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Des chefs de file des soins infirmiers autochtones parlent de leurs réussites

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2016/04/01/indigenous-nurse-leaders-share-success-stories

Les pionnières de la profession infirmière : soins de santé primaires à l’œuvre
22 juin, atelier précédant le congrès
Travailler avec les communautés pour aider les familles à s’y retrouver dans le réseau de la santé, ressusciter des pratiques traditionnelles, soutenir l’autogestion des maladies chroniques et accroître la sécurité alimentaire

avr. 01, 2016, Par: Laura Eggertson
Sherri Di Lallo (left), a nurse with an indigenous family
Mathew Martin/Medical Photography/Hôpital de l’Université de l’Alberta
Sherri Di Lallo (à gauche) est coordinatrice des soins infirmiers aux enfants autochtones au Stollery Children’s Hospital à Edmonton.

Quand Sherri Di Lallo a rencontré pour la première fois le jeune couple de la Première nation crie de Little Red River au Stollery Children’s Hospital d’Edmonton, la peur et l’anxiété étaient palpables.

Les jeunes parents avaient parcouru presque 1 000 kilomètres pour venir de leur communauté de 1 800 personnes dans le Nord de l’Alberta, accessible seulement par avion, pour apprendre comment changer la sonde d’alimentation de leur bébé de 8 mois. Ce bébé, qui avait survécu à une méningite, avait besoin de soins continus dans leur réserve, où les ressources et les soutiens étaient limités. Mais le couple timide était dépassé rien que par la taille de l’hôpital : le personnel y était presque trois fois plus nombreux que les membres de la communauté dont il provenait.

Jusqu’à ce que les jeunes parents rencontrent Mme Di Lallo, infirmière métisse et première coordinatrice des soins infirmiers aux enfants autochtones de l’hôpital, personne n’avait pris le temps de leur expliquer, dans des termes qu’ils pouvaient comprendre, l’importance de maintenir propre et libre d’infection la zone autour de la sonde alimentaire de leur fils.

Mme Di Lallo parlera de son rôle à l’hôpital lors d’une tribune d’experts réunissant des infirmières en chef autochtones le 22 juin, au congrès biennal de l’AIIC à Saint John (N.-B.).

Pour ces jeunes parents, l’aide de Mme Di Lallo était capitale. Elle a commencé par s’asseoir avec eux et leur demander comment ils allaient, avec l’aide d’une travailleuse sociale qui parlait cri. Puis, avec une infirmière spécialisée en nutrition à domicile, elle leur a appris comment procéder, étape par étape. Les parents se sont entraînés, et elle les a rassurés sur leur capacité à s’acquitter de la tâche.

« Notre aide leur a permis d’entendre ce que nous leur disions, explique Mme Di Lallo. Ils se sont détendus, ils sont devenus loquaces et confiants. Leur stress a disparu. » Et surtout, les soins au bébé se sont améliorés.

Dans ce nouveau poste, Mme Di Lallo aura un rôle de liaison et de défense des droits des enfants et de leur famille pendant qu’ils sont à l’hôpital, puis de coordination pour améliorer le suivi une fois les familles rentrées dans leur réserve ou leur communauté.

L’hôpital a créé cette fonction en réponse à la crainte, formulée par des familles et des employés, que certains patients passent entre les mailles du filet une fois rentrés dans leur communauté. Il arrivait que le retour soit mal planifié. Par exemple, dans de nombreuses communautés, le personnel infirmier n’avait pas accès aux dossiers électroniques des patients, et ne savait donc pas quels services leur offrir. Le personnel de l’hôpital ne savait pas à quel point les ressources étaient limitées dans les communautés.

Maintenant, Mme Di Lallo téléphone au personnel infirmier pour discuter des soins à domicile avant que les enfants ne reçoivent leur congé, et elle fait de la sensibilisation auprès du personnel de l’hôpital. Elle estime assurer ainsi de meilleures communications, une continuité des soins et un meilleur service aux patients.

Le rôle d’infirmière coordinatrice des soins aux enfants autochtones est un exemple d’innovation venant des communautés autochtones de partout au Canada, avec le soutien d’infirmières et infirmiers autochtones suffisamment expérimentés pour être des chefs de file. Cette évolution est la raison pour laquelle Dawn Tisdale, qui présidera la tribune d’experts au congrès, estime qu’il est important que ces experts racontent leurs expériences.

« Notre population est celle qui croît le plus vite au Canada, et les disparités qui affligent les Autochtones en matière de santé ne sont pas acceptables », déclare Mme Tinsdale, présidente sortante de l’Association des étudiant(e)s infirmier(ères) du Canada et étudiante en 4e année de sciences infirmières au collège North Island, sur l’Île de Vancouver. « Il est grand temps que le personnel infirmier défende les droits des Autochtones en matière de santé. »

Un aspect important de la défense des droits consiste à faire connaître les changements positifs auxquels travaillent ensemble les infirmières et infirmiers autochtones et les communautés, au lieu de mettre l’accent sur les difficultés. « Ces communautés sont une source formidable de force et de sagesse, et leur savoir traditionnel devrait être chéri, respecté et soutenu. »

Mme Tisdale, qui est d’origine micmaque, espère que les pratiques que décriront les panélistes aideront le personnel infirmier non autochtone à mieux comprendre les répercussions du traumatisme historique et de l’expérience des pensionnats sur la santé des Autochtones et qu’il éprouvera plus de compassion pour eux et sera plus respectueux de leur culture.

