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Questions et réponses (1ère partie) : Les IFÉ comme partie de la solution à la pénurie infirmière au Canada

  
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Le personnel infirmier formé à l’étranger est déjà parmi nous, mettons-les à contribution

Par Carlo Mikhail L. Magno
17 octobre 2022
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Nous savons que certains établissements de soins de santé offrent des mesures incitatives aux infirmières et infirmiers retraités pour qu’ils retournent sur le marché du travail, et certaines organisations sont même prêtes à payer plus cher pour des infirmières et infirmiers itinérants. Ce qui signifie que ces employeurs devraient également être en mesure de canaliser certaines ressources pour aider les IFÉ à devenir la prochaine génération de main-d’œuvre infirmière.
Note de la rédaction : Dans l’article de la semaine dernière, Carlo Mikhail L. Magno décrit ce qu’est la vie d’un infirmier formé à l’étranger (IFÉ) travaillant au Canada depuis les dix dernières années. La revue Infirmière canadienne s’est entretenue avec lui pour savoir comment les IFÉ pourraient faire partie de la solution à la pénurie de personnel infirmier au Canada, un problème qui persiste depuis des décennies et qui a été aggravé par la pandémie.

D'après votre expérience, pensez-vous que le recrutement accru d’infirmières et infirmiers formés à l’étranger (IFÉ) serait une stratégie efficace pour remédier à la pénurie de personnel infirmier au Canada? Dans l’affirmative, comment recruter de façon plus éthique?

Je crois fermement que l’embauche d’IFÉ est une bonne stratégie pour remédier à la pénurie. Mais ce que beaucoup de gens ne savent peut-être pas, c’est qu’il y a déjà beaucoup d’IFÉ migrants ou résidents permanents au Canada, qui essaient d’obtenir un emploi dans le système de soins de santé. Je pense fortement que le Canada ne devrait pas avoir besoin de recruter activement des professionnels à l’étranger. La pénurie de personnel infirmier se produit à l’échelle mondiale en raison de la pandémie, et nous devrions veiller à ne pas aggraver le problème.

Gracieuseté de Carlo Mikhail L. Magno
« Je crois fermement que l’embauche d’IFÉ est une bonne stratégie pour remédier à la pénurie. Mais ce que beaucoup de gens ne savent peut-être pas, c’est qu’il y a déjà beaucoup d’IFÉ migrants ou résidents permanents au Canada, qui essaient d’obtenir un emploi dans le système de soins de santé », déclare Carlo Mikhail L. Magno.

Nous savons que certains établissements de soins de santé offrent des mesures incitatives aux infirmières et infirmiers retraités pour qu’ils retournent sur le marché du travail, et certaines organisations sont même prêtes à payer plus cher pour des infirmières et infirmiers itinérants. Ce qui signifie que ces employeurs devraient également être en mesure de canaliser certaines ressources pour aider les IFÉ à devenir la prochaine génération de main-d’œuvre infirmière, ce qui contribuerait à maintenir la profession beaucoup plus longtemps. Les IFÉ peuvent être à la fois une bonne solution à court terme et une réponse à long terme, mais seulement si nos gouvernements et les organismes de réglementation choisissent de le faire. Une augmentation de l’embauche des IFÉ peut faire complément à d’autres solutions, comme la hausse du nombre d’inscriptions en soins infirmiers dans les collèges et les universités.

L’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario a atteint un niveau record d’inscriptions d’IFÉ en 2022. Il s’agit d’une amélioration que nous devons reconnaître. C’est un pas dans la bonne direction. Cependant, nous devons également nous rappeler que tout ne doit pas s’arrêter là.

Le Canada utilise-t-il efficacement son bassin d’IFÉ à la lumière de la pénurie de personnel infirmier?

Il est important de se rappeler que l’embauche d’IFÉ ne signifie pas simplement leur donner un poste d’infirmière ou d’infirmier salarié. Les employeurs devraient donner aux IFÉ la possibilité de se perfectionner, de se diversifier et de se spécialiser. Après tout, une infirmière ou un infirmier peut remplir différentes fonctions. Accorder le permis d’exercice et l’emploi aux IFÉ devrait également signifier d’abolir les obstacles et de leur donner une chance d’être des chercheurs, des enseignants, ou des dirigeants, entre autres rôles.

