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Les conseils consultatifs des patients, du point de vue de la profession infirmière

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2019/08/12/a-nursing-perspective-on-patient-advisory-councils
août 12, 2019, Par: Michael Sandler, Andrea Burton
 a blurred out image of a groups of people sitting together
iStock.com/NiseriN

Ce que nous avons appris

  • Il reste du travail à faire au personnel infirmier pour comprendre le point de vue des patients.
  • En raison de leurs a priori, les infirmières et infirmiers ne sont pas les mieux placés pour représenter le point de vue des patients (même si nous faisons d’excellents patients!).
  • Les organisations doivent comprendre que la participation des patients est plus qu’une simple case à cocher dans les consultations sur la prestation des soins de santé.

Ces dernières années, les leaders des soins de santé en C.-B. ont pris conscience de la nécessité de tenir en compte la voix des patients dans les décisions portant sur l’allocation des ressources. Beaucoup du travail dans ce domaine est mené par l’International Association for Public Participation Canada (IAP2) et se fonde sur une valeur fondamentale : les personnes les plus touchées par une décision ont le droit de participer au processus de prise de décision. Sur la page Web « Patients as Partners » du ministère de la Santé de la C.-B., la participation est définie comme suit :

[initiative pour mettre] les soins centrés sur la personne et sur la famille au premier plan des soins de santé, en travaillant en collaboration avec les patients et leur famille, les organisations non gouvernementales, les partenaires financés, les autorités régionales de la santé et un éventail de fournisseurs de soins de santé. Ces partenariats apportent un leadership, des outils et des ressources qui aident à intégrer la voix et les choix des patients, des familles et de leurs représentants dans la prise de décisions, ce qui peut avoir des retombées positives sur la santé des gens et sur le bon fonctionnement du système de santé. [TRADUCTION]

En 2009, le ministère de la Santé avait entendu l’appel du public et de segments du secteur de la santé pour que la voix des patients compte dans les décisions portant sur l’allocation des ressources. Le Ministère a donc créé un réseau de patients, le Patient Voices Network, dans le cadre de sa stratégie Patients as partners (patients partenaires). L’idée était de jumeler des patients bénévoles avec des partenaires des soins de santé aux étapes de planification de la prestation des services de santé, dans le but d’améliorer la qualité des soins tout en répondant au besoin d’inclure la perspective des patients, comme le demande le ministère de la Santé.

Comment le Conseil consultatif des patients a-t-il commencé?

On espérait qu’en incluant la voix des patients dans la résolution des problèmes et la prise des décisions dans le système de soins de santé de C.-B., on constaterait une nette amélioration des résultats. En entendant ce que les patients avaient à dire, on espérait que les fournisseurs de soins de santé pourraient mieux découvrir et comprendre leurs points de vue, ce qui favoriserait des décisions centrées sur le patient et aiderait à concevoir des solutions plus centrées sur lui pour la prestation des soins. Il reste des progrès à faire pour atteindre ces objectifs.

Début 2013, la NNPBC a lancé un appel, par l’intermédiaire de ses réseaux, pour trouver des patients qui accepteraient de participer bénévolement à un nouveau Conseil consultatif des patients (CCP) qu’elle créait en réponse à la demande du ministère de la Santé de C.-B. Après examen des candidatures, un comité de 10 bénévoles a été constitué, et le nouveau CCP a débuté son travail. Mais ce premier essai n’a pas abouti. Beaucoup de personnes qui siégeaient à ce nouveau conseil convenaient mal pour ce travail, et ce, pour diverses raisons, dont l’incapacité d’y consacrer le temps nécessaire et une mauvaise compréhension de ce que l’on attendait réellement du groupe. Du coup, les membres du nouveau conseil peinaient. Pour ces raisons, et parce que le soutien administratif et pratique faisait défaut, le comité initial a dû être dissous avant d’avoir accompli grand-chose.

En 2015, la NNPBC a relancé le programme avec un nouvel appel de candidatures pour siéger au comité. Cette fois, la NNPBC disposait de stratégies pour gérer les problèmes qui avaient entravé le premier conseil : recrutement de personnel et de patients pour co-présider le conseil, communication du mandat avant la première réunion et affectation de personnel de soutien de la NNPBC pour s’assurer que les échéanciers soient respectés.

Le CCP s’est néanmoins heurté à de nouveaux obstacles. Le comité de six patients bénévoles était entièrement constitué de femmes; les deux plus jeunes étaient dans la quarantaine, et quatre des six membres étaient des infirmières à la retraite. Le comité n’était donc pas du tout représentatif de l’ensemble des patients. Pourquoi était-ce un problème? Il semble que le personnel infirmier ne cesse jamais d’être infirmière ou infirmier, même quand il est aussi patient. Du coup, quand il fallait épouser le point de vue des patients qui n’ont pas d’expérience en matière de soins de santé, ces bénévoles avaient plutôt tendance à se laisser influencer par leurs idées sur les soins infirmiers. Dans les conversations, il était donc difficile de se concentrer sur la question fondamentale à laquelle on avait demandé au CCP de réfléchir : Comment faire pour que la participation des patients dans les soins de santé cesse d’être symbolique et devienne véritablement collaborative pour renforcer l’autonomie des patients?

