Blog Viewer

Racisme : ce que j’ai appris à l’école

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2019/04/29/classroom-lessons-on-racism
avr. 29, 2019, Par: Erica (Samms) Hurley
classroom full of desks
iStockphoto/maroke

Les émissions que je regardais dans les années 1980 et 1990 (Degrassi, Le Prince de Bel-Air) traitaient de sujets délicats comme le racisme et l’intimidation. La fillette micmaque que j’étais alors vivait à Terre-Neuve, et le monde réel que je connaissais était rarement aussi plaisant que ce que montrait la télévision. Heureusement, les valeurs et enseignements micmacs qui étaient partie intégrante de mon enfance m’ont aidée à tenir face au racisme et à l’intimidation dont j’ai fait l’objet.

J’ai récemment repensé à ce que j’avais vécu au sein du système d’éducation, des incidents qui, s’ils étaient néfastes sur le moment, ont néanmoins contribué à mon développement en tant qu’infirmière enseignante.

J’ai 10 ans et je suis tout sourire en attendant la grande annonce que fera mon enseignante, cette annonce dont je suis si fière : « La semaine prochaine, un invité spécial viendra nous parler des Micmacs de Terre-Neuve dans le cadre de l’unité sur notre patrimoine, dit-elle. » Je continue de sourire pendant qu’elle explique à mes camarades de classe que mon grand-père, le chef de bande, viendra à notre école.

Dès le lendemain de sa visite, j’entends des commentaires racistes et blessants. « Tu parles de privilégiés… pas d’impôts à payer. » « Tu nous feras la danse de la pluie la semaine prochaine? » On m’appelle « Pocahontas » et « la squaw ». J’ai déjà entendu toutes ces paroles, mais jamais dans ce genre de contexte : je suis avec mes pairs, avec qui on m’oblige à passer presque toutes mes journées sans que je puisse y échapper. Peut-être que l’enseignante n’a pas entendu leurs commentaires, mais quelque chose me dit que oui. Mon cœur bat à toute allure et j’ai les mains moites. Ne suis-je pas en sécurité ici?

Pendant ma préadolescence et mon adolescence, les commentaires sont devenus plus méchants, plus fréquents. Je voulais atténuer la douleur et m’intégrer. Je me suis donc éloignée de ma culture, j’ai abandonné les pratiques traditionnelles, évité les rassemblements et les activités.

Une décennie est passée et j’ai entamé mes études en sciences infirmières. Je me suis reconnectée à ma culture quand j’ai réalisé combien elle comptait pour moi. Même plus âgée et (relativement) plus sage, je restais prudente quand j’exprimais mes pensées et mes connaissances en classe, craignant que ma perspective autochtone ne soit pas appréciée ou comprise.

Nous allons parler aujourd’hui de logement et de santé en milieu autochtone. Une de mes compagnes de classe lance : « C’est difficile de plaindre des gens qui détruisent les maisons qu’on leur a construites; il y en a même qui donnent des coups dans les murs », puis elle ajoute « Désolée, Erica » en se tournant vers moi.

Une fois de plus, j’ai le cœur qui bat à toute vitesse, et les mains moites. J’essaye d’ignorer les regards et de me couper de la discussion. Tout à coup, un torrent de paroles s’échappe de ma bouche, comme si un barrage avait lâché :

« Est-ce que ces gens sont ceux qu’on a envoyés de force dans des pensionnats où ils ont peut-être été maltraités? On les a peut-être dépossédés de leurs terres, empêchés de vivre comme avant et forcés à changer de mode de vie. Peut-être que la maison n’était pas ce qu’ils voulaient ou ce dont ils avaient besoin. »

« C’est de l’histoire ancienne, me répond-on, et ces gens doivent tourner la page s’ils veulent fonctionner de nos jours. On ne peut pas aider des gens qui ne veulent pas s’aider. »

Personne ne la contredit. Je tremble. Pas parce que j’ai haussé la voix en classe, mais parce que ces stéréotypes et cette ignorance de l’histoire autochtone m’attristent profondément. Ne suis-je pas en sécurité ici?

La professeure continue son cours, expliquant que nous devons reconnaître nos croyances et valeurs personnelles, mais ne pas les laisser interférer avec notre capacité d’assurer des soins infirmiers. Assise là, dans la classe, je me demande combien de mes pairs pensent ainsi. Est-ce ainsi qu’ils exerceront?

Je suis parvenue à tirer beaucoup de bonnes de choses de mes années de baccalauréat, mais ce qui s’est passé ce jour-là n’était pas un incident isolé.

J’ai fini par devenir infirmière enseignante, d’abord en laboratoire et en soins infirmiers cliniques, avant de devenir professeure.

J’aborde l’histoire autochtone avec une classe d’étudiants de troisième année, et je mets l’accent sur l’impact des pensionnats, de la vie dans les réserves et de la Loi sur les Indiens. Quelqu’un dit à voix basse : « Je ne savais pas tout ça ». Certains étudiants sont visiblement mal à l’aise. Cette gêne m’est familière – et je n’ai pas oublié d’où elle me venait. Je m’arrête pour souligner que je ne souhaite accuser personne ou faire honte à qui que ce soit. L’objectif est de profiter de toutes les occasions pour combattre les stéréotypes, d’essayer de mieux se connaître les uns les autres et de jeter les bases d’un dialogue respectueux. C’est ainsi que l’on pourra discuter. Je veux qu’ils se sentent en sécurité ici.

Au fil de mon parcours, d’étudiante autochtone à infirmière enseignante autochtone, j’ai appris la nécessité d’encourager le dialogue, l’importance de ne pas minimiser la valeur des pensées, des idées et des sentiments et le fait que c’est bien de poser des questions. Je ne ferme pas les yeux lorsqu’il y a conflit et je n’évite pas les conversations difficiles, tant qu’elles sont respectueuses. Et je comprends mieux, aujourd’hui, certains des principes micmacs sur le pardon qui m’ont été enseignés il y a bien longtemps.

En sciences infirmières, tous les moments sont des occasions d’enseigner quelque chose. J’espère avoir la réputation d’une enseignante qui transforme les commentaires négatifs en occasions d’apprendre, au lieu de les ignorer, quelle que soit leur cible.

Remerciements

L’auteur a été inspirée par un discours prononcé par Sarah Anala, aînée et activiste inuite, à qui l’Université Memorial a décerné un doctorat honorifique en 2015. Elle souhaite également remercier son grand-père, Wilson Samms, et les autres membres fondateurs de la Fédération des Indiens de Terre-Neuve.


#opinions
#autochtones
#formation
#stigmatisation
0 comments
12 views

Connectez-vous pour laisser un commentaire