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Considérations pratiques pour la vaccination d’enfants qui résistent aux piqûres

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2019/06/17/practice-considerations-when-immunizing-children-w
juin 17, 2019, Par: Mary Ives
a nurse giving a toddler an immunization injection
iStock.com/Rawpixel

L’immunisation des enfants a d’énormes avantages pour la santé et se fait, pour la majeure partie, sans difficulté. Toutefois, de nombreux enfants éprouvent une grande peur des piqûres, voire une véritable phobie. En 2006, une étude réalisée en Colombie-Britannique a montré des lacunes dans la pratique du personnel infirmier en santé publique qui s’occupait d’enfants qui résistent vigoureusement aux piqûres (Ives, 2007; Ives et Melrose, 2010). En 2012, le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (CCMCB, ou BCCDC en anglais) a annexé, au manuel provincial pour la vaccination, des lignes directrices de pratique sur la réduction de la douleur de la vaccination intitulées « Reducing Immunization Pain ». Étudions le rôle clé du personnel infirmier dans ces situations complexes et évitons de nous éloigner des pratiques exemplaires.

Enseignements tirés

  • Chaque rencontre avec un enfant pour un vaccin est une occasion de renforcer sa résilience.
  • Si chaque situation avec un enfant qui résiste aux piqûres est différente, certains schémas sont prévisibles.
  • Soyez à l’écoute du besoin de l’enfant de se sentir suffisamment en sécurité pour aller de l’avant.

L’annexe du CCMCB devrait évoquer la prise en charge de la douleur et le renforcement de la résilience plutôt que simplement la réduction de la douleur. Les recherches sur les expériences négatives vécues durant l’enfance (ENE) nous ont appris que la résilience contrebalance les effets néfastes des expériences négatives de la vie sur les neurones. La résilience est la capacité de composer avec l’adversité et de s’en remettre. Elle prévient les maladies auto-immunes, cardiovasculaires et autres associées aux décès prématurés liés à des ENE chez l’adulte. Lorsqu’un enfant résiste à une piqûre, les infirmières et infirmiers peuvent profiter de l’occasion pour contribuer à son expérience de la résilience.

La douleur est subjective. S’il est important de réduire la douleur, il demeure que les piqûres sont parmi les douleurs les moins fortes. C’est la peur, plutôt que la douleur même, qui génère la résistance. L’élimination d’une douleur légère à modérée peut en fait priver l’enfant d’une expérience importante pour apprendre la maîtrise de soi et pourrait même lui communiquer, bien qu’involontairement, un message d’impuissance.

Au minimum, nous devons nous abstenir de nuire. Assurez-vous d’être assez calme, en administrant le vaccin, pour structurer la situation et guider l’enfant en l’accompagnant. Pensez surtout à établir un rythme adapté à la capacité de l’enfant à aller de l’avant. Détachez-vous de tous les résultats autres que l’étayage pour l’enfant chez qui cette occasion d’apprentissage pose problème. L’étayage fournit un soutien temporaire et nécessite une harmonisation parfaite avec l’état où se trouve l’apprenant. Cette harmonisation relève de la compassion et ne doit pas être confondue avec la pitié ou l’indulgence. Qui dit pitié dit que la personne ne mérite pas un sort injuste. L’indulgence, pour sa part, suggère une surcompensation extravagante. Aucune de ces attitudes ne cultive la capacité à gérer avec un certain sang-froid les doses de douleurs et de souffrances qui sont inévitables dans la vie. Un étayage adapté, on le sait, va souvent de pair avec un attachement sûr et maximise l’apprentissage grâce à un calibrage attentif visant à soutenir la réussite de l’apprenant. En en faisant trop ou trop peu, on perturbe son apprentissage.

Contribuez à un climat de calme et de réceptivité qui encourage l’ouverture à de nouvelles idées. Ne bombardez pas d’information. Une pause de cinq à sept secondes entre les phrases laisse à l’enfant le temps d’assimiler l’information. L’objectif est d’aider l’enfant à ajuster sa perception pour qu’au lieu de voir un problème insurmontable, il se sente suffisamment en sécurité pour regarder en face ce qui lui fait peur et l’apprivoiser en douceur.

