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Transitions : Adaptation à la vie professionnelle

  
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Des novices et des leaders parlent des difficultés auxquelles se heurtent les diplômés en entrant dans la vie active et des soutiens dont ils disposent

mai 02, 2016, Par: Kate Jaimet
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Cette année, des milliers d’étudiantes et étudiants canadiens décrocheront leur diplôme en sciences infirmières et entreront dans le monde du travail, où ils pourraient avoir un choc en découvrant de lourdes charges de travail et des milieux de pratique où il faut faire vite. En complément du mentorat et des stages cliniques offerts par les hôpitaux et les écoles de sciences infirmières pour les préparer au monde du travail, les nouveaux diplômés constituent leurs propres réseaux de soutien et gardent souvent le contact grâce aux médias sociaux. Pour l’essentiel, les nouveaux diplômés et les chefs de file des soins infirmiers s’entendent pour dire que les difficultés de la transition ne sont pas insurmontables.

« Je pense que cela aide beaucoup d’avoir un bon groupe d’amis qui nous soutiennent et de rester en contact avec nos mentors », avance Tonie Castro, qui a obtenu son diplôme de Langara College à Vancouver en décembre 2015 et qui travaille maintenant au Burnaby Centre for Mental Health and Addiction. « Les six premiers mois sont les plus durs, et si la transition se passe bien pour moi, je crois que c’est grâce à mon groupe de soutien. »

Trouver un emploi à temps plein

La première épreuve pour beaucoup de diplômés en sciences infirmières est de trouver du travail.

« Ces trois dernières années, trouver un poste permanent a été très difficile, à moins d’aller dans des régions isolées ou de vivre dans certaines régions des provinces atlantiques », affirme Linda Silas, présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers.

Catherine Polvi a obtenu son diplôme de l’Université Dalhousie en mai 2015. Le QEII Health Sciences Centre à Halifax l’a embauchée en janvier de la même année, et elle a commencé à travailler à l’unité d’hématologie et oncologie sur le campus du Victoria General quatre jours après avoir eu son diplôme.

« J’ai décroché mon premier choix et tous mes amis aussi. Pratiquement tous les gens que je connais ont obtenu plus ou moins le poste dont ils rêvaient », dit-elle.

Mais Bryce Boynton, étudiant à l’Université de la Saskatchewan et président de l’Association des étudiant(e)s infirmier(ère)s du Canada, soutient que la majorité des nouveaux diplômés qu’il connaît en Saskatchewan acceptent des postes occasionnels en attendant de dénicher un travail à temps plein.

Pour Mme Castro, elle doit son poste au Burnaby Centre au fait qu’elle a impressionné la gestionnaire pendant son dernier préceptorat. Le poste correspond à son objectif de travailler auprès de populations marginalisées, mais elle n’y travaille pas encore à temps complet, et ce milieu de pratique n’était pas son premier choix.

« Je voulais un travail en santé publique, mais c’est un milieu difficile d’accès pour les nouveaux diplômés, explique Mme Castro. Je suis contente de pouvoir travailler dans le domaine de la santé mentale et des toxicomanies, et pour le moment, ça me plaît. »

Trouver ses marques

Quand elles commencent à exercer, les nouvelles recrues trouvent parfois la charge et le rythme de travail difficiles, admet Lori Lamont, vice-présidente de la pratique interprofessionnelle et chef des soins infirmiers de l’Office régional de la santé de Winnipeg, qui embauche chaque année 200 nouveaux diplômés en soins infirmiers. D’un à deux patients, quand ils étaient étudiants, ils passent à quatre, voire huit, une fois qu’ils travaillent comme infirmiers et infirmières autorisés. De plus, les hospitalisations étant devenues plus courtes, les patients actuels sont souvent plus gravement malades que ceux d’il y a 20 ans.

Les stages cliniques pendant les études peuvent faciliter la transition, estime Mme Lamont, qui est aussi présidente de l’Académie des chefs de direction en soins infirmiers. « Ici, la dernière année du premier cycle, les étudiants au collège Red River et à l’Université du Manitoba doivent faire un stage, explique-t-elle. La plupart trouvent ensuite un emploi là où ils ont fait leur stage. Ils sont ainsi en terrain connu, ce qui leur fait un peu moins de nouveauté à maîtriser. »

Selon Sheri Price, professeure et chercheuse en sciences infirmières à l’Université Dalhousie, tous les hôpitaux canadiens offrent un programme d’orientation aux nouveaux infirmiers et infirmières. Certains apportent un soutien complémentaire pendant la première année suivant l’obtention du diplôme. C’est le cas de l’IWK Health Centre, un hôpital pour enfants à Halifax.

« Nous avons créé un poste pour diplômés récents. Le poste consiste à coordonner les séances de formation à l’intention des nouveaux diplômés trois ou quatre fois par an. L’idée est de les réunir pour qu’ils puissent se soutenir mutuellement dans leur apprentissage et leur transition à la vie professionnelle. Nous leur demandons de définir leurs besoins en matière d’apprentissage et nous nous efforçons d’y répondre dans le cadre des séances de formation, explique Mme Price. Nous avons créé un groupe Facebook et un compte Twitter pour qu’ils puissent rester en contact, raconter ce qui les a aidés et s’entraider. »

Certains chefs de file des soins infirmiers estiment que les programmes de transition bénéficient énormément aux nouveaux diplômés et devraient être développés. Selon Cynthia Baker, directrice générale de l’Association canadienne des écoles de sciences infirmières, tous les nouveaux infirmiers et infirmières au Canada devraient avoir accès à un programme d’orientation progressive en cours d’emploi, comme le programme de résidence.

