Blog Viewer

Ne pas laisser le bébé tomber par terre et autres conseils d’une infirmière dans le Nord

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2019/12/12/dont-let-the-baby-hit-the-floor-and-other-advice-f
déc. 12, 2019, Par: Laura Eggertson
Sue and Alan
Sue et Alan admirent le paysage près de Dease Lake.

Une demi-heure après avoir commencé son premier quart à l’hôpital de 45 lits d’Uranium City, une communauté éloignée de la Saskatchewan, Sue Hotson a mis au monde son premier bébé.

Elle était terrifiée. À 24 ans, diplômée en sciences infirmières du Collège Cambrian, situé à Sudbury (Ont.), où elle avait grandi, Mme Hotson n’avait jamais effectué ne serait-ce qu’un examen pelvien, encore moins un accouchement.

Mais le bébé allait naître. Alors, avec l’aide d’une infirmière plus expérimentée pour la guider, Mme Hotson se répétait sans cesse ce qui est devenu son mantra pendant ses 42 années de soins infirmiers dans des hôpitaux et cliniques isolés dans le Nord du Canada : « Surtout, ne le laisse pas tomber par terre ».

Depuis cette première nuit de 1977 où le docteur est arrivé en même temps que le bébé, Mme Hotson a mis au monde près de 100 bébés. Elle a assisté à la naissance de centaines d’autres.

La courbe d’apprentissage a été rapide pour l’infirmière qui, après avoir été intimidée par des infirmières dans la maternité où elle faisait sa formation, avait affirmé à un instructeur qu’elle préférerait vivre de l’assistance sociale que travailler dans une maternité.

Contrairement à ses collègues des zones urbaines du Canada, Mme Hotson n’a pas eu le luxe de choisir sa spécialité. À Uranium City, McLenna et High Prairie (Alberta), à Watson Lake (Yukon), à Iqaluit (Nunavut) et dans son poste actuel d’infirmière et directrice au Stikine Health Centre à Dease Lake (Colombie-Britannique), Mme Hotson a traité toutes les maladies et blessures qui se sont présentées.

Souvent, elle a été la seule infirmière de service pendant un quart, et parfois la seule professionnelle de la santé disponible.

Apprendre les bases

Elle a appris à aimer la surprenante diversité des soins infirmiers dans le Nord. Sa nature imperturbable, un bon sens de l’humour et la confiance qu’elle a dans ses compétences l’ont aidée à affronter l’imprévu. À son avis, ces traits de caractère sont essentiels à quiconque envisage ce type de carrière.

Elle recommande de travailler un an ou deux en soins infirmiers d’urgence ou médicaux et chirurgicaux, car c’est le gros du travail dans les petites communautés.

Elle a appris à aimer la surprenante diversité des soins infirmiers dans le Nord.

« Vous savez ce que vous devez faire, faites-le bien et assurez-vous que vos patients sont bien soignés. Vous ne deviendrez des spécialistes en rien, mais vous deviendrez certainement bons en tout », affirme-t-elle.

Accouchements par le siège et fusillades, incendies et blessures par pales d’hélicoptère, accidents de voiture et suicides, Mme Hotson a traité traumatismes et maladies de routine. En parallèle, elle a obtenu son B. Sc. inf. de l’Université Athabasca, un certificat d’études supérieures en soins infirmiers d’urgence du BC Institute of Technology et un certificat en médecine légale de l’Université Mount Royal de Calgary.

Elle s’est fait des amis pour la vie, est devenue redoutable au Scrabble, a dévoré des rayonnages entiers de romans policiers, contemplé en randonnée des panoramas sauvages époustouflants, fait du bateau sur des lacs aux eaux limpides et écouté de la musique country et bluegrass pendant des heures et des heures.

Dans toutes ces aventures, et jusqu’à sa mort en 2017, le partenaire de Mme Hotson était son mari, Alan. C’est grâce à leur relation qu’elle a pu vivre ainsi, loin de tout.

« Nous n’avions pas besoin de beaucoup de stimulations externes, où que nous vivions. Nous allions travailler et passions beaucoup de temps ensemble », raconte-t-elle.

Être préparé

Ces 20 dernières années, Mme Hotson a exercé à Dease Lake, un village de 400 habitants dans la partie intérieure du Nord de la Colombie-Britannique, juste au sud de la frontière avec le Yukon. Le Stikine Health Centre assure les soins de 2 000 personnes qui vivent dans une zone géographique de la taille de la France.

L’hôpital, l’aéroport et le centre commercial les plus proches sont à sept heures de route vers le sud, à Terrace (C.-B.), ou à neuf heures de route vers le Nord, à Whitehorse.

