Blog Viewer

J’ai des besoins médicaux qui n’ont pas été abordés dans mes études infirmières

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2020/01/27/i-have-a-condition-that-was-missing-from-my-nursin
janv. 27, 2020, Par: Eva Légaré-Tremblay
A nurse walking down a hallway.
Shutterstock.com

Messages à retenir

  • Dans leurs efforts pour remédier aux injustices et inégalités dans le domaine de la santé, les professionnels des soins de santé, incluant le personnel infirmier, ne se sont pas occupés de besoins médicaux qui touchent 175 000 Canadiennes et Canadiens, selon les estimations.
  • Pour le personnel infirmier et pour les autres professionnels de la santé, il n’y a actuellement que des solutions provisoires pour les aider à remédier aux injustices et inégalités qui vont de pair avec ces besoins médicaux.
  • Il faut que ces besoins médicaux soient abordés, et les manuels, programmes de cours et aides aux soins doivent en tenir compte.

J’ai des besoins médicaux particuliers. Ils ne sont pas si rares que ça, mais ils ne sont jamais mentionnés dans les manuels ou les programmes de cours de sciences infirmières.

Mes besoins médicaux me valent régulièrement de longs regards fixes de la part des autres praticiens des soins de santé. Mes anciens collègues en soins infirmiers ne semblent plus savoir comment m’approcher depuis que ma situation est devenue plus visible. Quant aux collègues en soins de santé qui sont relativement à l’aise avec moi, ils m’ont posé beaucoup de questions, souvent très indiscrètes, cliniques et contraires à la dignité.

J’ai consulté des médecins à ce sujet; le premier était un médecin de famille qui offrait aussi des traitements pour les gens comme moi, en marge de ses autres activités. Il était gentil et encourageant, mais ses plans de traitement ne reflétaient pas toujours le peu de connaissances qui existent sur ce genre de besoins.

Mes besoins médicaux me valent régulièrement de longs regards fixes de la part des autres praticiens des soins de santé.

Pour voir un second généraliste, mieux informé, je me suis heurtée à des obstacles qui ont fait que j’ai dû attendre un an pour obtenir une consultation. Là où je vis, une ville de plus d’un million d’habitants, ces deux médecins sont les « références » pour ce type de besoins médicaux. Même les médecins spécialisés de la ville ne semblent pas se spécialiser dans les traitements dont j’ai besoin.

Médicaments et traitements

Quand je vais chercher les médicaments dont j’ai besoin, les pharmaciens sont gênés quand ils me les remettent. On ne m’a jamais demandé si j’avais des questions sur ces médicaments.

Je suppose que ce n’est pas totalement la faute des pharmaciens. Malgré les effets importants de ces médicaments, les sources officielles d’information pharmacologique ne font pas référence aux raisons pour lesquelles il me les faut. Mes besoins médicaux ne sont pas décrits sur leur site Web et ne sont vraisemblablement pas abordés dans leur formation.

Pour les personnes avec les mêmes besoins médicaux que moi, la chirurgie est une solution viable; la technique et le rétablissement sont très compliqués et, encore une fois, vous ne trouverez rien sur ces questions dans les manuels. L’organisation de ce type d’opération est un processus qui prend longtemps et est compliqué – il faut aller à l’autre bout du pays en avion après avoir attendu deux à quatre ans pour les soins définitifs. Quand on choisit l’approche chirurgicale, on doit signer un accord indiquant que l’on ne rendra pas public le résultat de l’opération. Si l’argent n’était pas un problème, les personnes avec les mêmes besoins médicaux que moi pourraient peut-être faire du tourisme médical pour obtenir les soins nécessaires. Et, parlant d’argent, j’ai dû payer de ma poche pour certains éléments coûteux de mes traitements.

Faire des études en sciences infirmières dans ma situation a été une expérience tout à fait remarquable. Les étudiantes et étudiants en sciences infirmières apprennent tant de choses sur le professionnalisme, sur le corps et l’esprit humain, sur la pharmacologie, les soins holistiques centrés sur le patient et les déterminants de la santé. Et pourtant, rien dans tout cela ne semble concerner ce que je vis au quotidien, tout comme 175 000 personnes au Canada, selon les estimations. Comment cela se peut-il?

Un tournant?

Je crois que nous sommes actuellement à un tournant. Les traitements répondant à mes besoins médicaux sont lentement devenus plus sûrs et peut-être même meilleurs pour la santé. Du coup, beaucoup de gens dans ma situation demandent ces traitements. Les recherches n’indiquent pas clairement si la proportion de la population touchée va en augmentant; c’est cependant devenu une question de soins de santé contemporaine.

Quand mes collègues en soins de santé me posent ces questions cliniques indiscrètes, ce n’est certainement pas parce qu’ils ne pensent pas que je mérite d’être traitée avec dignité et discrétion. Ils veulent plutôt en savoir plus sur les besoins médicaux qui sont les miens, ils veulent être informés. Les temps changent.

Quels sont mes besoins médicaux, qui semblent souvent ne pas être appréciés à leur juste mesure dans le secteur des soins de santé? Je suis une femme trans. Je suis pathologisée, stigmatisée, politisée et traitée comme un objet. C’est de ça que je souffre.

