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De beaux boutons

  
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Mary Anne Van Os utilise un outil inusité pour apprendre à ses élèves la pratique réflexive

sept. 04, 2015, Par: Mary Anne Van Os, inf. aut., B. Sc.inf, M. Sc.inf.

Comment conçois-je la profession infirmière? Je ne me souviens pas y avoir réfléchi lorsque j’étais étudiante en sciences infirmières vers le milieu des années 1970. C’est peut-être parce que nos professeurs nous avaient dit précisément ce que c’était : une profession d’abnégation et d’uniformité. J’avais accepté le fait que nous devions être au service des médecins, toutes identiques dans nos coiffes, nos chaussures et nos uniformes blancs. La similitude était essentielle : tous pouvaient compter sur nous, notre équipe et nos patients. J’entrais dans un régiment de soldats interchangeables des soins de santé, et je connaissais et acceptais les attentes et la politique interne qui en découlaient. Et si l’appel du devoir nécessitait que je sacrifie mon individualité, eh bien, il en serait ainsi.

Au fil de mon perfectionnement et de mon cheminement professionnels, j’ai souvent réfléchi à mes nouvelles expériences à la lumière de ma pratique antérieure et présente. Ma croissance personnelle et professionnelle a entraîné une métamorphose. Laissant derrière moi le confort de la similitude, j’ai acquis une nouvelle perspective sur mon individualité en tant qu’infirmière. Néanmoins, si ma transformation renforçait ma confiance en moi et améliorait ma capacité de prendre des décisions ainsi que mes relations avec les patients, elle perturbait également l’équilibre au travail, causait des dissonances. Lorsque je prenais le temps de me demander si je laissais la vraie profession infirmière derrière moi, j’étais déchirée. Pouvais-je être différente et conserver une certaine similitude? Beaucoup de mes nouvelles idées étaient en conflit avec les valeurs essentielles qu’on m’avait enseignées. Je n’avais pas envie de rendre mon uniforme, mais je brûlais de voir où mes nouvelles ailes métaphoriques m’emporteraient.

Aujourd’hui, j’enseigne dans le programme de formation pratique en sciences infirmières au Collège Sheridan. Tous les ans, je choisis d’accompagner mes étudiants du premier semestre pour leur premier stage clinique. J’aime beaucoup cette partie de mon travail, car elle me rappelle l’époque où j’étais moi-même étudiante. Je me vois et me reconnais dans l’enthousiasme, la fascination, la peur, la joie, la confusion et la satisfaction qui les habitent tous.

En septembre dernier, j’ai incorporé un outil pédagogique destiné à les aider à comprendre ce qu’est la profession infirmière, qui illustre à la fois les similarités entre ses membres et leurs spécificités en matière de philosophie et de pratiques. Cet outil remet en service la boîte à boutons de ma grand-mère, un véritable trésor composé de milliers de boutons de toutes les formes et de toutes les tailles.

Le premier jour de leur stage clinique, leur excitation et leur élan sont tangibles. Nous nous réunissons et examinons les lieux et le programme. En uniformes, les étudiantes et les étudiants sont reconnaissables par leur ressemblance. Ils attendent de sages conseils. Je sors de la poche de ma blouse une magnifique pochette dorée. Ils murmurent entre eux… Que peut bien contenir cette pochette? Je les invite à piocher dedans et des boutons de toutes les formes, couleurs et tailles apparaissent. Je leur demande alors : « Quel est le rapport entre ces boutons et la profession infirmière? » Après un bref silence, ils parlent à tour de rôle.

La discussion qui s’ensuit est exactement celle que j’avais espérée. Chaque bouton est différent, disent-ils, mais ils ont tous une fonction semblable, comme nous! Même si les infirmières et les infirmiers ont la même fonction, le même titre, ils sont différents de maintes façons. Et malgré ces différences, ou peut-être à cause d’elles, infirmiers et infirmières font partie d’un collectif animé par un but commun. Une étudiante fait remarquer que, bien qu’ils aient tous reçu la même formation théorique, certains d’entre eux ont sans doute des perspectives différentes sur la façon de synthétiser et d’utiliser l’information. Un autre se demande s’il serait plus efficace et efficient d’avoir un ensemble de boutons identiques, qui en plus seraient ainsi interchangeables.

Je les invite à réfléchir à l’intérêt d’avoir des boutons différents sous la main. Nous parlons des avantages d’avoir accès à un éventail de perspectives, d’expériences et de compétences en matière d’analyse et de résolution de problème. Avant que nous nous séparions, je les invite à réfléchir aux parts d’uniformité et d’individualité chez les infirmières et les infirmiers chevronnés qu’ils rencontreront (et de toujours penser aux leurs) par une pratique réflexive lors de leurs stages et lorsqu’ils commenceront leur carrière. Je les vois cogiter. Je suis pleinement satisfaite du résultat de ma petite expérience.

Avec le temps, beaucoup deviennent très attachés à leur bouton. Lors de nos conférences-bilans, certains avouent les chercher des doigts lorsqu’ils ont des doutes, des craintes ou des frustrations. Ce faisant, ils prennent le temps de réfléchir à ce qu’il convient de faire et, après coup, à l’expérience qu’ils viennent de vivre et à sa portée. Je les entends comparer leurs boutons à des talismans, je les vois les mettre soigneusement au fond de leur poche. Je les ai vus demander anxieusement à un autre étudiant de les examiner et de les comparer; une défense éloquente des boutons suit généralement, chaque propriétaire étant déterminé à récupérer son précieux bien. Ils les montrent fièrement à leurs collègues, leur expliquant de quoi il s’agit, et ces derniers viennent bientôt demander le leur, pour qu’il leur rappelle ce que cela signifie d’être infirmière ou infirmier.

Ces beaux boutons ont un effet remarquable sur les étudiantes et les étudiants qui, j’en suis convaincue, comprennent pleinement l’objectif de l’exercice. Heureusement, ma grand-mère m’en a laissé un grand nombre. Je m’en servirai encore à l’avenir.


Mary Anne Van Os, inf. aut., B. Sc.inf, M. Sc.inf., est professeure à temps complet et coordinatrice du programme de formation pratique en sciences infirmières au Collège Sheridan, campus Davis, à Brampton (Ont.).

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#santéetbien-êtredupersonnelinfirmier
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