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Questions et réponses (partie 4) : Comment les praticiens allochtones peuvent-ils soutenir les soins que vous offrez?

  
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Lianne Mantla-Look, infirmière de langue Tłı̨chǫ, répond à nos questions

Par Lianne Mantla-Look
12 décembre 2022
istockphoto.com/portfolio/FVP
La formation et la sensibilisation nécessaires pour devenir un véritable allié sont un travail de toute une vie. Dans l’immédiat, les praticiens allochtones devraient s’efforcer de connaître au moins les groupes autochtones qui vivent dans les régions où ils travaillent, les langues couramment parlées et si l’anglais n’est pas la langue maternelle de leurs clients autochtones.
Note de la rédaction : Lianne Mantla-Look a fait l’objet d’un profil dans Infirmière canadienne le 14 novembre. Dans cette série en quatre articles de questions et réponses, elle fournit un aperçu franc et direct de son expérience d’infirmière autochtone travaillant dans le Nord.
Photo de Trudy Hause
« Apprenez quelques expressions simples des langues autochtones parlées dans votre région. Apprendre à dire « Bonjour », « Comment allez-vous? » « Avez-vous mal? » ou « Je m’appelle… » démontrent une certaine sensibilité et du respect qui peut mettre les gens à l’aise. » explique Lianne Mantla-Look, infirmière parlant la langue Tłı̨chǫ.

Au cours de mes nombreuses années en soins infirmiers, j’ai eu le privilège de travailler avec d’incroyables membres du personnel infirmier et médecins. J’ai aussi travaillé avec certains des professionnels dont l’expérience minimale en matière de soins aux clients autochtones prenait forme dans leur attitude envers ces derniers et leur famille. Il arrive que des professionnels de la santé allochtones me demandent ce qu’ils peuvent faire pour être de meilleurs alliés et fournir de meilleurs soins à leurs clients autochtones. Voici ce que je leur répondrais.

Apprenez quelques notions de base, comme leur langue

Un bon début serait d’avoir une connaissance de base de la population autochtone au sein de laquelle les fournisseurs de soins de santé allochtones travaillent. Ce qui signifie savoir qu’il existe de nombreux peuples et groupes autochtones et qu’ils ne font pas tous partie du même groupe. Il faut aussi comprendre que tout le monde ne parle pas l’anglais ou ne le maîtrise pas. Apprenez à connaître les peuples autochtones qui occupent le territoire dans lequel vous travaillez : leurs langues, leurs cultures et leurs histoires. Il existe BEAUCOUP d’information disponible pour aider les alliés dans ce parcours d’apprentissage. Les alliés ne devraient pas simplement demander à leurs collègues autochtones de tout leur expliquer. Pourquoi cette responsabilité devrait-elle incomber à vos collègues autochtones? Cernez les idées préconçues que vous avez sur les peuples autochtones et remettez-les en question grâce à vos connaissances. Envisagez l’expérience sous l’angle de la vérité de votre propre parcours de vérité et de réconciliation.

Par exemple, il y a plusieurs années, alors que je travaillais dans un l’hôpital, j’ai rendu visite à un membre de ma famille proche qui avait été admis à mon unité. Il était évident que je n’étais pas en fonction; je portais des vêtements normaux et j’étais assise avec ma famille dans la chambre d’un patient. Une infirmière d’une autre unité est venue me demander si je pouvais lui servir d’interprète pour un de ses clients autochtones. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas quitter ma famille à ce moment-là et qu’elle devrait faire appel à un interprète médical. Juste au cas où il s’agirait d’une urgence, je me suis renseignée sur le dialecte de son client. L’infirmière ne le savait pas; elle supposait simplement que nous parlions tous la même langue et ne savait pas qu’il existe plusieurs dialectes de langues autochtones. Je suis restée sans voix, car je n’arrivais pas à croire qu’une infirmière qui travaille dans cette région depuis de nombreuses années – où l’on trouve cultures, langues et peuples autochtones en abondance — puisse supposer que tous les peuples autochtones parlent la même langue.

À titre d’exemple positif, certains de mes collègues de l’époque où j’étais à l’hôpital m’ont demandé de leur enseigner des expressions simples en Tłı̨chǫ (prononcé tli-cho ou tlee-cho) afin qu’ils puissent communiquer un peu avec les patients Tłı̨chǫ. J’ai pu constater de visu qu’un simple « Comment allez-vous? » en Tłı̨chǫ faisait beaucoup de chemin. Les patients Tłı̨chǫ étaient toujours si heureux que le personnel fasse l’effort de leur parler, même un peu, dans leur langue.

Il est tellement important que les alliés posent ce geste. Apprenez quelques expressions simples des langues autochtones parlées dans votre région. Apprendre à dire « Bonjour », « Comment allez-vous? » « Avez-vous mal? » ou « Je m’appelle… » démontrent une certaine sensibilité et du respect qui peut mettre les gens à l’aise.

