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Les soins infirmiers au Nunavut

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2009/05/01/nursing-in-nunavut
mai 01, 2009

Inukshuk sitting at snowy and rocky hill.

Des possibilités étonnantes dans un territoire vaste et éloigné

Nunavut signifie « notre pays » en Inuktitut. Endroit très mystérieux qui offre de nombreuses possibilités d’aventures, ce territoire est le lieu de résidence de quelque 220 infirmières. Qu’est-ce qui inciterait quelqu’un du sud du Canada, ou de n’importe quel autre pays, à venir pratiquer au Nunavut?

Nurse performing a check up on an elderly person.

D’abord, l’esprit d’indépendance. Ou peut-être la recherche d’un mode de vie plus simple. Le Nunavut est vaste, mais peu peuplé. Le territoire s’étend sur deux millions de kilomètres carrés et trois fuseaux horaires, et représente le cinquième de la masse terrestre totale du Canada. Avec quelque 30 000 habitants, dont 85 p. cent sont Inuits, il a la population la plus jeune qui augmente le plus rapidement au Canada : 53 p. cent des habitants ont moins de 25 ans et le taux de natalité dépasse de loin la moyenne nationale. Toutes les communautés, et non seulement les plus importantes, vivent cette croissance et, par conséquent, le besoin de services de santé augmente lui aussi.

Le territoire est subdivisé en trois régions : Qikiqtani (Baffin), Kivalliq et Kitikmeot. La plus importante agglomération de chaque région dispose d’un centre de santé qui en constitue la plaque tournante pour les soins, mais chacune des 25 communautés du territoire compte aussi un centre de santé communautaire. Baffin, qui inclut l’île de Baffin et les îles du Nord, comprend 13 communautés, y compris la capitale, Iqaluit. Kivalliq, au centre du Nunavut, compte sept communautés et un centre régional à Rankin Inlet. Kitikmeot, à l’ouest, compte cinq communautés et un centre régional à Cambridge Bay. Les centres régionaux offrent des services d’évacuation sanitaire vers le grand hôpital le plus proche – Ottawa, Winnipeg et Yellowknife, respectivement. Les frais de déplacement pour raison médicale peuvent engloutir jusqu’au tiers du budget de la santé d’une région, ce qui n’est pas étonnant.

Qikiqtani General Hospital sign.

Le Qikiqtani General, à Iqaluit, est le seul hôpital. Il a ouvert un nouvel établissement et des services beaucoup plus importants en 2007 : deux théâtres opératoires, une clinique externe, trois salles hypobares pour patients tuberculeux, deux salles sécurisées pour patients en santé mentale, un laboratoire, une clinique de radiographie et d’échographie et une clinique de réadaptation. Seulement 20 de ses 35 lits sont ouverts – pas par manque de personnel ou d’argent, mais à cause de la demande.

Les centres de Rankin Inlet et Cambridge Bay sont aussi nouveaux. On les a construits en pensant aux besoins en capacité future et ils offrent aujourd’hui beaucoup des services qu’on ne trouvait auparavant qu’à l’extérieur du territoire.
Avec 45 postes en soins infirmiers, le Qikiqtani General est le principal employeur d’infirmières du territoire : 39 travaillent aux services généraux et d’urgence, en salle d’opération et en cliniques spécialisées. Les autres postes sont tenus par quatre infirmières gestionnaires et deux cliniciennes formatrices.

Le Nunavut attire ses infirmières du territoire, de partout au Canada et d’autres pays du monde, et a dû recourir aux services d’agences pour doter des postes à court terme. L’an dernier, le ministère de la Santé et des Services sociaux a lancé une campagne dynamique de recrutement de Nunavummiut en soins infirmiers (voir page xx). Le Collège Arctic du Nunavut offre depuis 2004 un B.Sc.Inf. de quatre ans en partenariat avec l’Université Dalhousie; 18 étudiantes – dont neuf Inuites – l’ont terminé à ce jour.

L’infirmière en santé communautaire est l’épine dorsale du système de santé du territoire. Chaque communauté, sauf Grisefiord, en compte au moins deux. Soutenues par leur centre de santé régional, elles traitent et évaluent de nombreux problèmes. Plusieurs communautés ont aussi des infirmières en soins à domicile et en santé publique.