Nous devrions nous pencher sur des questions comme : Existe-t-il suffisamment de possibilités pour les IFÉ de devenir des chercheurs cliniques? Dans l’affirmative, ces possibilités sont-elles facilement visibles ou accessibles? Si un IFÉ a une proposition de recherche, existe-t-il des moyens d’obtenir un financement et des conseils professionnels? Un IFÉ peut-il facilement établir un réseau professionnel et s’affilier à des établissements universitaires afin de poursuivre son rôle de chercheur?

Les IFÉ pourraient faire d’excellents enseignants. J’estime que les établissements universitaires devraient offrir davantage de programmes de mentorat aux IFÉ. Ne serait-il pas souhaitable de voir des IFÉ chevronnés offrir une orientation aux nouveaux IFÉ dans un cadre universitaire?

Il y a autant de possibilités qu’il y a de rôles infirmiers. Tout se résume à savoir si le Canada, dans son ensemble, est prêt à reconnaître ces possibilités. Il serait fantastique que les lecteurs de cet article puissent sensibiliser les gens au potentiel inexploité des IFÉ. En fin de compte, y parvenir aiderait à soutenir l’idée que le personnel infirmier en général (et pas seulement les IFÉ) fait partie intégrante des soins de santé à bien des égards. Et finalement, les patients et le public en tireraient des bienfaits.

Un problème potentiel pour les IFÉ est que certains cours ou obstacles universitaires sont difficiles à surmonter. Ces obstacles peuvent subsister même après que les IFÉ ont satisfait à toutes les exigences, notamment passer leurs examens pour prouver leur compétence à exercer.

Dans mon cas, j’étais infirmier auxiliaire autorisé en Ontario pendant près de dix ans, mais je n’ai pas pu suivre de nombreuses formations continues spécialisées parce qu’elles exigeaient un diplôme d’un établissement canadien. Ma seule option était de suivre un cours de rattrapage, que la plupart des IFÉ sont obligés de suivre avant d’obtenir leur permis. Je n’avais pas suivi le cours parce qu’on m’en avait dispensé; on m’avait dit de simplement passer l’Examen d’autorisation pour les infirmières auxiliaires autorisées (EAIAA). À l’époque, c’était un avantage pour obtenir rapidement mon permis d'IAA; mais plus tard, ce parcours s’est avéré être un obstacle à ma formation continue. C’était frustrant et contre-productif. Peut-être que ma situation était rare, ou peut-être qu’elle ne se produit plus – pour le bien des IFÉ, je l’espère.

Des scénarios comme le mien peuvent miner le potentiel des IFÉ. Je voulais élargir mes connaissances et améliorer mes compétences de façon à pouvoir évoluer comme infirmier et offrir de meilleurs soins aux clients, mais on m’en a empêché. Dans mon esprit, le fait d’être un IFÉ équivalait en quelque sorte à être infirmier de seconde classe. Bien que j’aie prouvé que je pouvais travailler au même titre que les diplômés canadiens, je n’étais toujours pas en mesure de me diversifier et de me spécialiser aussi facilement qu’eux. Cette situation a créé un cercle vicieux dans lequel je ne pouvais pas postuler à de nouvelles possibilités d’emploi, parce qu’une condition préalable était de suivre des cours qui n’étaient pas accessibles.

Si vous pouviez changer un aspect de la politique actuelle pour faciliter le processus d’intégration des IFÉ, quel serait-il?

La réponse générale serait d’améliorer le processus de demande, mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

La rationalisation du processus de demande doit devenir une priorité.

Il devrait y avoir des liens plus étroits entre les gouvernements, les organismes de réglementation, les hôpitaux et les établissements universitaires pour aider à rationaliser le processus pour les IFÉ.

