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La contradiction de Noël

  
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Nous sommes tous Canadiens; nous sommes tous des êtres humains, avec des espoirs et des rêves. J’espère que la contradiction de Noël s’atténuera bientôt, et je sais que des infirmières et des infirmiers travaillent tous les jours dans ce but.

Par Barb Shellian
11 décembre 2019
Gracieuseté de Barb Shellian
« Pour moi, Noël est synonyme d’espoir, de réflexion et de moments en famille. Mais en 2016, un autre thème s’est associé à Noël pour moi : la contradiction. De bien des façons, je n’ai plus jamais été la même après Noël 2016 », dit Barb Shellian.

Les fêtes approchent. Ma famille et moi célébrons Noël; j’adore Noël, je ne peux pas le nier. Depuis toujours et pour toujours. Je fais partie des gens qui commencent à jouer de la musique de Noël en octobre, qui installent les lumières de Noël avant les voisins et qui ouvrent la plupart de leurs cadeaux avant même le matin de Noël! Pour moi, Noël est synonyme d’espoir, de réflexion et de moments en famille.

Mais en 2016, un autre thème s’est associé à Noël pour moi : la contradiction. De bien des façons, je n’ai plus jamais été la même après Noël 2016.

Je chante dans la chorale de Bow Valley et, bien sûr, nous donnons toujours un concert de Noël. En 2016, nous avons eu un succès fou et nous avons fini sur l’Alléluia du Messie de Handel, avec une section de cuivres complète, des percussions et un orgue : le grand jeu! Nous avons eu droit à une ovation, et j’ai fini le concert le souffle coupé par l’émotion d’avoir chanté cette extraordinaire pièce (l’impression de m’être fait exploser une amygdale sur les aiguës y était peut-être aussi pour quelque chose, mais c’était malgré tout un moment formidable). Chanter « King of Kings and Lord of Lords, hallelujah » m’a catapultée dans l’esprit des fêtes avec un sourire sur les lèvres et une chanson dans le cœur.

Deux jours plus tard, j’ai rencontré des anges.

L’association infirmière de Colombie-Britannique m’a invitée à assister à un forum organisé d’urgence et consacré à la crise des opioïdes qui frappe la province et l’ensemble du pays. Le leadership dont ont fait preuve les infirmières et infirmiers de C.-B. est transformateur : ils savent qu’il faut faire quelque chose, et ils travaillent sans relâche pour sauver des vies et défendre les droits des êtres humains pris au milieu de cette terreur. Ils savent aussi que la réduction des méfaits fonctionne, et le fait que l’on remette même en cause la nécessité du financement et du soutien pour ce drame canadien est d’une grande tristesse. Le forum a été productif, axé sur l’action, et j’en suis repartie déterminée à continuer de travailler avec le personnel infirmier pour intervenir et apporter mon soutien dans la crise des opioïdes.

C’est alors que les anges sont arrivés.

Après le forum, j’ai eu l’occasion d’accompagner une infirmière de proximité qui travaille dans le Downtown Eastside, à Vancouver, un quartier qu’évitent beaucoup de gens bien intentionnés, mais aussi celui qui est au cœur de la crise des opioïdes. Le nombre de surdoses et de morts dans le Downtown Eastside en est venu à faire les manchettes au Canada : des reportages nous montrent les efforts déployés pour ramener des gens à la vie dans des ruelles et au coin des rues. Ce que j’ai vu, moi, c’était la réduction des méfaits à l’œuvre.

L’infirmière que j’accompagnais a parcouru le quartier avec moi et m’a montré les sites d’injection supervisée où personne n’est mort. Je l’ai vue poser ses mains sur des gens affalés dans des entrées pour s’assurer qu’ils respiraient et qu’ils étaient tout simplement endormis, pas en train de faire une surdose.

Je l’ai vue rendre visite à des gens dans des hôtels pour leur rappeler de prendre leurs médicaments pour le VIH et vérifier l’évolution de leurs blessures.

Je l’ai vue vérifier auprès du personnel de refuges s’ils avaient bien les fournitures nécessaires à la réduction des méfaits, de la naloxone et du matériel d’assistance respiratoire.

Je l’ai vu chercher dans le quartier des clients qu’elle n’avait pas vus depuis quelque temps, parce qu’elle se faisait du souci pour eux.

La résilience est ce qui m’a frappée durablement. La résilience des gens qui vivent dans le Downtown Eastside et la façon dont ils s’en sortent au quotidien, et la résilience des infirmières et infirmiers qui consacrent leur pratique à améliorer les choses dans ce quartier. Ils savent que la réduction des méfaits sauve des vies, ils savent que l’on a de toute urgence besoin de plus de sites de consommation supervisée et ils savent que chaque personne vivant dans le Downtown Eastside – ici même, au Canada – est un être humain précieux, digne de leurs efforts. Pas d’ovation ou de bravo ici, juste du travail acharné. Le voir de mes yeux était un cadeau de Noël d’une valeur indicible.

La contradiction de Noël m’est apparue dès le retour chez moi. En matière de déterminants sociaux de la santé, ma situation est assez solide : j’ai une belle maison, une famille formidable, un emploi, une éducation, une bonne santé. Mon Noël sera une célébration. Mais pour mes nouveaux amis du Downtown Eastside, les déterminants sociaux de la santé comportent des lacunes : pauvreté, itinérance, accès insuffisant à des services de santé mentale, peu de possibilités en matière d’éducation, structures familiales éclatées, absence d’emploi. Leur Noël à eux sera une célébration différente : celle de la survie.

Nous sommes tous Canadiens; nous sommes tous des êtres humains, avec des espoirs et des rêves. J’espère que la contradiction de Noël s’atténuera bientôt, et je sais que des infirmières et des infirmiers travaillent tous les jours dans ce but.

J’ai toujours été fière d’être infirmière autorisée, et me tenir au côté des infirmières et infirmiers du Downtown Eastside et les avoir pour collègues est pour moi un privilège. Ils personnifient les soins de santé primaire en action, les connaissances et le savoir-faire infirmiers par excellence et le plaidoyer pour les déterminants sociaux de la santé.

Leur travail à eux mérite une ovation. Alléluia!


Rédactrice en chef, Barb Shellian est infirmière autorisée, et la pratique infirmière, la réforme des soins de santé et les gens lui tiennent à cœur. Présidente sortante de l’Association des infirmières et des infirmiers du Canada, elle est aussi directrice de la Santé rurale pour Alberta Health Services, région de Calgary. Elle vit et travaille à Canmore, en Alberta.

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