La population trans a besoin de la même approche infirmière, fière et efficace que celle dont bénéficient les gens qui ont d’autres problèmes de santé rares, mais il nous manque l’éducation formelle, les politiques et les aides aux soins qu’il faudrait. Que pouvons-nous faire en tant qu’infirmières et infirmiers?

Comment progresser

Je suggérerais de demander – et d’utiliser – le nom et les pronoms choisis par vos patients comme l’une des façons les plus simples et les plus efficaces d’établir le contact et un climat de sécurité psychologique quand vous travaillez avec des personnes trans.

Encourager une formation pour que votre milieu de travail soit informé sur les personnes trans peut également être utile; écrire à vos députés ou votre ministre de la Santé quand l’accès aux soins d’affirmation de genre est insuffisant ou recule est également utile.

Il est bon d’avoir une compréhension claire du rôle que jouent les dirigeants politiques pour appuyer la diversité et offrir aux personnes trans des soins de santé accessibles et adaptés.

Participer à des manifestations de la fierté LGBT et faire des dons aux organisations qui soutiennent les personnes trans est important.

Je vous recommanderais aussi de faire des lectures sur la réalité des personnes trans ou de vous informer sur les traitements hormonaux substitutifs dans le cadre de la transition, même si l’information est souvent fragmentée ou incohérente et incomplète.

Parce que les soins de santé pour les personnes trans sont une question très contemporaine, on trouve de plus en plus de conférences, de cours et de séminaires. Ce sont, je pense, les meilleures sources d’information possibles pour les infirmières et infirmiers. En l’absence de manuels, de documentation spécialisée officielle ou d’apprentissage basé sur un programme, je suggère de participer à ces cours et séminaires. Cherchez plus spécifiquement ceux qui comportent de l’information provenant de personnes trans et qui sont soutenus par les autorités en santé sexuelle locales.

Si l’autoformation peut marcher, je vois une telle solution comme provisoire. Être trans étant seulement une autre façon d’être humain, il nous faut de l’information à ce sujet dans nos manuels et nos programmes d’enseignement, et j’encouragerais ceux qui préparent ce type de documents à mettre à profit l’expérience des infirmières et infirmiers trans et des membres de la communauté transgenre en tant qu’experts sur leur expérience.

Nos organismes infirmiers décrivent l’expression de genre et l’identité de genre comme des sources de discrimination potentielles. C’est un bon début. Mais si l’éducation ne suit pas, qu’est-ce que cela veut dire? Franchement, cela veut dire que nous risquons d’être les oppresseurs.

Je débute dans ma carrière comme infirmière autorisée, et j’ai un fort sentiment d’aliénation. Mon identité a été désignée comme un besoin médical. Dans le cadre de ma transition, je me suis mise à faire un usage fréquent des services de santé : psychologie, médecine, services de laboratoire, psychiatrie et, peut-être, chirurgie.

Ce n’est pas agréable de commencer une carrière en soins de santé alors que les soins de santé dont j’ai besoin ne font pas partie de la formation standard. Il m’est déjà arrivé d’éviter les soins de santé parce que, femme trans, je savais que je pouvais m’attendre à des services peu sensibilisés et peu accueillants, tout comme en reçoivent les autres personnes trans.

Je sais que je ne suis pas seule. Il faut que ça change.

Avertissements :

  • J’utilise les termes « problème de santé » et « besoins médicaux » exclusivement à des fins illustratives; mon intention n’est pas de présenter le fait d’être trans comme une pathologie.
  • Pour faire court, je me suis tenue au mot « trans » pour désigner tous les cas de figure : personnes transsexuelles, transgenres, bispirituelles ou non binaires. Il existe beaucoup d’autres termes pour décrire les différentes façons dont les gens vivent leur identité de genre. Chacun emploie les termes qu’il préfère, et ses préférences devraient primer sur tout le reste.
  • Les personnes trans n’ont pas toutes besoin ou envie de médicaments. Le médicament auquel je fais référence dans le texte fait partie de mon traitement hormonal substitutif, un traitement qui m’a permis d’obtenir une certaine congruence entre mon corps et mon identité de genre.
  • L’opération chirurgicale à laquelle je fais référence est communément appelée « chirurgie au bas du corps » ou vaginoplastie (celle-ci incluant la vaginoplastie, la nymphoplastie et la clitoroplastie). Toutes les personnes trans, non binaires ou bispirituelles n’optent pas pour des opérations chirurgicales. Ces dernières prennent beaucoup de temps et coûtent cher aux patients, en plus d’être risquées. De plus, elles ne « finissent » pas la transition et ne la valident en rien.

Ressources additionnelles

Standards de Soinspour la santé des personnes transsexuelles, transgenres et de genre non-conforme


Eva Légaré-Tremblay, inf. aut., travaille à Calgary (connu sous le nom de Mohkinstsis dans la langue des Pieds-Noirs locaux) sur des terres cédées en vertu du Traité no 7 en Alberta. Eva a été paramédicale en soins primaires pendant plusieurs années avant de devenir infirmière autorisée. Elle espère allier son savoir et son expérience dans des contextes de soins de santé divers à son vécu de personne trans pour améliorer les soins de santé aux trans et promouvoir la santé dans la communauté trans.

#opinions
#formation
#genre
#santéetbien-êtredupersonnelinfirmier
0 comments
9 views

Connectez-vous pour laisser un commentaire