La sensibilisation à l’impact du traumatisme historique est un élément central du rôle de Shelley Francis à titre de consultante communautaire pour ce qui a trait au diabète dans 12 communautés des Premières nations au Nouveau-Brunswick. Mme Francis, Malécite originaire de la Première nation Tobique, décrira son travail dans le cadre de l’Initiative sur le diabète chez les Autochtones, un programme national, quand elle se joindra à Mmes Di Lallo et Mary pour la tribune de discussion. L’une des découvertes essentielles de Mme Francis, dans son travail pour aider les membres des Premières nations à gérer leur diabète, est que pour réussir, il faut s’occuper de leurs problèmes de santé concurrents, y compris les problèmes de santé mentale et de toxicomanie.

Dans les cliniques du diabète des communautés, explique-t-elle, elle voit des gens dont la maladie n’est pas gérée et dont la santé mentale est instable, souvent à cause d’un traumatisme. « Mon objectif principal est de les aider à contrôler leur glycémie, mais ils accepteront vraisemblablement mieux mon aide si j’essaye de comprendre leurs autres difficultés personnelles et si je me concentre sur leurs besoins. »

Le manque de moyens de transport, le peu de compétences culturelles des professionnels des soins de santé non autochtones, sans compter la peur d’être jugés par ces derniers, sont parmi les nombreux facteurs qui découragent les gens des Premières nations d’aller dans des cliniques de diabète qui se trouvent hors de leur réserve. En collaboration avec trois autres éducatrices spécialisées dans le diabète au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, et avec l’aide d’une aînée micmaque, elle a créé le programme de gestion du diabète appelé « Diabetes Self-Management Journey ». Ce programme réunit de 30 à 40 membres de communautés autochtones pour apprendre des techniques de gestion du diabète respectueuses de leur culture (comme nouer des relations, comprendre quels aliments sont aisément accessibles et se concentrer sur les forces et les capacités de chacun), appuyer les pratiques traditionnelles et créer un réseau de gens qui ont également du mal à gérer la maladie.

Mme Francis explique qu’elle laisse les communautés dicter leurs priorités en matière de santé. Les gens lui disent de quel type de soins ils ont besoin, et elle les aide à les obtenir. C’est ainsi que devraient procéder plus d’infirmières et infirmiers, pense-t-elle. Elle espère que son exposé aidera les participants au congrès à comprendre un peu mieux pourquoi beaucoup d’éléments du système de santé ne parviennent pas à offrir aux Autochtones du Canada des soins compétents et respectueux de leur culture.

Cheyenne Mary est une autre Néo-Brunswickoise œuvrant pour la promotion de la santé dans les communautés des Premières nations. En plus d’enseigner la santé communautaire à la faculté de sciences infirmières de l’Université du Nouveau-Brunswick, elle est conseillère de programme pour Canadian Feed The Children dans sa province. Dans ce rôle, elle aide les communautés à accroître leur sécurité alimentaire en appuyant les programmes de déjeuner et de dîner et les jardins dans les écoles, ainsi que les Programmes de la boîte verte, qui fournissent aux participants des fruits et légumes à prix de gros.

Tous les enfants des écoles des Premières nations Eel Ground, Tobique et Elsipogtog reçoivent gratuitement un déjeuner et un dîner dans le cadre des programmes d’alimentation scolaire universels, qui servent de modèles pour un mouvement qui prend de l’ampleur au Canada. À une conférence pour promouvoir les programmes d’alimentation scolaire nationaux, en novembre 2015, un représentant d’Elsipogtog a décrit leur programme, qui nourrit 300 enfants et qui incorpore des aliments traditionnels, comme de la viande d’orignal, du poisson, des crosses de fougère et du luski, un pain micmac traditionnel.

« Voici un programme qui voit dans les communautés autochtones une piste à suivre. Quel excellent message pour elles », constate Mme Mary.

Avec autant de gens de ces communautés qui dépendent de l’assistance sociale, les programmes scolaires sont capitaux pour s’assurer que les enfants aient des repas nourrissants afin de pouvoir bien apprendre et célébrer leur culture, affirme-t-elle. « Pour nos aînés, la nourriture est un médicament. Si nous mangeons des aliments locaux que notre corps est fait pour digérer, nous serons en meilleure santé et plus heureux. »

L’une des conséquences des pensionnats a été l’éradication des connaissances sur la récolte et la préparation des aliments. Aujourd’hui, les aînés apprennent aux jeunes parents et aux enfants comment préparer et cuisiner le gibier et autres nourritures traditionnelles. Mme Mary est une ressource de plus à consulter : elle offre des conseils pour planter des potagers et créer des cuisines collectives, et échange des recettes et des astuces de cuisine simples sur son site Web, Mi’kmaq Mama.

« Apprendre à quelqu’un comment pêcher ou chasser, ou comment préparer la viande de caribou, c’est lui transmettre la culture. Beaucoup de nos problèmes sociaux et de santé viennent de la perte de notre identité culturelle; la faire revivre est un élément de la solution. Et en ce sens, on aide ainsi à la guérison. »

Ces infirmières espèrent que la guérison à laquelle elles contribuent s’étendra et aidera les non-Autochtones à mieux se préparer pour fournir des soins sûrs et respectueux de leur culture aux patients des Premières nations et aux patients métis et inuits qu’elles servent.


Laura Eggertson est journaliste indépendante à Ottawa (Ont).

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