Chart of the price differences between Ottawa and Iqaluit

L’éventail des rôles infirmiers disponibles au Nunavut peut attirer une infirmière à la recherche de changement. Pratiquer dans un territoire éloigné pose toutefois des défis, dont notamment le simple isolement physique. Il n’y a pas de route qui mène au Nunavut, ni entre les communautés. Il faut prendre l’avion ou le bateau pour se rendre n’importe où. L’aller-retour Iqaluit-Ottawa coûte environ 1 900 $, et les soldes sont rares. Pour la plupart des infirmières du Sud, les visites à la famille et aux amis sont limitées à une ou deux par année. Le coût de la vie est un autre problème : les salaires et les primes des infirmières du Nunavut comprennent une allocation nordique et sont plus élevés que la moyenne nationale, mais la nourriture, les biens ménagers, le logement et le divertissement coûtent beaucoup plus cher.

Il peut être difficile de s’adapter à la température arctique ou aux limites floues entre le jour et la nuit. Il fait froid au Nunavut pendant la majeure partie de l’année et la neige n’est pas rare l’été. Tous ces facteurs peuvent jouer sur les habitudes de sommeil et l’humeur. Dans bien des communautés, il fait clair jusqu’à 24 heures par jour de mai à août et noir aussi longtemps de novembre à février.

Il y a aussi les différences culturelles. D’abord, le rythme de vie est généralement plus détendu. Par exemple, bon nombre d’Inuits laissent tout tomber à midi pour aller manger chez eux et passer du temps avec leur famille. Cette coutume est tellement ancrée dans leur quotidien que les patients qui attendent à la clinique et au centre de santé partent inévitablement à midi. Les infirmières habituées au cycle de vie urgent de 24 heures dans une agglomération urbaine doivent s’habituer aux salles d’attente vides à l’heure du déjeuner.

Nurse looking through a microscope.

Avec ces nombreux défis, le Nunavut offre à ceux qui peuvent la saisir une occasion introuvable ailleurs. Outre l’excitation de vivre dans un pays aussi vaste et sauvage, il y a la satisfaction de pouvoir occuper leur champ complet d’exercice et acquérir une expérience précieuse, et la possibilité d’avoir une influence réelle sur la santé d’une communauté. Pour la bonne personne, le Nunavut est un endroit enrichissant où vivre et travailler, que ce soit pour une aventure de courte durée ou un investissement à long terme.

Stratégie de réussite ambitieuse

Le Nunavut considère le recrutement et la rétention des infirmières comme la pierre angulaire d’une stratégie à long terme qui vise à répondre aux besoins en soins de santé des Nunavummiut (habitants du Nunavut).

La stratégie de recrutement et de rétention d’infirmières est issue de consultations poussées des intervenants, y compris les professionnels des soins infirmiers, le personnel de centres de santé et des secteurs de l’éducation et des ressources humaines du Nunavut. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) applique la stratégie en partenariat avec des infirmières, des membres du personnel du Nunavut Arctic College (NAC) et des professionnels du recrutement. Un chef des soins infirmiers joue le rôle de chef de file, collabore avec les milieux infirmiers par l’intermédiaire du Comité directeur du recrutement et de la rétention d’infirmières du Nunavut.

La stratégie comporte un engagement envers le Qaujimajatuqangit inuit (savoir traditionnel Inuit) à tous les niveaux de la prestation et de la conception des services de santé. Elle encourage les comités locaux de santé communautaire à promouvoir activement le mieux-être et à encourager les Inuits à faire carrière en soins infirmiers et en santé. D’autres principes portent sur le rôle des infirmières dans le système de santé du Nunavut et l’engagement de satisfaire à leurs aspirations et leurs besoins personnels et professionnels.

L’objectif stratégique central consiste à ramener le taux de vacance en soins infirmiers, qui varie de 30 à 40 p. cent actuellement, à 15 à 20 p. cent en cinq ans. La rétention du personnel, la stabilité des effectifs, la hausse des profils des compétences spécialisées des infirmières et le nombre d’infirmières inuites dans le territoire constitueront les paramètres de la réussite.

Les négociations en juin 2008 avec le syndicat des employés du Nunavut ont fait grimper les salaires et les primes : les infirmières du Nunavut sont maintenant parmi les mieux payées au Canada. Certaines ont aussi reçu des primes d’ancienneté et toutes les infirmières des premières lignes touchent une indemnité mensuelle de rétention fondée sur l’ancienneté. Un financement pour la formation professionnelle et l’éducation de 3 000 $ à 6 330 $ par année (selon la situation géographique) est aussi disponible.

Les premières consultations ont démontré qu’il fallait faire mieux connaître les possibilités de carrière. En 2008, le MSSS a commencé à préparer une campagne de recrutement, s’appuyant sur une marque qui saisit les caractères distinctifs et l’attrait d’une carrière en soins infirmiers au Nunavut. Des annonces qui ont pour thème « Be the Difference » paraissent dans les journaux infirmiers et les revues du Canada pour attirer des lecteurs vers www.nunavutnurses.ca. Le site présente des vidéos et des renseignements sur des postes vacants, les salaires, les avantages sociaux, la vie au Nunavut et la culture inuite.