« En médecine, une longue résidence précède quelque pratique indépendante que ce soit. On n’a pas ça en soins infirmiers, fait observer Mme Silas. De 2002 à 2009, nous avons mis en place d’excellents programmes de mentorat dans tout le pays, où des infirmières et infirmiers chevronnés et de nouveaux diplômés sont jumelés. Les évaluations étaient excellentes. Puis les hôpitaux se sont vu imposer des compressions, et tous les programmes de mentorat ont disparu, sauf en Ontario. »

De grosses responsabilités

Même pour Mme Polvi, qui avait fait un stage clinique à l’unité où elle a décroché un poste, la situation a changé quand elle y a pris ses fonctions. « On est responsable de nos patients et de tout ce que l’on fait, précise-t-elle. Même à la maison, on s’inquiète de tout ce que l’on a fait – c’est très stressant. »

Il faut se faire confiance, croit Mme Castro, et se servir des compétences acquises pendant les études pour ce qui est de prendre des décisions. « Il faut avoir assez d’assurance pour suivre son jugement », ajoute-t-elle.

Lorsqu’ils font des stages cliniques, les étudiants sont souvent écartés quand l’état des patients commence à se détériorer rapidement, déplore Mme Lamont. Cela se comprend, mais une fois diplômés, les étudiants ne sont pas préparés à surmonter ce type de situation. Pour combler cette lacune, certaines écoles de sciences infirmières se servent de laboratoires de simulation, où les patients sont des mannequins informatisés, pour exercer les étudiants à prendre des décisions dans des situations critiques.

« Ils sont sophistiqués, fait valoir Mme Baker, qui a créé un laboratoire de simulation haute fidélité à l’Université Queen’s en 2005, lorsqu’elle était directrice de l’école de sciences infirmières. On peut “tuer” le mannequin si on se trompe, et on n’oublie jamais l’erreur clinique que l’on a commise. Ces laboratoires marchent bien, selon moi, pour aider à préparer les nouveaux diplômés à des situations de pratique clinique. »

Mme Price et ses collègues cherchent des façons d’utiliser des jeux vidéo pour renforcer les compétences de communication, en mettant les étudiants dans des situations virtuelles où ils doivent gérer des interactions difficiles avec des patients, des collègues ou des directeurs. « Beaucoup d’étudiants jouent déjà à des jeux, fait-elle remarquer, alors nous cherchons à utiliser des jeux sérieux pour favoriser leur développement professionnel. »

Gérer le stress
Travailler dans une unité verrouillée avec des patients atteints de maladie mentale peut être stressant, souligne pour sa part Mme Castro. « Ils deviennent parfois très agités. S’ils sont en manque de drogue ou d’une cigarette, c’est souvent vers une infirmière qu’ils se tournent… Il arrive qu’ils nous injurient et ils peuvent même nous agresser, ajoute-t-elle. Ça use, parfois. »

Elle essaye de gérer le stress en demandant l’aide de ses collègues et en dosant ses efforts. Ses conseils? « Apprenez à prendre vos pauses à l’heure. Sachez quelles sont vos limites. Trouvez du temps pour méditer au cours de la journée. »

Les gestionnaires doivent prendre le temps de faire le point avec les nouveaux infirmiers et infirmières après une situation complexe, souligne Mme Lamont, et de sensibiliser le reste du personnel infirmier aux difficultés que doivent surmonter leurs collègues débutants pour s’adapter à la vie active. « Beaucoup de notre nouveau personnel en soins infirmiers fait l’objet d’intimidation ou d’un manque de respect au travail. Il nous arrive, à nous qui avons de l’expérience, de leur faire des commentaires qui minent leur assurance et leur donnent le sentiment qu’ils ne seront jamais à la hauteur. »

Pourtant, un milieu de travail solidaire facilite grandement la transition. « J’ai emmené un patient aux soins intensifs, récemment. Quelqu’un m’a accompagnée et m’a dit “Je reste avec toi, je vais t’expliquer et te dire quoi faire”, raconte Mme Polvi. Quand un patient ne va pas bien, tout le monde donne un coup de main. »

Bâtir sa carrière
En 2009, Mme Price a lancé une étude longitudinale sur cinq ans, suivant 12 étudiants depuis leur entrée à l’école de sciences infirmières jusqu’à un an après l’obtention de leur diplôme. Elle a été surprise de découvrir combien cette génération du millénaire se soucie du développement et de la planification de sa carrière. « Ils veulent qu’on leur demande où ils souhaitent être dans un an, cinq ans, dix ans, et qu’on les aide à se faire un plan. »

Selon Mme Price, professeurs, gestionnaires et mentors peuvent aider les étudiants et les nouveaux diplômés en les informant sur le type de cours et d’expérience complémentaires dont ils auront besoin pour aller vers d’autres spécialités et d’autres domaines de pratique.

Mme Polvi vient de terminer un cours de chimiothérapie et envisage maintenant une certification en oncologie avec l’AIIC. « J’ai envie d’apprendre, lance-t-elle. Nous n’avons pas toujours le temps de faire des recherches approfondies sur les problèmes de santé de nos patients, car nous sommes trop occupés à les soigner. J’ai indéniablement envie de suivre d’autres formations. »

Les programmes de transition offerts aux nouveaux infirmiers et infirmières sont-ils suffisants? Le débat n’est pas clos, mais pour Mme Price, cette génération est bien informée, bien préparée et dévouée dans ses soins aux patients. « Tous les étudiantes et étudiants à qui j’ai parlé m’ont dit que la transition n’avait pas été aussi brutale qu’anticipée, et ils ont su trouver le soutien qui les aiderait. »


Kate Jaimet est journaliste indépendante à Ottawa.

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