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Dans son élément dans le Nord

  
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Laureen Pameolik dit qu’elle ne s’imagine pas vivant et travaillant ailleurs que dans sa communauté d’Arviat.

mai 01, 2018, Par: Laura Eggertson
Laureen Pameolik
Teckles Photography Inc.

Laureen Pameolik avait sept ans quand une infirmière au Centre de santé d’Arviat, au Nunavut, lui a dit qu‘elle aussi pourrait un jour y travailler.

Dorothy Myhal-Gely a offert à Mme Pameolik une panoplie de docteur avec un stéthoscope et une seringue. Ce fut un moment déterminant pour la petite fille qui, tout au long de son enfance, a rendu visite aux infirmières au centre de santé où sa mère, Mary, travaillait comme interprète pour Mme Myhal-Gely et le personnel médical et infirmier non-inuit qui venait en avion dans les communautés isolées.

« Depuis ce jour, j’ai toujours voulu être infirmière », dit Mme Pameolik.

Aujourd’hui, Mme Pameolik, 44 ans, est infirmière communautaire au centre, l’une de deux infirmières inuites qui y travaillent.

Après avoir fini ses études secondaires avec la première classe de 12e année à Arviat, elle a suivi le programme de diplôme de soins infirmiers dans le Nord au Collège Aurora, à Yellowknife. Pendant sa première semaine à l’école de sciences infirmières, les instructeurs ont montré aux étudiants comment border les draps aux coins d’un lit d’hôpital.

Le personnel infirmier d’Arviat ayant davantage l’habitude de bricoler un système de communications que de faire des coins bien pliés dans les draps de lit d’hôpital, cette première leçon a été un gros choc culturel.

« J’ai pensé que j’étais dans le mauvais programme, dit Mme Pameolik. Après cela, néanmoins, les choses se sont bien passées et j’ai reçu une formation excellente de formidables infirmières et infirmiers enseignants. »

Elle est revenue à Arviat, diplôme en main, en pleine épidémie de virus syncytial respiratoire. L’infirmière qui était son mentor lui a donné un stéthoscope et l’a mise au travail, lui confiant la surveillance de bébés très malades.

« Une évacuation médicale vers un hôpital était organisée pour les plus malades; de mémoire, nous avons mis six bébés dans un avion. Je n’ai pas cessé de courir au travail depuis ce premier jour. »

Mme Pameolik sert une communauté de quelque 3 100 personnes depuis une vingtaine d’années, dans des conditions qui mettraient à l’épreuve les infirmières et infirmiers les plus compétents qui soient. Ses collègues et elle traitent, stabilisent et évacuent leurs clients vers des hôpitaux; offrent des consultations prénatales, des cliniques de puériculture et de soins pour maladies chroniques et des consultations gynécologiques de dépistage; et il leur arrive de faire des accouchements, le tout sans laboratoire sur place, sans technologue en imagerie diagnostique et sans maison des naissances.

Le centre est ouvert de 8 h 30 à 17 h du lundi au vendredi, le personnel infirmier étant de garde à tour de rôle pour couvrir les urgences en dehors des heures d’ouverture. Les infirmières et infirmiers opèrent dans un contexte de taux élevés de tuberculose, de suicide, d’infections transmissibles sexuellement, de pauvreté et de surpeuplement des logements du Nunavut. Autant de facteurs sous-jacents qui se traduisent par un nombre élevé d’Inuits en mauvaise santé, explique Mme Pameolik.

« J’ai vu la pauvreté nuire à l’accès à des aliments sains et à une alimentation suffisante. Cela entraîne des maladies chroniques comme l’anémie, la malnutrition, des infections et une cicatrisation lente des plaies. Le surpeuplement des logements facilite la propagation de maladies transmissibles comme la tuberculose et les infections respiratoires. Les taux élevés de suicide génèrent le stress et des sentiments de découragement et de désespoir chez les parents et les amis survivants. »

« Nous sommes le premier point de contact pour tous ces cas, poursuit-elle. Nous réunissons les antécédents médicaux et mesurons les signes vitaux, commandons des analyses, faisons les prises de sang et les radios, puis nous aiguillons les patients vers des médecins – nous devons faire la totalité de l’évaluation. Nous nous chargeons de tout le traitement et consultons des médecins lorsque nécessaire. »

Le rythme rapide est leur plus grand défi, dit-elle, encore plus que le roulement constant du personnel et le manque d’équipement qui nécessitent des compétences spécialisées et de la créativité. Elle cite une de ses amies qui dit en plaisantant qu’elles doivent régulièrement se transformer en MacGyver des soins infirmiers.