Dans les situations très tendues, les messages émotionnels comptent plus que les faits. L’empathie avec l’enfant au sujet de ce qu’il vit à ce moment-là aide à créer un lien. Restez attentifs et ouverts à ce qui se passe en vous et chez les autres pour prendre des décisions fondées sur les besoins émergents, sans être excessivement influencés par des notions de « bien » ou de « mal ». Maintenez une structure et continuez d’avancer. Les parents, souvent surpris par la résistance de leur enfant, ont besoin d’avoir confiance en votre maîtrise de la situation.

Réagir à des comportements fréquents chez les enfants

Chaque situation avec un enfant qui résiste aux piqûres est unique, mais certains schémas sont prévisibles. Voici quelques comportements fréquents et les réponses cliniques suggérées :

    1. L’enfant arrive en pleurant et en se cramponnant au parent.
      • Faites preuve d’empathie« Tu as l’air triste. J’ai l’impression que tu préférerais être n’importe où plutôt qu’ici. » Quand on se sent vraiment compris, on est davantage en mesure de faire front.
  • L’enfant déclare : « Je ne veux pas de piqûre! »
      • Faites preuve d’empathie« Je vois que tu ne veux vraiment pas ce vaccin. » Accordez des souhaits dans un monde magique« Ce serait bien si on pouvait mettre le médicament dans de la crème glacée plutôt que dans une seringue. » Reconnaître combien la personne aimerait que les choses soient différentes montre qu’on la comprend.
  • L’enfant veut que son petit frère ou sa petite sœur, qui semble plus calme, passe en premier.
      • Maintenez une structure. Commencez par l’enfant le plus anxieux (généralement le plus âgé) même si le parent a une autre idée. Regarder quelqu’un passer en premier, aussi calme soit cette personne, n’aide pas un enfant anxieux à se sentir compris.
  • L’enfant demande « Je peux voir la seringue? »
      • Maintenez une structure. Expliquez que vous pouvez la lui montrer après la piqûre. La seringue est ce qui fait le plus peur à l’enfant, et la voir avant la piqûre n’aide en rien, car la perception de l’enfant est déformée par l’anxiété.
  • L’enfant déclare « Je ne peux pas! »
      • Faites preuve d’empathie« C’est vraiment difficile pour toi. D’un côté, tu aimerais que ça soit fini, et de l’autre, ça te fait peur. » Donnez-lui espoir« C’est difficile, mais avec de l’aide, tu peux y arriver. »
  • L’enfant continue de résister. Le parent continue d’insister. L’infirmière ou l’infirmier ne voit aucun progrès vers une coopération de l’enfant.
    • Maintenez une structure et aidez à tourner la page. Décrivez ce que vous voyez et décidez de remettre à plus tard : « Je vois que tu n’es pas prêt(e) à aller de l’avant maintenant. Des fois, on n’y arrive pas la première fois. » Proposez une pause ou un autre rendez-vous. Saluez l’effort« Tu as fait de ton mieux. C’est un bon début et ça suffit pour aujourd’hui. Tu veux choisir un collant? Tu le mérites pour tes gros efforts. » Le parent est généralement reconnaissant que ce soit l’infirmière ou l’infirmier qui prenne la situation en main. Il arrive à l’occasion qu’un parent insiste pour qu’un autre membre du personnel infirmier soit recruté pour « administrer le vaccin vite fait ». Donnez de l’information. Les politiques limitent le recours à la contrainte. C’est à la personne qui administre le vaccin d’arrêter l’intervention lorsque nécessaire (Annexe D, BCCDC Immunization Manual, p. 6).

