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Augmenter la sécurité des patients grâce à l’étude des facteurs humains

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2014/02/20/how-studying-human-factors-improves-patient-safety

Remonter jusqu’au système pour trouver la cause des erreurs

févr. 20, 2014, Par: Laura Eggertson
Nurses assessing a test facility.
Avec l’aimable autorisation de Human Healthcare Factors.
Dans un laboratoire de Healthcare Human Factors, on observe le travail de deux infirmières pour évaluer la facilité d’emploi des pompes à perfusion.

Quand la santé d’un patient est altérée par inadvertance, on cherche souvent quelqu’un à blâmer. Pourtant il est rare qu’un événement indésirable résulte exclusivement de l’erreur d’une personne. Les professionnels des soins de santé travaillent au sein de systèmes qui englobent le milieu physique, l’organisation, les autres membres de l’équipe, l’équipement et la technologie.

L’étude des interactions des humains avec ces systèmes et de l’impact de ces interactions sur la santé et la sécurité est une discipline appelée science des facteurs humains. Cette discipline rejette la notion que les humains sont les premiers responsables quand ils font une erreur en utilisant l’équipement et autres technologies. « Ces choses sont inventées par des humains, et devraient être faciles à utiliser pour des humains », souligne Joseph Cafazzo, professeur agrégé à la Faculté de médecine de l’Université de Toronto, qui fait de la recherche sur les facteurs humains. « Si l’utilisateur fait une erreur, c’est en général à cause d’une mauvaise conception. »

Healthcare Human Factors (HHF), un groupe de près de 40 ingénieurs, concepteurs, psychologues, chercheurs et informaticiens qui testent et évaluent des instruments médicaux, des logiciels et des technologies de l’information, nouveaux ou non, pouvant aller des pompes à perfusion aux tomodensitomètres en passant par les seringues. Installé à l’hôpital général de Toronto, qui fait partie du Réseau universitaire de santé, le groupe travaille pour les quatre hôpitaux du Réseau et pour des clients externes des secteurs public et privé, y compris d’autres hôpitaux. Les membres de l’équipe observent comment les professionnels de la santé communiquent dans des situations réelles, en salle d’opération ou de radiologie, par exemple, et repèrent les erreurs de conception ou d’ingénierie et les faiblesses dans l’organisation du travail, aussi dangereuses pour le patient qu’un caillot non repéré ou un diagnostic erroné.  

A glass barrier in a hospital for nurses to remain uninterrupted.
Avec l’aimable autorisation de Human Healthcare Factors
L’interdiction d’interrompre dans certains endroits a considérablement réduit la fréquence des interruptions et le nombre d’erreurs qu’elles entraînaient.

Minimiser les interruptions pour réduire les erreurs médicales

Après avoir observé la délicate administration de produits chimiothérapeutiques par le personnel infirmier en oncologie, le groupe Healthcare Human Factors de Toronto a conçu unensemble d’interventionspour atténuer l’effet des interruptions. Des panneaux signalant de « Ne pas interrompre » ont été affichés sur l’équipement dans les principaux endroits où les médicaments étaient administrés, et des notes ont été fixées sur les pompes à perfusion pour rappeler aux infirmières et infirmiers de vérifier les raccords, les pinces et la programmation. Des cabines de vérification ont été installées pour permettre au personnel infirmier de se protéger des interruptions et du bruit pendant la préparation des vérifications de médicaments importantes. Un processus normalisé pour la vérification des médicaments avant administration a été mis en place pour plus d’exactitude. Les infirmières et infirmiers exécutant des tâches minutées, comme l’administration d’un bolus intraveineux, ont reçu un appareil de compte à rebours affichant le temps écoulé pour les aider à se repérer. Quand on les a testées dans un laboratoire de simulation à haute-fidélité, on a constaté que ces interventions réduisent considérablement les erreurs dans la programmation des pompes, le débit de perfusion et le volume des bolus et des pompes de perfusion portables.

Les organisations de soins de santé reconnaissent de plus en plus l’importance des facteurs humains dans la sécurité des patients, affirme Theresa Fillatre, infirmière autorisée et conseillère principale en matière de politiques, Institut canadien pour la sécurité des patients (ICSP). « On est passé progressivement d’une culture du blâme à une culture des enseignements tirés des incidents concernant la sécurité des patients. Les gens sont davantage enclins à signaler les erreurs réelles ou frôlées de près, à se pencher sur les causes et à en tirer des leçons pour améliorer le système. » À son avis, il est essentiel, pour la sécurité des patients, de demander quel est le problème pour le patient, d’écouter ce que les membres de l’équipe en disent, puis de parler des solutions possibles, citant le mantra qui guide tout le travail de l’ICSP : « Questionnez, écoutez, parlez-en ».