Arviat a le taux de naissances le plus élevé du territoire, avec environ 80 grossesses par an. Toutes les femmes enceintes sont supposées aller en avion à Rankin Inlet ou Winnipeg pour accoucher, mais Mme Pameolik et ses collègues finissent par faire six à huit accouchements par an. Il y a parmi ces naissances des bébés prématurés ainsi que les bébés de mères qui ont dissimulé leur grossesse pour ne pas avoir à quitter leur communauté pour accoucher.

Les soins obstétricaux sont ceux qu’elle trouve le plus gratifiants, affirme Mme Pameolik, qui gère le programme prénatal, ajoutant qu’elle aimerait qu’Arviat ait un jour sa propre maison des naissances.

Le fait de vivre et de travailler dans la communauté où elle a grandi pouvant entraîner une demande constante et excessive pour ses services, elle fixe des limites.

« Quand je ne suis pas de garde, je suis une grand-mère et une mère. Je dois me distancer de mon travail. »

Quand des gens l’appellent sur son cellulaire pour obtenir des conseils de santé, elle leur suggère de prendre rendez-vous au centre. Mais si elle remarque quelqu’un qui a besoin d’attention – un garçon beaucoup trop pâle récemment vu à l’église, par exemple – elle passe un coup de fil rapide pour que la personne aille consulter au centre.

Mère de quatre enfants – son petit dernier est encore au secondaire – et grand-mère de trois petits enfants, elle a une vie communautaire prenante en dehors de son travail. Pour se détendre, elle va camper dans la nature, encourage son petit-fils quand il a des matchs de hockey, assiste aux courses de chiens de traîneaux locales et va à la pêche. Son but dans la vie est d’attraper un omble de l’Arctique. « Quand je prendrai mon premier omble, toute la ville le saura et il y aura des jeux et un festin », plaisante-t-elle.

L’une de seulement une dizaine d’infirmières inuites travaillant au Nunavut, Mme Pameolik est consciente qu’elle sert de modèle. Elle sait combien il est important pour ses clients d’avoir une infirmière qui parle inuktitut et comprend leurs besoins sans passer par un interprète. « Ils me font confiance pour les soigner et nous nous comprenons très bien. »

Elle a été contente d’assumer le rôle de promotrice des carrières en soins de santé auprès de ses clients plus jeunes. « En pensant à ce que Dorothy a fait pour moi en disant « tu devrais devenir infirmière », je dis maintenant aux jeunes enfants qu’ils finiront leur secondaire, deviendront infirmière ou infirmier, docteure ou docteur, et qu’ils m’aideront au centre de santé. Leurs yeux s’illuminent et ils sourient. Il faudrait que je mette la main sur quelques stéthoscopes-jouets pour en distribuer, plutôt que des autocollants. »

10 questions à Laureen Pameolik

Si vous deviez choisir un mot pour vous décrire, ce serait lequel?
Fortunée

Si vous pouviez changer une chose en vous, qu’est-ce que vous changeriez?
Je complèterais mes études. J’ai besoin de continuer d’apprendre, de tenir mes compétences à jour et de me perfectionner.

Parmi ce que vous avez accompli, quelle est votre plus grande fierté?
Travailler à la clinique depuis 20 ans

Quelle est l’une des choses que les gens seraient surpris d’apprendre à votre sujet?
Beaucoup de gens ne savent pas que cela fait déjà 20 ans!

« Si j’avais plus de temps libre, je ... »
J’irais pêcher là où j’aurais des chances d’attraper mon premier omble.

Où avez-vous passé vos dernières vacances?
À Jasper, en février, avec mes parents. Ma mère était émerveillée par les montagnes; elle vient de régions plates, de la toundra.

Quel est l’endroit du monde que vous aimeriez le plus visiter?
Un camp de pêche en Alaska. Pensez aux saumons dans les rivières entre les montagnes…

Quel est votre plus grand regret?
Ne pas avoir terminé mes études d’infirmière praticienne

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu pour votre carrière?
Oublier son travail après 17 h. Heureusement, j’ai un équilibre entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle.

S’il était en votre pouvoir de changer une chose dans le système de soins de santé, qu’est-ce que vous changeriez?
J’aimerais voir plus d’infirmières et d’infirmiers. Si plus d’entre eux étaient inuits, ce serait encore mieux.


Laura Eggertson est journaliste indépendante à Ottawa.

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