Aide aux parents

On constate également des schémas récurrents chez les personnes responsables de l’enfant qui pourront :

  1. Exprimer leur crainte que leur jeune enfant se souvienne de l’expérience et leur en veuille inconsciemment, ou même les « déteste ».
    • Faites preuve d’empathie et donnez de l’information« Vous avez l’air partagé(e). Ce dont votre enfant se souviendra probablement, c’est de votre présence et de votre soutien pendant cette expérience difficile. »
  2. Ne pas informer l’enfant de la raison de la visite par crainte qu’il ne résiste.
    • Offrez votre soutien sans interférer avec le rôle parental. Demandez à l’enfant s’il sait pourquoi il est là. Demandez au parent comment il décrirait à l’enfant la raison de la visite. Aidez le parent à informer l’enfant, en disant par exemple : « Tu es ici pour le rappel qu’on fait pour la maternelle. » N’attendez pas que l’enfant admette que le vaccin est une bonne idée. Avancez en faisant preuve d’empathie et en maintenant une structure.
  3. Dire à l’enfant « Ça ne fera pas mal. »
    • Donnez de l’information. L’honnêteté contribue à la confiance. Expliquez : « Ça fera peut-être un peu mal, mais je pense que tu vas le supporter. Je ne te prendrai pas par surprise en le faisant avant que tu sois prêt(e). »
  4. Insister auprès de l’enfant pour ne pas qu’il ou elle pleure.
    • Donnez de l’information. Affirmez calmement : « Ici, ça va si on pleure, surtout quand on te fait une piqûre. »
  5. Menacer l’enfant : « Pas de piqûre, pas de fête d’anniversaire! »
    • Soutenez le parent. Faites preuve d’empathie, présentez un fait ou un principe de façon neutre et donnez de l’espoir. Par exemple : « Ça doit être frustrant pour vous. Les vaccins ne sont pas des urgences. Je crois que nous pouvons trouver une solution qui nous conviendra à tous. »
  6. Immobiliser maladroitement l’enfant.
    • Structurez la situation. En tenant bien l’enfant, on réduit le risque de blessure. Le but n’est pas de dominer l’enfant, mais de l’aider à rester immobile pendant la courte intervention. Donnez des directives claires au parent sur la façon d’immobiliser l’enfant. En même temps, ne comptez pas trop sur le parent. Tenez bien le membre en question et administrez le vaccin avec efficacité. Certains parents insistent pour ne pas être là au moment de la piqûre. Il est préférable qu’une personne connue de l’enfant soit présente pour éviter qu’il ne se sente abandonné ou trahi.
  7. Fustiger l’infirmière ou l’infirmier devant l’enfant : « C’est la méchante infirmière qui t’a fait ça. »
    • Soutenez le parent. Dans cette situation, deux personnes pourraient avoir besoin d’empathie en même temps. Ne répondez pas tout de suite. Donnez-vous rapidement une petite dose d’empathie avant de le faire. Dites-vous par exemple « Aïe! J’essaye juste d’aider… Bon… Respirons. Je n’y suis pour rien. » Adressez-vous au parent« On dirait que vous êtes déchiré(e)… Le rôle de parent est parfois difficile. Vous avez décidé de protéger votre enfant, mais c’est dur quand vous le voyez avoir du mal. »

Chaque rencontre avec un enfant pour un vaccin est une occasion de renforcer sa résilience et de contribuer à sa santé à long terme. Quand une personne se sent réellement comprise, soutenue à son rythme, avec des choix limités, et tout simplement appréciée pour ses efforts, alors l’expérience contribue à sa résilience.

Références

Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique. Chapter 2: Immunization Appendix D—Reducing immunization injection painBCCDC communicable disease control manual. Vancouver, (C.-B.), auteur.

Ives, M. Empathie et respect : la clé pour vacciner les enfants effrayés par les aiguilles, infirmière canadienne, 8(4), 2007.

Ives, M. et S. Melrose. Immunizing children who fear and resist needles: is it a problem for nursesNursing Forum, 45(1), 2010, p. 29-39.


Mary Ives, inf. aut., B.Sc.inf., MHS, vit à Chilliwack (C.-B.) et exerce actuellement dans le programme de partenariat personnel infirmier famille (Nurse Family Partnership) de Fraser Health.

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