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Retraite : bien choisir quand arrêter

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2013/03/01/retirement-finding-the-right-time-to-go

Qu’on la voie arriver avec enthousiasme ou anxiété, quand on approche de la retraite, on se pose souvent les mêmes questions : Est-ce je prends encore plaisir à mon travail? Comment vais-je remplir mes journées après? Ai-je même les moyens de m’arrêter de travailler? Nous avons demandé à cinq infirmières qui ont pris leur retraite ou en approchent à grands pas de nous expliquer ce qui avait influencé leur décision de prendre leur retraite... ou de continuer à travailler.

mars 01, 2013, Par: Kate Jaimet
Beverly Gilbert standing in a hospital room, dressed for work.
Michael Ivanin, Burlington Post
Beverly Gilbert travaille toujours, à titre occasionnel, à l’hôpital où elle a travaillé 50 ans avant de prendre sa retraite.

Beverly Gilbert a pris sa retraite en janvier 2012, mais cette infirmière de 71 ans continue à faire des quarts, à l’occasion, à l’hôpital où elle travaille depuis 50 ans. Ses collègues au Joseph Brant Memorial Hospital de Burlington (Ontario) sont comme sa famille, et aller travailler est une façon de garder le contact. Mme Gilbert continue à tirer satisfaction de son travail où elle met toute une vie de connaissances à profit pour évaluer la santé des patients et les préparer pour des opérations.

Pendant sa longue carrière, Mme Gilbert a travaillé dans divers services de l’hôpital et fait un nombre incalculable de quarts de nuit et de fin de semaine. Puis, il y a 15 ans, elle a pris la direction du service opératoire, où elle s’occupait entre autres de la consignation des antécédents médicaux, de la prescription de tests sanguins et de l’évaluation des patients. « C’était parfait pour une femme de près de 60 ans, dit-elle. Que des quarts de jour, rien de trop physique et des occasions d’utiliser toute l’expérience que j’avais acquise au fil des ans. »

Vers la fin de la soixantaine, elle est passée à un emploi partagé, pour se préparer à la retraite. Maintenant, elle accepte quelques quarts qui lui conviennent. Convaincue que les travailleurs âgés ont beaucoup à offrir, Mme Gilbert n’a pas l’intention d’arrêter de travailler pour le moment. « C’est rassurant d’aller travailler et de savoir que j’ai encore les compétences pour faire mon travail... Ça ferait un peu peur de penser qu’on devient trop vieille pour continuer. »

Le meilleur des deux mondes

Comme Mme Gilbert, Bridget Cooksey, infirmière depuis 40 ans, a du mal à envisager la vie sans travailler. Elle avait pensé prendre sa retraite en juin 2013 (juste après son 65e anniversaire), mais, la date approchant, elle se rend compte qu’elle n’est pas prête.

« Je pense que j’ai encore beaucoup à donner, affirme Mme Cooksey, infirmière à plein temps à la clinique externe de santé mentale du campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa. J’apprends encore, je me sens respectée au travail et j’ai le sentiment de faire du bon travail. »

L’an dernier, elle s’est arrangée avec une collègue pour faire les quarts de jour, du lundi au vendredi, une semaine sur deux. « J’ai pensé qu’avec un emploi partagé j’aurai plus de liberté pour voir mes petits-enfants et voyager. Et aussi de perfectionner mes compétences et mes connaissances », explique-t-elle. S’il avait s’agi de travail par quarts, elle n’aurait même pas considéré cette option : « J’aurais envisagé la retraite sans aucun doute. » (Du fait de la restructuration récente, cet arrangement n’a pas encore été approuvé, mais Mme Cooksey, qui continue à travailler à temps complet, espère que ça va marcher.)

Two women laughing over coffee.
Teckles Photography Inc.
Laurel Hawthorne bavarde avec Brenda Guiney, ancienne collègue, elle aussi à la retraite, dans un centre commercial près de chez elles à Ottawa.

Compte à rebours

Infirmière psychiatrique de 61 ans, Laurel Hawthorne compte les jours et jure qu’une fois partie, elle ne remettra jamais les pieds dans son service. Elle sait qu’une fois à la retraite, elle retrouvera encore la bande du Centre de santé mentale Royal d’Ottawa pour manger ou prendre un verre, mais elle sera soulagée de ne plus avoir à penser au travail et à ses problèmes.

Lorsque Mme Hawthorne a parlé avec infirmière canadienne, en novembre dernier, il ne lui restait que 12 quarts avant la retraite. « J’adore le travail. J’adore les patients. La majorité du personnel est formidable. Mais la politique et la paperasse me frustrent vraiment, parfois. »

Mme Hawthorne est infirmière d’étage et travaille à temps partiel, faisant des quarts de soirée dans le service des troubles de l’humeur et de l’anxiété au Royal. Son service a 14 lits pour des patients atteints de troubles de l’humeur et 8 lits de crise, ajoutés il y a 2 ans. Elle travaille au Royal depuis 39 ans, mais elle a le sentiment de ne plus avoir beaucoup de pouvoir décisionnel et de soutien en tant qu’infirmière de première ligne depuis la modification de la structure de gestion en 2006.

