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Réduire l’anxiété liée à la pratique clinique : exploration de la dynamique entre les étudiants et l’instructeur

  
https://www.canadian-nurse.com/blogs/cn-content/2023/05/29/reducing-clinical-practice-anxiety

Comment reconnaître et éliminer les obstacles à un apprentissage efficace

Par Stephanie Won
29 mai 2023
istockphoto.com/izusek
Lorsque les étudiants ont l’impression que la relation avec leur instructeur manque d’harmonie, ils peuvent perdre de vue les résultats escomptés de la pratique clinique et se concentrer sur le stress interne créé par la relation avec leur instructeur.

Messages à retenir

  • Les stages de pratique clinique supervisés par un instructeur offrent aux étudiants en sciences infirmières des expériences d’apprentissage uniques, mais anxiogènes.
  • Les étudiants passent souvent énormément de temps à s’inquiéter de la relation avec leur instructeur plutôt que des résultats escomptés de la pratique clinique. La crainte de l’échec clinique peut engendrer de l’anxiété de performance, de la peur, de la méfiance et de la frustration.
  • Lorsque les instructeurs ont recours à une démarche fondée sur les points forts, ils contribuent à favoriser une communication ouverte, la confiance et une relation de travail saine avec les étudiants. Lorsque les étudiants perçoivent que leur instructeur travaille avec eux pour réussir, le stress et l’anxiété s’estompent, leur permettant ainsi de se concentrer sur l’apprentissage prévu.

Les étudiants en sciences infirmières connaissent des niveaux de stress et d’anxiété beaucoup plus élevés que ceux des autres programmes universitaires en raison de la nature unique de la formation en sciences infirmières (Amattayakong et coll., 2020; Turner et McCarthy, 2017). Contrairement à de nombreux autres programmes, le programme en sciences infirmières combine des exigences d’inscription compétitives, une lourde charge de travail universitaire et une expérience de la pratique clinique simultanée pendant toute l’année universitaire (Turner et McCarthy, 2017). L’effet cumulatif de ces facteurs de stress, en plus de facteurs quotidiens liés à la famille, à la vie et au travail, peut entraîner des résultats négatifs chez les étudiants et un épuisement professionnel avant même que ces professionnels novices n’intègrent le marché du travail.

En examinant les divers facteurs de stress auxquels les étudiants sont confrontés, Amattayakong et coll. (2020) ont noté que des taux élevés de stress liés à la pratique clinique ont été signalés. Les programmes de formation en sciences infirmières au Canada exigent que les étudiants consacrent un nombre important d’heures à la pratique clinique avant d’obtenir leur diplôme (Garrett et MacPhee, 2014).

Bien que les heures de pratique clinique au Canada ne soient pas réglementées à l’échelle nationale, certains pays dotés de structures semblables, comme le Royaume-Uni, s’attendent à ce que les étudiants en sciences infirmières vouent 50 % de leur temps universitaire à la pratique clinique (Garrett et MacPhee, 2014). Les étudiants ont indiqué que l’un des aspects les plus marquants de leur expérience de la pratique clinique est la relation de travail formée avec leur instructeur (Serçekuş et Başkale, 2016) et que la perception générale de l’incivilité de l’instructeur peut causer de la crainte et de l’anxiété (Brown et coll., 2021). À l’inverse, les étudiants qui perçoivent la relation avec leur instructeur comme étant solidaire déclarent ressentir une plus grande satisfaction dans le cadre de la pratique clinique et des résultats universitaires positifs (Chan et coll., 2017).

Lorsque les étudiants ont l’impression que la relation avec leur instructeur manque d’harmonie, ils peuvent perdre de vue les résultats escomptés de la pratique clinique et se concentrer sur le stress interne créé par la relation avec leur instructeur. Il est essentiel d’explorer avec les étudiants quels sont les obstacles qu’ils perçoivent comme étant nuisibles au développement d’une relation avec leur instructeur et quelles sont les mesures de soutien les plus efficaces pour réduire le stress et l’anxiété (Turner et McCarthy, 2017).

Obstacles

L’identification des obstacles aux relations fructueuses en pratique clinique est une étape importante vers la création favorable de relations entre les étudiants et l’instructeur. Mikkonen et coll. (2015) ont noté que des facteurs primordiaux comme l’évaluation des cours peuvent avoir un effet au moment d’évaluer la satisfaction des étudiants. Si les étudiants estiment que l’instructeur n’est pas équitable dans son processus d’évaluation ou ne l’explique pas clairement, leur relation de travail peut s’en trouver affectée. Si les aspects fondamentaux de la pratique clinique ne sont pas établis adéquatement, cette relation peut être désavantagée dès le départ.