Pour tenter de répondre à cette question, nous nous sommes penchés sur certains des obstacles auxquels se heurtent les patients dans leurs contacts avec le système de soins de santé. Quels obstacles croyaient-ils mériter qu’on s’y attaque? Leurs réponses nous ont surpris.

Fait intéressant, tous les points soulevés n’étaient pas négatifs. L’une des possibilités positives cernées par les membres du CCP était la possibilité de raconter leurs expériences : l’occasion d’être entendus, d’être compris. Même si nous ne pouvions pas « soigner l’expérience », pouvoir la raconter était important pour les patients. En partant de ce commentaire sur les patients comme conteurs de leur expérience, la NNPBC a conçu la campagne Listening to Learn (écouter pour apprendre) pour commencer à réfléchir à des façons de faire connaître les expériences racontées par nos patients et les faire connaître au personnel infirmier. La campagne était en outre la base d’un mouvement vers la création de lieux sûrs où les expériences et les idées pouvaient être reçues et diffusées en tant qu’outils pédagogiques.

Qu’avait à dire le CCP?

La préoccupation numéro un était le stationnement : « Pourquoi les médecins ont-ils des centaines de places de stationnement réservées devant les urgences, alors que les patients (qui ne sont pas toujours très mobiles) ont loin à marcher? », « Pourquoi les hôpitaux font-ils payer le stationnement? » et « Si j’arrive en retard pour mon rendez-vous et dois encore payer mon stationnement, est-ce que je mets l’argent dans le parcomètre au risque de manquer mon rendez-vous ou est-ce que je fonce à mon rendez-vous au risque d’avoir une contravention? » Il pourrait sembler bizarre que le stationnement arrive en tête du classement des problèmes à régler dans les soins de santé. On aurait pu s’attendre à ce que ce soit les listes d’attente, le manque d’accès à des médecins de famille ou des infirmières et infirmiers praticiens, ou une multitude d’autres enjeux propres aux soins de santé. Mais la force du CPP est précisément que les voix de ses membres ne sont pas les nôtres, et nous nous étions engagés à écouter.

Qu’y avait-il d’autre sur la liste?

Le Wi-Fi dans les hôpitaux suivait de près sur la liste, mais pas pour les raisons que l’on pourrait penser. Ce n’est pas parce que les familles veulent regarder la dernière saison de Game of Thrones pendant qu’ils attendent des nouvelles de leur proche. En fait, le Wi-Fi est devenu, pour les familles, un lien essentiel pour accéder à des soutiens. C’est avec FaceTime, Skype, WhatsApp et autres applications sur Internet que beaucoup de patients communiquent avec leur famille et leurs amis, qui sont parfois dans d’autres provinces ou même d’autres pays. Pourquoi le Wi-Fi n’est-il pas gratuit, surtout quand le coût facturé par le fournisseur de services à l’hôpital est si minime? (Bonne question!)

Les chambres mixtes comptaient parmi les autres questions d’importance. Les patients comprennent que les hôpitaux sont surchargés, mais certaines personnes sont encore mal à l’aise de devoir partager une chambre avec quelqu’un du sexe opposé. Pour citer une membre du CPP, « Quand on se retrouve avec deux chambres mixtes côte à côte, pourquoi ne pas déménager une personne, ou deux? ».

Il était également beaucoup question dans les commentaires des soins infirmiers dans les couloirs, les patients demandant « Pourquoi le personnel infirmier s’impatiente-t-il avec moi quand je suis coincé dans le couloir? Est-ce qu’ils croient que j’ai choisi d’être là? » Les patients comprennent que le système fonctionne au maximum de sa capacité, mais ils s’inquiètent de constater que les couloirs et les placards sont vus comme une solution, sans planification pour mettre un terme au problème.

Les patients voulaient aussi savoir pourquoi le système ne favorise pas davantage de transmission de l’information. Cette idée est intéressante et vaut la peine d’être étudiée. Le CCP a suggéré d’ajouter des intervenants pivots aux équipes de soins, pour aider les patients à s’y retrouver dans le système. Ce besoin était une surprise parce que jusque-là, je présumais que comme infirmier, j’étais bien placé pour soutenir les patients au fil de leurs soins en leur expliquant le processus et ce à quoi ils devaient s’attendre. Il est clair que ma pratique réelle ne reflète pas ma pratique présumée. Il semblerait plutôt que je sois si occupé avec d’autres aspects des soins que je néglige le concept fondamental de parler avec un patient de ce qui va se passer – constatation profondément dérangeante pour moi.

Si tous ces thèmes sont importants et méritent notre attention, la question qui m’a le plus interpellé était la description de la « stigmatisation » des patients, de leur perception comme « autres ». Les membres du CCP ont raconté avoir entendu des infirmières et infirmiers chevronnés dire « Ne t’en fais pas pour lui maintenant, c’est juste un drogué » ou parler de patients dont ils s’occupaient comme « leurs » patients. Les patients disaient « Arrêtez de m’appeler votre patient; je ne vous appartiens pas, c’est insultant quand vous dites “nos” ou “mes” patients. » Aïe… Ces commentaires font mal. Comme beaucoup de collègues, il m’est déjà arrivé de parler de « mon patient » dans mon travail au quotidien, sans réfléchir une seconde à ce que ça pouvait suggérer.