Participer à des activités communautaires

La participation à des activités communautaires est un autre moyen pour les fournisseurs de soins de santé allochtones d’apprendre à connaître la communauté et la région et les gens qui y vivent. Par exemple, dans ma communauté, il serait intéressant de voir un membre du personnel infirmier ou un médecin allochtone participer à une danse du tambour, à un festin ou une réunion communautaire. Un tel geste créerait un climat de confiance avec les membres de la communauté; ils constateraient que vous essayez d’apprendre et de vous immerger dans leur communauté.

J’ai souvent entendu des professionnels de la santé allochtones dire qu’ils n’étaient pas sûrs qu’il soit approprié d’y assister ou qu’ils se sentiraient mal à l’aise dans cet espace. En général, si une activité communautaire est annoncée pour les membres de la communauté, tous sont les bienvenus. Vous pouvez certainement demander à un collègue si vous voulez être certain que votre présence est appropriée. Il est probable qu’il lève les yeux au ciel et vous dise que vous êtes évidemment le bienvenu. Et il est vrai que vous pourriez vous sentir mal à l’aise lors de cette activité. Après tout, elle est axée sur une vision du monde, une histoire et une culture qui ne vous sont pas familières. Cette sortie pourrait vous donner une idée de ce que ressentent vos patients autochtones lorsqu’ils vous consultent au centre de santé, à la clinique ou à l’hôpital.

Soyez conscient des divers groupes que vous servez

La formation et la sensibilisation nécessaires pour devenir un véritable allié sont un travail de toute une vie. Dans l’immédiat, les praticiens allochtones devraient s’efforcer de connaître au moins les groupes autochtones qui vivent dans les régions où ils travaillent, les langues couramment parlées et si l’anglais n’est pas la langue maternelle de leurs clients autochtones.

Les insultes raciales ne devraient jamais être utilisées. Il y a des années, j’ai suivi un cours auquel participaient d’autres infirmières et infirmiers qui venaient de l’extérieur du territoire. Un jour, je parlais avec une des infirmières dans le couloir et une étudiante d’un autre programme est passée par là. L’infirmière avec qui je parlais s’est alors exclamée : « Je ne savais pas qu’il y avait des Esquimaux ici! » J’étais horrifiée et je me suis excusée auprès de la femme inuite qui passait près de nous et qui a entendu ce qui a été dit. Je n’oublierai jamais l’expression de son visage. Furieuse, je me suis tournée vers ma collègue et je lui ai fait savoir que nous n’utilisions jamais cette expression pour faire référence au peuple inuit. Avec du recul, je regrette ne pas avoir saisi l’occasion de sensibiliser cette personne, mais j’étais bouleversée de voir qu’à notre époque, certaines personnes pouvaient être aussi ignorantes.

N'oubliez pas que vous êtes un invité

Un autre concept important pour les fournisseurs de soins de santé allochtones est de se percevoir comme des visiteurs, des invités ou des colonisateurs sur le territoire où ils travaillent. Ces termes ne sont pas péjoratifs, mais décrivent plutôt la réalité du point de vue des Autochtones. J’ai observé sur les médias sociaux de nombreux messages de membres du personnel infirmier allochtones qui se rendent pour la première fois dans une région autochtone, et je n’ai jamais vu de messages particuliers positionnant l’auteur comme un visiteur ou un invité dans la communauté, ou comme un colonisateur en général, ou se renseignant sur le peuple ou la culture avec lesquels ils travailleront. Les messages sont plutôt formulés ainsi : « Je vais dans cette communauté, comment est Internet? » ou « À quoi ressemble le centre de conditionnement physique? Y en a-t-il un? » ou « Quel type de vêtements ou d’aliments dois-je emporter? » Les alliés professionnels de la santé allochtones pourraient d’abord s’identifier comme des visiteurs et demander : « Quel est le contexte culturel du peuple de la communauté dans laquelle je me rends? » et « Quelle est l’histoire du peuple de cette communauté? »

La contribution des systèmes de soins de santé

Le présent article traite des actions individuelles, mais je tiens aussi à mentionner que les systèmes de santé doivent mettre en place des mesures de soutien pour encourager et faciliter les alliances. Des cours et des programmes de sensibilisation culturelle sont d’excellents moyens de se renseigner sur l’histoire et les habitants d’une région. Ces cours doivent être évalués et améliorés en permanence. Nous devons également trouver des moyens de soutenir et de former les fournisseurs de soins de santé qui travailleront comme contractuels de courte durée.


Lianne Mantla-Look est infirmière autorisée qui vit et travaille à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle utilise la langue avec laquelle elle a grandi pour combler les lacunes dans l’accès aux soins de santé pour les personnes qui parlent Tłı̨chǫ (prononcé tli-cho ou tlee-cho) et pour défendre les intérêts des patients autochtones dont la langue maternelle n’est pas l’anglais. Lisez son profil pour en apprendre davantage.
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