Les étudiants signalent qu’un manque de rétroaction ou d’orientation dans le cadre de la pratique clinique peut donner l’impression d’un environnement d’apprentissage indifférent en ce qui concerne les interactions quotidiennes entre les étudiants et l’instructeur (Mikkonen et coll., 2015). De même, le moment de la rétroaction joue un rôle important dans ces relations. Les étudiants déclarent que les commentaires constructifs ou négatifs exprimés devant le patient peuvent créer des sentiments de frustration, d’anxiété de performance et de crainte de perdre la confiance du patient (Serçekuş et Başkale, 2016).

Interroger les étudiants sur leurs connaissances pratiques en milieu clinique avant la prestation des soins aux patients est une pratique d’enseignement courante. Cependant, si elle n’est pas présentée de façon favorable, cette démarche peut entraîner des sentiments de pression et de la méfiance envers l’instructeur. En fin de compte, ce processus fait augmenter le taux de stress des étudiants qui ont l’impression d’être soumis à une épreuve (Amattayakong et coll., 2020). Lorsqu’ils interrogent les étudiants, les instructeurs doivent adapter la rétroaction au moment même et le questionnement préalable à leur groupe d’étudiants unique, en veillant à ce que ces stratégies ne créent pas d’obstacles aux relations de travail saines.

Serçekuş et Başkale (2016) ont noté que les incohérences des instructeurs peuvent augmenter le stress des étudiants et que le fait de négliger d’explorer les écarts bien connus entre la théorie et la pratique peut donner aux étudiants le sentiment d’être déconnectés de leur apprentissage en classe. Les étudiants notent aussi qu’un obstacle à une relation solide liée à la pratique clinique peut se manifester lorsque les instructeurs les surveillent trop étroitement, nuisant ainsi au sentiment de liberté d’exploration et d’évolution (Serçekuş et Başkale, 2016). Bon nombre des obstacles soulignés, lorsqu’ils sont examinés sous un angle axé sur une solution, peuvent présenter des possibilités de soutien.

Mesures de soutien

La relation entre les étudiants et l’instructeur comprend une dynamique de pouvoir inhérente. L’exploration et la définition de cette dynamique de pouvoir peuvent permettre de déterminer les attentes préexistantes que l’étudiant et l’instructeur peuvent apporter dans la pratique clinique (Chan, Tong et Henderson, 2017). Chan et coll. (2017) ont noté que les formes bien intentionnées de « pouvoir expert » apportent du réconfort, tandis que les notions de « pouvoir coercitif » peuvent nuire à une relation en cours (p. 111). L’instructeur pourrait recourir au pouvoir expert de façon constructive en assurant la liaison avec le personnel de l’unité afin de s’assurer qu’il existe des attentes mutuellement raisonnables pour les apprenants débutants et en créant un environnement propice à un apprentissage favorable (Cowen, Hubbard et Hancock, 2016).

Sous la supervision de l’instructeur, l’exploration des craintes et des préoccupations de l’étudiant, au début de son expérience de pratique clinique, peut contribuer à favoriser la confiance et un sentiment de soutien. En plus de ce que l’instructeur communique, le style de communication global est un domaine souligné de stress et d’anxiété pour les étudiants. Une communication ancrée dans la confiance, le soutien et l’empathie renforce la relation entre l’étudiant et l’instructeur, diminue le stress en général de la pratique clinique et accroît la motivation à apprendre et à exceller (Mikkonen, Kyngäs, et Kääriäinen, 2015; Serçekuş et Başkale, 2016). Ce type de communication favorise un dialogue bidirectionnel dans lequel les étudiants se sentent libres d’exprimer leurs inquiétudes ou leur incompréhension dans un lieu sûr (Mikkonen et coll., 2015).

Les difficultés au sein de la relation entre l’étudiant et l’instructeur deviennent très évidentes lorsqu’il y a des domaines de pratique que les étudiants ne parviennent pas à perfectionner. Plutôt que d’aborder uniquement les domaines que les étudiants ne comprennent pas ou ne maîtrisent pas, l’instructeur peut adopter une démarche fondée sur les points forts afin de les responsabiliser, de leur donner de l’espoir et de favoriser l’auto-efficacité en vue d’améliorer la pratique clinique (Brown et coll., 2021).