Quelle a été la réponse de la NNPBC aux commentaires du CCP?

La NNPBC a commencé par affecter un membre de son personnel au soutien à plein temps du CCP, qui offrirait ainsi un point de contact unique au sein de l’organisation. Cette personne-ressource serait ensuite la porte-parole des patients dans l’ensemble de l’organisation. Ainsi, les idées et suggestions mises de l’avant par le CCP seraient incorporées au reste de son travail. Cette mesure a aidé les patients à se sentir connectés à la NNPBC du fait qu’un membre de son personnel pouvait revenir vers le CCP pour rapporter comment ses recommandations étaient en cours d’intégration dans le travail quotidien, ce qui créait une boucle de rétroaction positive.

La NNPBC s’est aussi efforcée d’incorporer la voix des patients au niveau du leadership – pas seulement au sein des conseils d’administration, mais aussi parmi les leaders de première ligne. Elle rappelait ainsi aux leaders des soins de santé que la plupart du temps, nous ne tenons pas compte de l’effet des événements sur les patients. L’inclusion de ces derniers s’est faite en invitant un ou une membre du CCP à siéger à autant de réunions et de groupes de travail que possible. Malgré ce progrès et la reconnaissance explicite du fait qu’être présent aide à se faire entendre, la NNPBC n’est pas encore arrivée à faire que nous nous souvenions toujours de consulter le CCP avant de lancer nos campagnes, nos énoncés de position et nos initiatives de planification stratégique. Il reste du travail à faire pour que nous pensions à inclure les patients dans toutes les conversations au lieu d’y songer trop tard ou de simplement cocher une case.

Cette façon de procéder n’est pas facile, mais elle est fructueuse. Quand les patients se joignent à nous et que nous prenons un instant pour les écouter au lieu d’accaparer la conversation, nous cessons de croire que nous avons toujours raison et pouvons commencer à écouter ce qu’ils ont à dire. Est-il si difficile de se taire quelques minutes et de ne pas être tout de suite sur la défensive? Nous voulons tous défendre nos collègues quand quelqu’un dit que ce que nous faisons n’est pas bien. Mais écouter, c’est aussi s’ouvrir aux critiques et accepter qu’il reste encore des choses à apprendre pour tout le monde.

Comment incorporer les recommandations du CCP dans notre pratique?

Je crois que nous pouvons commencer par nous entendre pour cesser de voir les patients comme « autres ». Créons ensemble un espace où ils peuvent raconter leurs expériences. Soyons plus souples dans notre conception et notre prestation des soins infirmiers. Donnons à nos patients partenaires des occasions réelles d’être des leaders et de sentir que les soins leur appartiennent. On devrait toujours leur demander comment ils voient les choses et en tenir compte. Les infirmières et infirmiers peuvent s’efforcer d’être plus sincères dans cette démarche en comprenant que parfois, même si ce n’est pas confortable, ils ne sont pas obligés d’avoir réponse à tout.

Nous le disons et l’entendons souvent dans le milieu de la santé. Alors, entendons vraiment les gens qui disent « Ne faites rien pour moi sans moi ».

Nous sommes parfaitement placés dans le système, dans nos fonctions d’infirmières et d’infirmiers, pour donner du poids à ce point de vue. Si nous réussissons, nous y gagnerons tous.

Remerciements

Les auteurs remercient la Nurse and Nurse Practitioners Association of BC (NNPBC) pour son soutien financier pour ce travail. Ils tiennent également à reconnaître formellement l’excellent travail de Patrick Chiu, conseiller en pratique professionnelle pour CARNA, à qui l’on doit certaines des recherches et des publications sur lesquelles repose le présent article, basé sur un exposé présenté au Congrès biennal de l’AIIC de 2018.

Ressources additionnelles

International Association for Public Participation Canada

Ministère de la Santé de C.-B., Patients as Partners

Nurses and Nurse Practitioners of British Columbia


Michael Sandler est infirmier enseignant et s’intéresse à la promotion de l’avancement du champ de pratique des infirmières et infirmiers. Récemment diplômé du programme de maîtrise en sciences infirmières de UBC Okanagan, il s’intéresse actuellement à la suppression du fossé entre l’éducation et la pratique pour les nouveaux diplômés en sciences infirmières et à l’amélioration de la pratique infirmière en régions rurales et isolées pour répondre à la demande grandissante pour une ressource qui est limitée.
Andrea Burton est spécialiste des relations gouvernementales, communications et politiques. Expérimentée et experte dans ces domaines, elle a été responsable principale de l’intégration lors de la création de Nurses and Nurse Practitioners of BC qui réunit les quatre catégories infirmières au sein d’une seule association. Mme Burton est actuellement directrice générale de la BC Dental Hygienists’ Association.

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