et plus compatissante des soins aux patients.

Enjeux éthiques et innovations dans les portails des patients pour les dossiers de santé mentale

L’avènement des portails de patients en ligne a révolutionné l’accès à l’information sur la santé, mais cet accès soulève également d’importantes questions éthiques, en particulier en ce qui concerne les dossiers de santé mentale. Il s’agit notamment de savoir si les patients ayant reçu un diagnostic de maladie mentale devraient avoir le même niveau d’accès à leurs dossiers médicaux que ceux qui n’en souffrent pas, et si les personnes qui ont interagi avec les services de santé mentale devraient avoir accès à toutes les parties de leurs dossiers médicaux, y compris celles liées aux rencontres avec des spécialistes de la santé mentale (Strudwick et coll., 2019). Une réflexion approfondie est nécessaire pour comprendre les hypothèses qui sous-tendent les préoccupations, ainsi que les enjeux éthiques.

Les enjeux éthiques concernant l’accès des patients tournent souvent autour des répercussions émotionnelles potentielles découlant de la consultation de dossiers cliniques comprenant des diagnostics de santé mentale. Pour comprendre ces préoccupations, il faut examiner en profondeur les hypothèses qui sous-tendent ces craintes, ainsi que leurs implications éthiques plus larges.

Le personnel clinicien craint-il que les patients soient perturbés par leur dossier de santé mentale et, dans l’affirmative, pourquoi? Il est essentiel de déterminer si ces préoccupations sont liées au contenu de la documentation de santé mentale elle-même ou aux attitudes qui prévalent à l’égard de la maladie mentale.

Par le passé, les patients ne pouvaient accéder à leur dossier médical que par le biais de procédures complexes et exigeant le respect de la vie privée. Avec l’introduction des DSE, la capacité à saisir et à transmettre efficacement les renseignements relatifs aux patients s’est considérablement améliorée. Cette progression technologique nécessite un changement dans notre compréhension de l’objectif de la documentation clinique et du public auquel elle s’adresse.

Aujourd’hui, les portails de patients offrent un accès plus direct aux données relatives à la santé, y compris aux dossiers de santé mentale. La pratique émergente consistant à permettre aux patients de consulter leur documentation sur la santé mentale incite à réévaluer les limites traditionnelles. Ces limites sont-elles motivées par des préoccupations liées à la sensibilité des renseignements sur les patients ou font-elles état d’un problème plus profond lié à la stigmatisation des maladies mentales? Il est essentiel de déterminer si les restrictions d’accès sont attribuables à des pratiques de documentation dépassées ou si elles sont symptomatiques d’idées préconçues plus générales sur les personnes souffrant de troubles mentaux.

Les récents progrès de la technologie introduisent aussi le concept de coproduction des données de santé, où les patients peuvent donner leur propre point de vue sur leur santé, y compris leur humeur, leurs réactions aux médicaments et leurs effets secondaires. Cette évolution vers des soins axés sur la personne offre de nouvelles possibilités d’intégrer les perspectives des patients dans les dossiers cliniques, remettant en cause les points de vue traditionnels sur la subjectivité des données relatives à la santé mentale.

Dans le passé, les efforts de documentation des données sur la santé mentale visaient l’objectivité, mais ces dossiers étaient inévitablement influencés par le point de vue de l’infirmière ou de l’infirmier qui les documentait. Cette constatation souligne la nécessité de reconsidérer la façon dont l’information sur la santé mentale est documentée et consultée, en veillant à ce qu’elle soit conforme aux conceptions contemporaines de l’engagement et de l’autonomisation des patients.