Lorsque les étudiants perçoivent leurs instructeurs comme étant sympathiques, positifs et attentionnés, ils tireront non seulement des bienfaits de leur expérience personnelle, mais ils seront aussi plus enthousiastes envers l’apprentissage et le perfectionnement de pratiques bienveillantes dans le cadre des soins aux patients (Labrague, McEnroe-Petitte, Papathanasiou, Edet et Arulappan, 2015; Serçekuş et Başkale, 2016).

Les étudiants signalent une diminution du stress lié à la pratique clinique lorsque les normes d’évaluation semblent atteignables et lorsqu’ils ressentent un certain degré d’autonomie dans la pratique clinique en vue d’atteindre ces normes (Mikkonen et coll., 2015).

Il est intéressant de noter que la proximité de la relation entre l’étudiant et l’instructeur fait l’objet de discussions polarisées dans la littérature actuelle. Certains étudiants croient que le développement d’une amitié avec leur instructeur apporte du confort et une réduction du stress. D’autres étudiants expriment fermement le besoin de limites et estiment qu’il serait inapproprié d’envisager des liens d’amitié avec un instructeur (Chan et coll., 2017). Comme pour toutes les mesures de soutien, la création d'un sens de l’équilibre au sein de la relation entre l’étudiant et l’instructeur favorise une communication ouverte, une volonté de s’exprimer et une réduction globale du niveau de stress des étudiants (Chan et coll., 2017).

Conclusion

L’exploration des obstacles courants et l’adoption de mesures de soutien efficaces à l’intention des étudiants peuvent réduire le stress et l’anxiété liés à la relation dans le contexte de la pratique clinique. Les instructeurs qui adoptent une démarche consciente de soutien à l’égard de leurs étudiants peuvent favoriser des avantages à long terme dont bénéficieront les étudiants, le corps enseignant, les futurs employeurs du secteur de la santé et les patients (Turner et McCarthy, 2017). En s’attardant aux limites professionnelles, à la clarté des compétences d’évaluation et à une communication solide, un instructeur en soins infirmiers peut assumer le rôle d’un allié pédagogique se tenant aux côtés des étudiants dans le cadre de la pratique clinique. Passer outre la démarche hiérarchique verticale en matière d’enseignement des soins infirmiers et favoriser une démarche hiérarchique latérale permettra aux étudiants de mieux se concentrer sur l’expérience plus importante des soins aux patients plutôt que sur la dynamique stressante entre l’étudiant et l’instructeur.

Références

Amattayakong, C., Klunklin, A., Kunawiktikul, W., Kuntaruksa, K. et Turale, S. « Wellness among nursing students: A qualitative study », Nurse Education in Practice, 48, 2020, 102867. doi:10.1016/j.nepr.2020.102867

Brown, J., McDonald, M., Besse, C., Manson, P., McDonald, R., Rohatinsky, N. et Singh, M. « Nursing students’ academic success factors: A quantitative cross-sectional study », Nurse Educator, 46(2), 2021, E23–E27. doi:10.1097/NNE.0000000000000882

Chan, Z. C. Y., Tong, C. W. et Henderson, S. « Uncovering nursing students’ views of their relationship with educators in a university context: A descriptive qualitative study », Nurse Education Today, 49, 2017, p. 110–114. doi:10.1016/j.nedt.2016.11.020

Cowen, K. J., Hubbard, L. J. et Hancock, D. C. « Concerns of nursing students beginning clinical courses: A descriptive study », Nurse Education Today, 43, 2016, p. 64–68. doi:10.1016/j.nedt.2016.05.001

Garrett, B. M. et MacPhee, M. « The slippery slope of nursing regulation: Challenging issues for contemporary nursing practice in Canada », Nursing Leadership, 27(3), 2014, p. 51–69. https://doi.org/10.12927/cjnl.2015.24057

Labrague, L. J., McEnroe-Petitte, D. M., Papathanasiou, I. V., Edet, O. B. et Arulappan, J. « Impact of instructors’ caring on students’ perceptions of their own caring behaviors », Journal of Nursing Scholarship, 47(4), 2015, p. 338–346. doi:10.1111/jnu.12139


Stephanie Won, inf. aut., M. Nurs., est instructrice diplômée, enseignante en soins infirmiers et responsable de programme au Camosun College dans le cadre du baccalauréat ès sciences du programme de sciences infirmières, à Victoria, en Colombie-Britannique.

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