Dilemmes d’ordre éthique
La mise en œuvre du Code de déontologie de l’AIIC durant une pandémie
« Dans une situation d’urgence en matière de santé publique mondiale, devrions-nous nous fier sur nos opinions actuelles de ce qui est bon ou bien? Ou devrions-nous adapter nos croyances éthiques en raison de circonstances extraordinaires dans lesquelles nous nous trouvons? Ce questionnement peut-être très troublant. » Lire Considérations déontologiques pour les infirmières et infirmiers en cas de pandémie [PDF, 295 Ko] pour en apprendre d’avantage sur les enjeux au cœur de notre pratique en rapport avec la COVID-19. Cette publication comporte non seulement des nouveaux enjeux éthiques, mais aussi ceux qui ont été mis en évidence.
Autres ressources pertinentes du Code de déontologie de l’AIIC
Le Code de déontologie de l’AIIC contient les considérations éthiques pour le personnel infirmier lors d’une pandémie (AIIC, 2017).
À l’annexe B : Application du Code dans des situations choisies (pages 43 à 46), le Code stipule ceci :
Depuis toujours, les infirmières et infirmiers prennent soin de personnes qui en ont besoin, même dans des situations où leur propre vie ou santé est en danger (par exemple, dans des régions ravagées par la guerre, des régions de pauvreté extrême, des endroits insalubres, etc.). Les infirmières et infirmiers courent par ailleurs des risques lorsqu’ils prodiguent des soins à des personnes souffrant de maladies infectieuses ou transmissibles, que ces maladies aient été diagnostiquées ou non. Il n’en demeure pas moins que les catastrophes et les épidémies de maladies transmissibles exigent que tout le personnel soignant, y compris le personnel infirmier, se mobilise dans un effort exceptionnel. Selon le Code :
Lors d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine, y compris lors de flambées épidémiques, les infirmières et infirmiers ont l’obligation de prodiguer des soins tout en respectant les mesures de sécurité appropriées et conformément à la législation, à la réglementation et aux lignes directrices fournies par le gouvernement, les organismes de réglementation, les employeurs, les syndicats et les organisations professionnelles. (A9)
L’obligation de prodiguer des soins fait référence à l’obligation professionnelle du personnel infirmier de fournir des soins sécuritaires et éthiques, avec compétence et compassion, aux bénéficiaires de soins. Cependant, il est acceptable, dans certains cas, qu’une infirmière ou un infirmier puisse choisir de s’abstenir ou de refuser de prodiguer des soins (CRNBC, 2017b; CRNNS, 2014). Le concept de charge déraisonnable s’applique en ce qui a trait à l’obligation de prodiguer des soins et au fait de s’abstenir ou de refuser de prodiguer des soins. On estime qu’il existe une charge déraisonnable lorsque la capacité d’une infirmière ou d’un infirmier à fournir des soins sécuritaires répondant aux normes de pratique professionnelle est compromise par l’exercice d’attentes déraisonnables, le manque de ressources ou la pression de menaces constantes pesant sur son bien-être ou celui de sa famille (CRNBC, 2017b).
Les critères suivants peuvent aider le personnel infirmier à soupeser son obligation de prodiguer des soins en cas de catastrophe ou de flambée épidémique :
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L’importance du risque couru par le bénéficiaire de soins si l’infirmière ou l’infirmier ne lui apporte pas son secours;
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La mesure dans laquelle l’intervention infirmière est directement reliée à la prévention de préjudices;
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La mesure dans laquelle l’intervention infirmière permettra probablement de prévenir des préjudices;
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La mesure dans laquelle l’intervention infirmière présente des avantages qui l’emportent sur les torts auxquels l’infirmière ou l’infirmier s’expose et ne représente pas un risque plus grand que le risque acceptable pour l’infirmière ou l’infirmier (ANA, 2006).