Depuis ces changements, estime-t-elle, les conditions de travail du personnel infirmier se sont détériorées. « Nous avons perdu notre autonomie. Ça en arrive au point où on ne peut plus rien faire sans écrire des pages et des pages de protocole sur ce qu’on a fait. »

Au nombre des projets de Mme Hawthorne, il y a prendre soin de son père qui a 89 ans. Plus qu’une motivation pour prendre sa retraite, c’est une excuse : « J’en ai assez du travail. »

Ce que disent les chiffres

Selon Infirmières réglementées : tendances canadiennes, 2007 à 2011, une publication de l’Institut canadien d’information sur la santé, un peu plus du quart des infirmières et infirmiers en exercice ont 55 ans ou plus. Sur le nombre total des infirmières et infirmiers en activité en 2011 (270 724), environ 38 000 avaient entre 55 et 59 ans, et 32 000 avaient 60 ans ou plus.

Une fois atteint l’âge de 55 ans, le personnel infirmier peut généralement compter prendre sa retraite dans les 5 à 10 années suivantes, soit entre 60 et 65 ans. Les statistiques montrent qu’environ 11 % des infirmières et infirmiers de 60 ans ou plus arrêtent de travailler chaque année. En fait, ceux de 65 ans ou plus ne représentaient que 3,5 % des effectifs infirmiers en 2010.

En 2011, il y avait presque 13 000 infirmières et infirmiers actifs de plus qu’en 2007, mais les tendances actuelles inquiètent Gail Tomblin Murphy, directrice du Collaborating Centre on Health Workforce Planning and Research de l’OMS/OPS à l’Université Dalhousie University. Dans un article publié en 2012 dans Health Policy et intitulé « Eliminating the Shortage of Registered Nurses in Canada: An Exercise in Applied Needs-Based Planning », elle et ses collègues de recherche estiment qu’il manquait au Canada, en 2007, 11 000 infirmières et infirmiers à temps plein et que si rien n’est fait, ce chiffre pourrait atteindre 60 000 d’ici 2022.

« Quand nous nous sommes penchés sur les causes de cette lacune, nous avons vu que les besoins de soins infirmiers allaient augmenter bien plus que l’offre », explique Adrian MacKenzie, analyste principal au Centre et co-auteur de l’article.

Embaucher de jeunes infirmiers et infirmières, réaffecter le personnel infirmier pour exploiter au maximum ses compétences et garder les plus âgés sont des éléments importants pour résoudre le manque potentiel, affirme Mme Tomblin Murphy. « J’entends souvent qu’il faut s’efforcer de garder le personnel âgé dans le système.Le savoir de ces gens, leurs compétences et leur expertise sont très précieux pendant l’intégration des nouveaux diplômés. »

Des changements dans la vie personnelle
Prendre soin d’un parent âgé a justement été un élément déterminant dans la décision de Cheryl Winger. Infirmière enseignante en santé respiratoire au Brandon Regional Health Centre au Manitoba, Mme Winger n’avait jamais imaginé prendre sa retraite à 58 ans. Son travail clinique la passionnait, elle était active au sein du Manitoba Nurses Union et du College of Registered Nurses of Manitoba et avait occupé à titre bénévole des postes de direction au conseil d’administration de la Société canadienne des infirmières en santé respiratoire et de l’organisation qui lui a succédé, Les professionnels canadiens en santé respiratoire.

« Il nous arrivait de dire en plaisantant qu’un jour nous arriverions au travail et on nous dirait quelque chose comme “Cheryl, t’as oublié tes dents à la maison, retourne les chercher”, raconte-t-elle en riant. Nous disions que nous ne prendrions jamais notre retraite. »

En 2008, cependant, la mère de Mme Winger, qui avait 88 ans, a vu réapparaître son cancer du sein malgré une double mastectomie quelques années avant. Mme Winger a d’abord pris six semaines de congé pour s’occuper de sa mère, puis l’a installée chez elle. À la même époque, une intolérance au lactose et la fibromyalgie se sont soudain déclarées chez Mme Winger. Tout cela a fini par faire trop de stress.

« Le plus dur, je crois, ça a été ma fatigue et toutes mes douleurs. J’arrivais au travail et je demandais “Est-ce quelqu’un a trouvé mon énergie? Où est passé mon entrain?” Je me traînais », raconte-t-elle.

Son ancienneté a permis à Mme Winger de prendre sa retraite à 55 ans sans pénalités. Son avenir financier étant assuré, la retraite a commencé à sembler un choix logique, et en septembre 2009, elle a franchi le pas. La perte de son rôle professionnel a cependant été difficile à accepter.