ATTIRER DES INUITS EN SOINS INFIRMIERS

On a lancé une initiative de recrutement qui vise à intéresser davantage les Inuits en demandant à des infirmières inuites de visiter des salons de carrières et des écoles secondaires pour parler de leur expérience. Des annonces et des communiqués d’intérêt public appuyant les carrières en soins infirmiers paraissent dans les médias imprimés et électroniques du Nord, etune campagne sur les exemples est en cours.

Nurse posing for photo.

Le MSSS a entrepris une collaboration, appuyée par le fédéral grâce à l’Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone, avec la Nunavut Tunngavik Incorporated (bénéficiaire de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits), Santé Canada et le NAC afin d’explorer des moyens de s’attaquer aux obstacles et aux défis posés par le recrutement d’un plus grand nombre d’Inuits et de formuler des recommandations à ce sujet. En outre, un projet du MSSS et du NAC, financé par le Fonds d’accès fédéral aux soins de santé dans les territoires, vise à déterminer comment augmenter pour les Inuits l’accès à une éducation et une formation en santé et services sociaux.

Le NAC a ouvert l’accès au baccalauréat en sciences infirmières offert en partenariat avec l’Université Dalhousie, ainsi qu’au programme d’année propédeutique. Les étudiants peuvent maintenant s’inscrire pour l’année propédeutique à trois endroits : Iqaluit, Rankin Inlet et Cambridge Bay. Les étudiants qui ont terminé une 12e année ou la propédeutique peuvent maintenant s’inscrire au baccalauréat aux campus d’Iqaluit et de Cambridge Bay du NAC (ainsi qu’au campus de Rankin Inlet à compter de 2010). Des bourses d’études et de recherche, ainsi que des prêts étudiants, des subventions pour garderie et tutorat, sont disponibles. On renforce actuellement un programme de stages en sciences infirmières afin d’aider les diplômées du NAC à continuer d’améliorer leurs connaissances cliniques.

– Ministère de la Santé et des Services sociaux

PROFIL

Susie Pearce

Susie Pearce affirme que ce qu’elle aime le plus des soins infirmiers, c’est d’en apprendre tous les jours : « Tout ce qu’on nous a enseigné à l’école de sciences infirmières, c’était la base. Tout le reste de ce que j’ai appris d’autre dans la communauté a été monumental. »

Athlète passionnée, Mme Pearce participe aux Jeux d’hiver de l’Arctique et aux Jeux inuits de Baffin chaque année depuis 2003. Les soins de santé l’ont attirée notamment parce qu’elle voulait rester active.

Mme Pearce est de la première promotion du programme de soins infirmiers du Nunavut Arctic College à Iqaluit. Quatre autres étudiantes et elle ont obtenu leur diplôme en 2006. Elle a pratiqué à Rankin Inlet pendant les deux années suivantes. « On apprend à connaître les membres de la communauté et il est plus facile d’assurer les suivis, de voir comment ils vont, affirme Mme Pearce. En ville, on voit les patients, les traite et les renvoie chez eux. »

Les infirmières inuites étaient un phénomène nouveau à Rankin Inlet. Il a parfois fallu quelques visites aux gens pour qu’ils se sentent à l’aise avec elle. Les patients, et en particulier les aînés, en sont venus à apprécier de pouvoir parler à leur professionnelle de la santé en Inuktitut.

Mme Pearce a déménagé récemment à Iqaluit pour se rapprocher de sa famille et travailler en santé publique. Elle se réjouit de pouvoir se concentrer sur la promotion de la santé et l’éducation : « Tout commence à la naissance et c’est ce que nous visons ici. » Elle espère acquérir un vaste éventail de connaissances spécialisées dans ce nouveau poste et la possibilité de devenir conseillère en lactation, éducatrice en diabète ou même acuponctrice l’enthousiasme. Elle a posé sa candidature au programme d’infirmières praticiennes de l’Université d’Ottawa. Si elle est acceptée, elle deviendra la première infirmière praticienne dans le territoire à parler l’Inuktitut.

Charlotte Kusugak Zawadski assessing patient.

Le jour où Charlotte Kusugak Zawadski a appris qu’elle attendait son premier enfant, elle était acceptée au programme de soins infirmiers au Nunavut Arctic College. Elle a retardé sa formation d’un an, mais elle était déterminée à devenir infirmière, ce qu’elle avait toujours voulu faire.