Lorsque la pression exercée sur le système de soins de santé est excessive, les ressources matérielles peuvent s’avérer insuffisantes et placer le personnel infirmier et les autres fournisseurs de soins de santé dans une situation risquée. Les infirmières et infirmiers ont le droit de bénéficier de renseignements complets et véridiques afin de pouvoir respecter leur obligation de prodiguer des soins. Ils doivent connaître clairement les obligations et les attentes liées à leur rôle. Ils doivent par ailleurs bénéficier de soutien lorsqu’il s’agit de répondre à leurs propres besoins en matière de santé. Les employeurs ont quant à eux le devoir de protéger et de soutenir les membres de son personnel infirmier ainsi que de leur fournir l’équipement de protection et les fournitures nécessaires en quantités suffisantes afin de « minimiser de façon maximale » le risque d’infection auquel sont exposés les infirmières et infirmiers et les autres fournisseurs de soins de santé. Par le fait même, les infirmières et infirmiers doivent exercer leur jugement professionnel pour choisir et employer les mesures de prévention appropriées; pour choisir de concert avec l’équipe soignante les directives des organismes, des fabricants et des gouvernements sur l’utilisation et l’ajustement de l’équipement de protection personnelle les plus appropriées; ainsi que pour préconiser des changements lorsque les directives de l’organisme, du fabricant ou du gouvernement dans ce domaine ne respectent pas suffisamment les exigences à satisfaire pour prévenir des infections (OIIO, 2009b).
Les infirmières et infirmiers doivent envisager attentivement les devoirs liés à leur rôle professionnel et à l’obligation de prodiguer des soins par rapport à d’autres responsabilités à l’égard de leur propre santé ainsi qu’envers leur famille et leurs amis. Ils ont ainsi une idée claire des mesures à prendre en prévision ou au cours d’une situation d’urgence ou d’une pandémie de façon à mieux se préparer en vue d’une prise de décisions éthique le moment venu (AIIC, 2008; Thompson, Faith, Gibson et Upshur, 2006). Les énoncés relatifs aux valeurs et aux responsabilités exposés dans le Code appuient leur réflexion et leurs actions à cet égard.
A. Pour se préparer à répondre aux besoins en soins infirmiers lors de catastrophes ou de flambées épidémiques, les membres du personnel infirmier doivent :
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- collaborer avec des collègues, les syndicats et les comités mixtes de santé et de sécurité au travail et d’autres dirigeants afin d’élaborer des directives cliniques sur les interventions d’urgence s’inspirant des ressources disponibles et des lignes directrices des gouvernements, des associations professionnelles et des organismes de réglementation;
- se renseigner sur les directives établies au niveau régional, provincial et national au sujet de l’ordre de priorité à respecter dans la prestation de soins (p. ex. priorité fondée sur l’importance du besoin, sur la probabilité d’un résultat positif, etc.) et prendre part à l’établissement de ces directives;
- se renseigner sur la façon d’appuyer les fournisseurs de soins et ceux portant le fardeau physique et moral des soins;
- exiger de recevoir des mises à jour régulières à propos des mesures de sécurité à prendre afin de se protéger et d’éviter de devenir eux-mêmes des victimes d’une catastrophe ou d’une maladie;
- aider à trouver un moyen équitable de régler les conflits ou les différends concernant les exemptions de travail ou les exemptions relatives à la prophylaxie ou à la vaccination des fournisseurs de soins de santé;
- contribuer à l’élaboration de recommandations sur le traitement des plaintes et des pourvois en appel dans les limites du cadre de la santé et de la sécurité au travail.
B. En situation de catastrophe ou d’épidémie, un membre du personnel infirmier a l’obligation morale :
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- de se reporter à la réglementation et aux lignes directrices fournies par le gouvernement, les organismes de réglementation ainsi que les employeurs et les associations professionnelles;
- de contribuer à la prise de décisions les plus équitables possible en ce qui concerne la répartition des ressources;
- de soutenir l’établissement de priorités d’une façon aussi transparente que possible;
- de prodiguer des soins sécuritaires et éthiques, avec compétence et compassion (lors d’une catastrophe, en autant que les circonstances le permettent);
- d’aider à déterminer si les infirmières et infirmiers peuvent refuser de prodiguer des soins, à quel moment et de quelle façon;
- de préconiser l’utilisation des méthodes les moins restrictives possible lorsque les droits individuels d’une personne doivent être limités.