L’avenir de la voix des patients et le DSE

Les progrès technologiques offrent des possibilités de transformation de la documentation clinique, en étendant sa portée des établissements de soins vers le domicile des patients. Le concept de coproduction, c’est-à-dire le processus par lequel les patients contribuent activement et de façon concertée à leurs propres renseignements de santé, représente un changement considérable vers une documentation plus inclusive et personnalisée, remettant en question les notions traditionnelles selon lesquelles les infirmières et infirmiers créent le récit de la patiente ou du patient.
En permettant aux patients de donner un aperçu de leur humeur, de leur réaction aux médicaments et de leurs effets secondaires, cette démarche facilite une intégration plus complète du point de vue des patients dans leur dossier médical. La voix des patients est captée, puisqu’ils contribuent à la construction de leur récit. Ces innovations soutiennent les principes des soins axés sur la personne et individualisés, qui ne sont pas atteints si le patient et sa famille ne sont pas activement investis dans la documentation de leur expérience des soins de santé.
La théorie de l’humain en devenir de Rosemarie Rizzo Parse offre une orientation précieuse dans ce tableau en évolution en soulignant l’importance de s’investir avec les patients pour comprendre leur cheminement vers un sens plus complet de l’humanité. Elle va au-delà de la simple documentation des symptômes et des comportements. Ce cadre théorique s’aligne sur les principes de soins axés sur la personne et individualisés, soulignant la nécessité pour les patients de documenter leurs propres expériences en matière de santé.
Dans le passé, les efforts pour documenter le comportement des patients ont visé l’objectivité, mais il devient évident que ces données ont toujours été intrinsèquement subjectives, façonnées par le point de vue du personnel infirmier. Pour aller de l’avant, l’adoption de ces nouvelles méthodologies nécessite une réévaluation des pratiques conventionnelles et une reconnaissance de la nature subjective de toute documentation clinique.

Références

Alex, M. et Whitty-Rogers, J. « Time to disable the labels that disable: the power of words in nursing and health care with women, children, and families », Advances in Nursing Science, 2012, 35(2), p. 113. https://doi.org/10.1097/ANS.0b013e31824fe6ae

Coombs, T., Crookes, P. et Curtis, J. « A comprehensive mental health nursing assessment: variability of content in practice », Journal of Psychiatric and Mental Health Nursing, 2013, 20(2), p. 150–155. https://doi.org/10.1111/j.1365-2850.2012.01901.x

Goedhart, N.S., Zuiderent-Jerak, T., Woudstra, J., Broerse, J.E.W., Betten, A.W et Dedding, C. « Persistent inequitable design and implementation of patient portals for users at the margins » Journal of the American Medical Informatics Association: JAMIA, 2021, 28(2),p. 276–283. https://doi.org/10.1093/jamia/ocaa273

Kelly, P.J.A., Snyder, A.M., Agénor, M., Navalta, C.R., Misquith, C., Rich, J.D. et Hughto, J.M.W. « A scoping review of methodological approaches to detect bias in the electronic health record », Stigma and Health, 2023. https://doi.org/10.1037/sah0000497

Martin, K. et Ricciardelli, R. « A qualitative review of what forensic mental health nurses include in their documentation », Canadian Journal of Nursing Research, 2022, 54(2), p. 134–143. https://doi.org/10.1177/08445621211018061

Myklebust, K.K., Bjørkly, S. et Råheim, M. « Nursing documentation in inpatient psychiatry: the relevance of nurse–patient interactions in progress notes. A focus group study with mental health staff », Journal of Clinical Nursing, 2018, 27(3–4), e611–e622. https://doi.org/10.1111/jocn.14108

Parse, R.R. « Human becoming: Parse’s theory of nursing », Nursing Science Quarterly, 1992, 5(1), p. 35–42.

Strudwick, G., Yeung, A. et Gratzer, D. « Easy access, difficult consequences? Providing psychiatric patients with access to their health records electronically », Frontiers in Psychiatry, 2019, 10, p. 917. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2019.00917

Tondora, J., Stanhope, V., Grieder, D. et Wartenberg, D. « The promise and pitfalls of electronic health records and person-centered care planning », The Journal of Behavioral Health Services & Research, 2021, 48(3), p. 487–496. https://doi.org/10.1007/s11414-020-09743-z

Wazni, L., Gifford, W., Perron, A. et Vandyk, A. « Understanding the physical health problems of people with psychotic disorders using digital storytelling », Issues in Mental Health Nursing, 2023, 44(8), p. 690–701. https://doi.org/10.1080/01612840.2023.2229435


Michelle Danda, inf. aut., Ph. D., CSPSM(C), a obtenu son diplôme du programme accéléré de baccalauréat en sciences infirmières de l’Université de Calgary en 2008. Elle vient d’obtenir son titre de Ph. D. dans le cadre du programme de doctorat en sciences infirmières de l’Université de l’Alberta. Elle est infirmière clinicienne spécialisée à Vancouver, en Colombie-Britannique et exerce en soins infirmiers en santé mentale et en toxicomanie dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique.

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