Un bon exemple serait le cheminement de carrière des IFÉ de l’Hôpital Sunnybrook de Toronto. Un autre exemple est le programme de partenariat en matière d’Expérience d’exercice infirmier sous supervision de l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, récemment introduit, qui permet aux candidats d’acquérir de l’expérience  sous supervision afin de démontrer leurs connaissances, leurs compétences et leur jugement actuels en matière de soins infirmiers, ainsi que leurs compétences linguistiques. Ces programmes sont extrêmement utiles et peuvent être étendus pour avoir plus de créneaux. Ils pourraient servir de modèles à d’autres hôpitaux et provinces.

La rationalisation du processus de demande doit devenir une priorité. Les soins de santé sont un droit universel et tant que nous n’aurons pas suffisamment d’infirmières et d’infirmiers pour répondre aux besoins du public, la sécurité des patients sera menacée.

Le Canada compte de nombreux IFÉ qui ne font qu’attendre les résultats de leur évaluation. Par exemple, en Ontario, en janvier de cette année, il a été signalé qu’environ 15 000 infirmières et infirmiers autorisés (IA) attendaient que leur demande soit traitée. Il est compréhensible que les organismes de réglementation aient besoin de vérifier à la fois la formation d’un IFÉ et sa capacité à exercer en toute sécurité. Le problème est que le système est trop lent. Il existe un délai maximal entre la date à laquelle un IFÉ a travaillé ou étudié pour la dernière fois et le moment où il peut demander son permis et, malheureusement, les longs délais d’attente signifient souvent que ce délai est écoulé. Lorsque cette situation se produit, certaines des étapes que l’IFÉ a déjà franchies sont remises à zéro. Si les organismes de réglementation disposaient d’un plus grand nombre d’évaluateurs, ces demandeurs, dont le temps d’attente pour le traitement les a fait sortir de la « récence », auraient peut-être été autorisés à exercer plus tôt.

De nombreux candidats sont même prêts à retourner aux études et à suivre des cours de rattrapage ou de transition. Cependant, ils ne peuvent généralement pas faire de demande avant d’avoir obtenu l’évaluation de leur organisme de réglementation.

Les difficultés financières sont un autre facteur important. Le processus de candidature entraîne de nombreux frais. Outre les frais de demande élevés, qui couvrent l’évaluation des compétences des IFÉ, il y a également d’autres dépenses liées aux examens de compétences et aux examens de maîtrise de la langue, ainsi que des frais pour demander aux établissements d’enseignement d’envoyer des documents importants aux organismes de réglementation. En attendant l’évaluation, certains candidats sont contraints de rentrer chez eux et de se porter volontaires pour renouveler leurs exigences en matière de pratiques sûres. Ce qui signifie dépenser des milliers de dollars pour des billets d’avion et passer des semaines dans un emploi non rémunéré. S’il existait davantage de possibilités comme le programme de partenariat de l’Ontario, de nombreux IFÉ pourraient en bénéficier.

Le gouvernement de l’Ontario a récemment annoncé qu’il paierait les frais d’examen, de demande et d’autorisation pour les IFÉ et les infirmières et infirmiers retraités, ce qui leur permettrait d’économiser jusqu’à 1 500 $. J’encourage les autres gouvernements provinciaux et territoriaux à envisager aussi de telles initiatives, car elles seraient d’une grande aide pour de nombreux IFÉ.

Nous avons un bassin d’infirmières et d’infirmiers compétents prêts à travailler. Il s’agit simplement de savoir si le Canada veut utiliser une ressource aussi riche et diversifiée. Comme le veut l’ancien proverbe : « Là où il y a de la volonté, il y a un chemin. » Les IFÉ font déjà tout ce qu’ils peuvent pour prouver qu’ils sont aptes et qu’ils répondent aux exigences. Il incombe maintenant aux Canadiens de réaliser ce potentiel et de donner aux IFÉ davantage de possibilités.

Lisez la deuxième partie de cet article Questions et réponses de Carlo Mikhail L. Magno la semaine prochaine et son article original, Être à la hauteur : le parcours et la perspective d’un infirmier formé à l’étranger durant la pandémie de COVID-19.


Carlo Mikhail L. Magno, IAA, est un infirmier formé à l’étranger, né aux Philippines, qui a travaillé en soins primaires et en soins de longue durée à Toronto de 2014 à 2022.
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