« On doit être préparé pour tout ce qui pourrait arriver et savoir que l’aide n’arrivera pas avant longtemps. »

La clinique de soins primaires que gère Mme Hotson est ouverte de 8 h 30 à 16 h 30 du lundi au vendredi. Deux médecins vivent dans la communauté et un autre vient de l’extérieur, et il y a deux postes et demi d’infirmières ainsi qu’un poste de technicien de laboratoire et radiologie. Un médecin et une infirmière sont de garde après les heures d’ouverture et la fin de semaine.

En cas d’urgence grave, les patients sont transportés par ambulance aérienne, mais quand c’est impossible parce qu’il fait mauvais, Mme Hotson et son équipe doivent se débrouiller. Mme Hotson peut faire des radios et des analyses de laboratoire si nécessaire. Elle a déjà mis un bébé au monde à l’arrière d’un avion et un autre dans une ambulance coincée dans un fossé enneigé.

« On doit être préparé pour tout ce qui pourrait arriver et savoir que l’aide n’arrivera pas avant longtemps », souligne Mme Hotson.

En cas d’urgence difficile à gérer, tout le monde est appelé à l’aide.

Moose
Vue depuis la salle du personnel au Stikine Health Centre.

Les membres de la famille répondent au téléphone

Il y a 12 ans, une de ces urgences a été un incendie.

Un matin, Mme Hotson a reçu l’appel à 5 h 30 une fin de semaine. Elle s’est précipitée à la clinique avec le seul docteur de la ville à ce moment-là pour recevoir une mère, un père et un garçon de 14 ans. Ils avaient tous inhalé de la fumée, et les parents avaient des brûlures graves.

Mme Hotson a appelé l’autre infirmière de la communauté, une mère seule, qui a déposé ses enfants chez Mme Hotson pour que son mari les garde pendant qu’elle serait à la clinique. Mme Hotson a ensuite recruté des membres de la famille des patients pour répondre au téléphone.

Après avoir évalué les patients, le docteur et les infirmières ont intubé le père, et les ambulanciers ont actionné la pompe à la main pour le réanimer.

Ils ont ensuite intubé la mère, et ils commençaient à s’occuper du garçon quand l’équipe pédiatrique est arrivée par ambulance aérienne et a pris le relais.

Six heures plus tard, ils avaient stabilisé les patients et les avaient emmenés par ambulance aérienne. Ils ont tous les trois survécu.

Le rythme intense et le travail en équipe, tant avec ses collègues qu’avec les membres de sa communauté, sont d’autres aspects du travail dans le Nord qui plaisent à Mme Hotson. « On tisse des liens très forts », fait-elle valoir.

Le soutien de la communauté est essentiel

Vivre dans un village comporte son lot de difficultés, cependant, car il faut maintenir certaines limites professionnelles. Elle est arrivée à se faire quelques amis proches et à entretenir des rapports amicaux avec le reste de ses patients, ses interactions sociales se limitant principalement à son mari.

Ses liens avec la communauté sont néanmoins devenus essentiels quand Alan a été atteint de la maladie d’Alzheimer. Mme Hotson s’est occupée de lui à la maison pendant trois ans tout en travaillant à temps plein. Son fils Michael vivant à Pictou (N.-É.), elle a dû compter sur ses compétences infirmières et sur ses amis.

Les médecins venaient voir Alan à domicile. Des amis passaient voir s’il allait bien. Une aide de maintien à domicile passait deux fois par jour.

« C’était vraiment difficile. J’étais tout le temps fatiguée », se souvient Mme Hotson.

Elle dormait sur un matelas au pied du lit d’hôpital installé dans leur salon, pour les nuits où Alan tombait et qu’elle ne pouvait pas le relever avant le matin.

La mort d’Alan, alors qu’il était à Smithers (C.-B.) pour des soins de relève, a été une bénédiction pour lui, estime Mme Hotson. Il aurait fallu qu’il parte bientôt en foyer de soins de longue durée. Mais elle ne supporte pas l’idée de vivre dans la maison qu’ils avaient achetée pour leur retraite en Nouvelle-Écosse, et prévoit donc de la vendre.

« Je l’ai connu pendant 50 ans et nous avons été mariés – religieusement – pendant 45 ans. Nous étions heureux, juste nous deux. »

Quand elle prendra sa retraite début 2020, Mme Hotson compte voyager. Elle ne sait pas encore si elle reviendra aux soins infirmiers, mais elle a suivi des cours en médecine légale dans l’espoir de travailler dans le bureau d’un coroner provincial.

Et bien sûr, il se pourrait aussi qu’elle reprenne le travail.

« Ça dépend si je m’ennuie beaucoup ou pas », ajoute-t-elle en riant.


Laura Eggertson is a freelance journalist in Wolfville, NS.

#profils
#rôlesinfirmiers
#environnementsdepratique
0 comments
29 views

Connectez-vous pour laisser un commentaire