HHF a organisé pour le personnel infirmier des ateliers où sont présentés des exemples de scénarios où des personnes très compétentes commettent ce que M. Cafazzo appelle des « erreurs apparemment flagrantes dans l’administration des médicaments ». L’équipe montre ensuite que l’erreur n’est pas la faute du personnel infirmier, mais plutôt le résultat d’un appareil mal conçu, par exemple, ou d’une étiquette mal rédigée. Le groupe montre aux infirmières et infirmiers à réfléchir objectivement à la façon dont certains facteurs dans leur milieu de travail, comme leur manière de travailler et la technologie utilisée, ont mené à l’erreur.

M. Cafazzo fait remarquer que la fatigue, le fait de devoir faire plusieurs choses à la fois, les multiples interruptions et le mauvais éclairage gênent le travail des professionnels de la santé. « Les concepteurs doivent partir du principe que les gens qui programment les machines risquent d’être fatigués et distraits et qu’il est possible qu’on leur ait montré une seule fois comment utiliser cet équipement, six mois avant qu’ils doivent s’en servir. »

Peu d’organisations ont des ressources leur permettant de s’intéresser aux facteurs humains comme le fait le Réseau des hôpitaux universitaires. Selon M. Cafazzo, le Réseau dispose de la plus grosse équipe au monde consacrée spécifiquement aux facteurs humains dans les soins de santé. Mais les professionnels de la santé et leurs organisations peuvent prendre certaines mesures pour améliorer la sécurité.

Vos patients sont-ils en sécurité?

La chercheuse Kathy Momtahan suggère au personnel infirmier de réfléchir aux questions suivantes pour évaluer, du point de vue des facteurs humains, si son milieu contribue à la sécurité des patients :  

  • Travaillez-vous avec des pompes à perfusion et autres équipements provenant de différents fabricants? Le risque de confusion et d’erreur augmente quand on doit apprendre et retenir différentes instructions pour l’utilisation d’un même type de machine.
  • Devez-vous ouvrir et fermer plusieurs écrans ou applications pour accomplir une tâche, ou passer par plusieurs étapes pour accéder à l’information ou l’extraire? Même si les différents logiciels sont bien conçus, le manque d’uniformité générale dans le système peut provoquer des erreurs.
  • Avez-vous des systèmes informatiques, des pompes de perfusion et d’autres équipements intelligents qui vous avertissent en cas de problème ou d’erreur?
  • Êtes-vous souvent interrompus dans vos tâches?

D’abord, ils doivent reconnaître l’importance des patients dans le processus, explique Deborah Chan, ingénieure à HHF. Dans le cadre de ses activités, le groupe conçoit des applications mobiles pour les patients et en évalue la convivialité. « L’idée de renforcer l’autonomie des patients en leur donnant l’information nécessaire pour gérer leur santé est nouvelle dans l’industrie des soins de santé », estime Mme Chan.

Ensuite, ils doivent encourager l’utilisation de systèmes de notification des incidents pour déceler les risques en plus des événements indésirables. Au sein du Réseau, par exemple, des infirmières et infirmiers travaillant dans des banques du sang ont signalé les risques d’un mauvais éclairage qui, en rendant difficile la lecture des étiquettes, aurait pu entraîner l’administration du mauvais groupe sanguin à un patient. Une autre fois, des infirmières et infirmiers de l’unité néonatale de soins intensifs de l’hôpital Mount Sinai ont exprimé leur crainte que les nouvelles seringues héparinées utilisées pour les gazométries du sang artériel (GSA) ne ressemblent trop aux seringues ordinaires après un incident où on a failli préparer une seringue à GSA pour une injection. Une simulation effectuée par le personnel d’HHF pour tester la capacité du personnel à distinguer les deux types de seringue a confirmé le problème. Le fabricant des seringues héparinées a été prévenu, et les seringues à GSA ont été retirées des soins intensifs, pour éviter une erreur potentiellement mortelle.

Lectures complémentaires

Cadre canadien d’analyse des incidents. Disponible auprès de l’Institut canadien pour la sécurité des patients

The Human Factor: Revolutionizing the Way We Live with Technology. Disponible sur amazon.ca

Applying Engineering Principles to Medication Safety.” Disponible auprès de l’Institut pour l’utilisation sécuritaire des médicaments du Canada

Human Factors in Patient Safety: Review of Topics and Tools. Disponible auprès de l’Organisation mondiale de la Santé.

M. Cafazzo souligne que les institutions devraient prendre leurs décisions concernant les achats d’équipement et de technologie en fonction de la nécessité d’éviter les erreurs, et non seulement en fonction des coûts, et qu’elles devraient tenir compte de l’avis de ceux qui utilisent l’équipement. L’avis des utilisateurs est également important pour l’organisation du travail et les études de procédé, ajoute-t-il. « Il ne faut pas beaucoup de ressources pour repenser les procédures, les formulaires et les étiquettes. »


Laura Eggertson est journaliste indépendante à Ottawa (Ont).
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