Mme Zawadski et sa fille de sept mois ont déménagé à Iqaluit en 2003 et son mari est resté à Rankin Inlet. La terminologie médicale et les travaux du cours lui ont posé un défi. Elle pensait être la seule à avoir des difficultés, mais d’autres étudiantes lui ont dit qu’elles avaient elles aussi des problèmes d’adaptation.

Mme Zawadski était déterminée à terminer le programme, même après être devenue enceinte de son deuxième enfant. L’appui de tiers l’a aidée à continuer. « Les patients que nous rencontrions durant nos stages cliniques à l’Hôpital d’Iqaluit nous ont beaucoup encouragées, se remémore-t-elle. Ma famille aussi. Mes collègues en classe et les formateurs étaient excellents. » Les chargés de cours était tellement dévoués, affirme-t-elle, qu’ils disaient aux étudiantes qu’elles pouvaient les appeler n’importe quand et les invitaient même à souper. Ces gestes ont fait toute la différence.

Charlotte Kusugak Zawadski with a baby.

« Nous avions la chance d’être dans une petite école et un petit hôpital à Iqaluit, même si nous n’avions pas tous les trucs de haute technologie et tous les services… Nous avions plus de formateurs que d’étudiants. » En troisième année, Mme Zawadski et ses camarades de classe ont fait un stage clinique de sept semaines à Halifax pour découvrir qu’elles avaient déjà beaucoup d’expérience pratique que les étudiants de Dalhousie commençaient seulement à aborder.

Après avoir obtenu son diplôme, elle est retournée à Rankin Inlet pratiquer au centre de santé. Sa profession et les possibilités d’y attirer d’autres personnes la passionnent; elle aime parler aux élèves du secondaire de la carrière en soins infirmiers. Elle ne se considère toutefois pas comme un exemple. « Ce n’est pas le cas. Je me considère comme quelqu’un qui avait un rêve – et a cherché à le réaliser. »

Des stratégies uniques en santé publique

Drawing by 10 year old showing exercise with fruits and vegetables.

À quelques exceptions près, les paramètres de l’état de santé au Nunavut sont très inférieurs à la moyenne nationale. L’espérance de vie à la naissance y est plus basse de 10 ans (68,7 ans contre 79,3). Les taux de mortalité infantile sont quatre fois plus élevés. Les taux de mortalité attribuable au cancer du poumon et au cancer colorectal sont les plus élevés au Canada et la tuberculose demeure un problème de santé publique. Selon Statistique Canada, 46 p. cent des habitants du Nunavut de 12 ans et plus fument tous les jours, par comparaison à 16,5 p. cent des Canadiens en général.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux riposte à l’aide d’une stratégie intégrée sur la santé publique, la première du Nunavut. Créer des communautés en santé : Une stratégie de santé publique pour le Nunavut dégage deux priorités : enfants et familles en bonne santé et réduction des toxicomanies. La stratégie vise notamment à améliorer la sécurité alimentaire et les naissances en santé, et à réduire le tabagisme et les toxicomanies.

Le MSSS reconnaît que pour que la stratégie réussisse, il faudra développer considérablement le système de santé publique : améliorer la capacité des communautés, établir des systèmes d’information et de surveillance, intégrer des équipes de santé publique à tous les niveaux du système et former et recruter plus de professionnels spécialisés en santé publique.

De nombreuses initiatives de santé publique, dont beaucoup visent les enfants et les adolescents, se déroulent à l’échelon communautaire. Une nutritionniste du Nunavut a lancé le programme « Drop the Pop » en 2003 pour lutter contre la forte consommation de boissons gazeuses et le rôle qu’elles jouent dans la carie dentaire et la malnutrition. La campagne originale consistait en un défi scolaire incitant les élèves à laisser tomber les boissons gazeuses pendant une ou deux semaines et consommer des boissons meilleures pour la santé. La réaction a été tellement positive qu’au fil des ans, le programme a pris de l’ampleur pour inclure des volets éducatifs portant sur un vaste éventail de sujets, y compris les habitudes de vie saines, les enjeux environnementaux, la santé dentaire et la prévention du diabète.

La majorité des écoles primaires du territoire participent et l’on encourage les familles et la communauté à soutenir la campagne. L’abandon des boissons gazeuses demeure le principal défi, mais la campagne regroupe différentes activités, comme des cours d’art et de rédaction pour maintenir l’intérêt des élèves. En 2008, pour un défi sur la boisson fouettée, chaque école a reçu un mélangeur et un coupon de 750 $ pour acheter des fruits congelés, du yogourt et des jus. Cette année, les élèves ont reçu des coupons pour acheter des fruits frais à l’épicerie.

À cause du succès que connaît « Drop the Pop », les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon ont adopté le concept et en présentent leur propre version.


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