Après le décès de sa mère en 2010, Mme Winger a commencé à faire du tai-chi tous les jours, ce qui a soulagé les symptômes de la fibromyalgie. Sa vie est moins stressante maintenant, et elle prend plaisir à ses projets de couture et au temps qu’elle passe avec ses petits-enfants. Mais le travail lui manque encore parfois.

Bien qu’elle ait toujours maintenu son inscription, Mme Winger a décidé de changer son statut pour « non en exercice ». Elle compte rester en contact avec la profession en siégeant à des comités et en donnant des conférences, à titre bénévole, au programme de sciences infirmières de l’Université du Manitoba, au campus de Brandon.

Les finances
Le manque de stabilité financière peut être un facteur déterminant dans la décision de prendre ou non sa retraite. C’est la raison pour laquelle Patricia MacQueen travaille encore au St. Mary’s Hospital à Sechelt (C.-B.). Pendant presque toute sa carrière, elle a travaillé en salle d’opération et aux urgences, mais elle est maintenant à l’unité de soins ambulatoires.

« En vieillissant, j’ai découvert que le cerveau est encore partant mais pas le corps, avoue-t-elle. Je vais avoir 70 ans en juin et je n’en vois pas la fin; ça me fait très peur. Mon partenaire a eu plusieurs petits AVC et ne peut pas travailler, alors c’est moi qui nous fais vivre. Heureusement, nous sommes propriétaires, mais ma pension n’est pas formidable. »

Au début de sa carrière en soins infirmiers, explique Mme MacQueen, elle a choisi de ne pas contribuer à un régime de retraite. « J’étais jeune, inconséquente et ignorante. Je me souviens d’en avoir discuté avec mon mari, et il m’a convaincue que nous pouvions placer notre argent ailleurs pour qu’il rapporte plus. »

Quand ce mariage s’est terminé par un divorce catastrophique sur le plan financier, elle a commencé à contribuer à un régime de pension et a continué pendant 20 ans avant de prendre « officiellement » sa retraite à 65 ans. Sa pension du gouvernement et celle d’infirmière ne s’élevant qu’à 1 700 $ par mois au total, elle a du mal à joindre les deux bouts et complète donc ses revenus par des quarts occasionnels.

Ces cinq dernières années, Mme MacQueen a presque toujours pu compter sur deux quarts par semaine, plus quelques remplacements quand des gens étaient malades. Mais le travail n’est jamais garanti. « Avec le travail occasionnel, on ne sait jamais. C’est la surprise », dit-elle.

Souvent, elle trouve les soins infirmiers de première ligne épuisants : aider l’infirmière en chimio, mélanger les médicaments par intraveineuse, installer les perfusions et changer les pansements pour les patients ambulatoires. « Je ne peux plus faire de nuits. Et je peux faire six ou huit heures, mais pas douze. Il m’est arrivé de travailler trois ou quatre jours de suite, et je pouvais à peine me tenir debout après, tant mes genoux me faisaient mal. »

Mme MacQueen ne voit pas son employeur faire d’autres aménagements à cause de son âge. En fait, il a fallu qu’elle soit ferme au sujet des nuits et des quarts de 12 heures. « Je leur ai juste dit non, dit-elle. Le seul droit des travailleurs occasionnels, c’est celui de refuser. »

Quand elle fait le calcul, Mme MacQueen se dit qu’elle travaille depuis l’âge de 13 ans et qu’elle est prête pour la retraite. Elle essaye de réduire ses dépenses pour pouvoir vivre de sa pension. « Si nous arrivons à vendre notre maison, nous aurons un pécule et je pourrai arrêter de travailler », confie-t-elle.

Les régimes de retraite pour le personnel infirmier varient selon les régions et même selon les établissements. En règle générale, cependant, on travaille et cotise longtemps au régime de pension, plus les prestations sont importantes à la retraite. (Comme il n’y a pas d’âge obligatoire pour la retraite au Canada, les infirmières et infirmiers peuvent continuer à travailler indéfiniment. Néanmoins, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, après 71 ans, les travailleurs ne peuvent plus contribuer à un régime de pension ou accumuler des prestations de retraite.)

Il arrive que contribuer à un régime ne soit même pas possible. Ainsi, jusqu’en 1992, les infirmières et infirmiers ontariens qui travaillaient à temps partiel n’avaient pas le droit de contribuer au régime de pensions provincial. Ils ont pu racheter du temps une fois que les règles ont changé, mais certains ont choisi de ne pas le faire, ou n’en ont pas eu les moyens, et ils devront maintenant prendre leur retraite avec des revenus fort maigres.

« Beaucoup de mes amis qui travaillent à temps complet sont épuisés. Ils aimeraient beaucoup prendre leur retraite, mais ils n’en ont pas les moyens parce qu’ils ont travaillé à temps partiel à un moment, dit Mme Hawthorne. Je ne connais personne qui recevra des prestations complètes à la retraite. »


Kate Jaimet est rédactrice indépendante à Ottawa (Ontario).

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